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Comportement

Publié le 06 avr 2008Lecture 10 min

Tchater à 12 ans : communication de l’avenir ou avenir de la communication

G. PICHEROT, N. TIZON, M. PICHEROT, Clinique médicale pédiatrique, CHU Nantes
Parler du « Chat » ou « Tchat » implique d’entrer dans un monde que peu d’adultes connaissent. Il est préférable pour éviter l’imposture de s’entourer de spécialistes…, plus proches des adolescents. Le tchat fait partie des nouvelles techniques de l’information et de la communication (NTIC). L’habitude est de s’inquiéter de ces nouvelles formes de communication que nous ne dominons pas. La question centrale reste aussi : comment permettre à l’enfant ou à l’adolescent d’utiliser un outil moderne sans qu’il en devienne une victime ?
Nous pensons tout de même, comme Paul Veynes (historien, Collège de France) cité par Fabien Labarthe, que « l’esprit de sérieux fait que depuis Marx, nous nous représentons le devenir historique comme une succession de problèmes que l’humanité résout, alors qu’à l’évidence l’humanité agissante ou savante ne cesse d’oublier chaque problème pour penser à autre chose ; le réalisme serait moins de se dire : comment tout cela va-t-il finir ? que de se demander :  que vont-ils bien encore inventer cette fois-ci ? » Quelques définitions utiles… à connaître • Chat : (prononcer « tchat ») : dialogue électronique en direct en anglais (to chat : discuter), sous formes de plates-formes de discussion, de listes de connexion avec  possibilité de filtrer en fonction du sexe, de l’âge, etc. (sur déclarations non vérifiables). • Messenger (MSN, ICQ…) : messagerie instantanée avec réseau de connaissances limitées et choisies (contact avec sa tribu…). Dans le langage courant, le mot tchat est de plus en plus utilisé pour designer aussi la messagerie instantanée en groupe connu. • NTIC :  nouvelles techniques de l’information et de la commu-nication. • SMS :  short message system ou texto. • Smiley : (iconicon ou emoticon) : petites icones expression des émotions. • Geek (guik), nerd :  jeune timide et asocial qui passe son temps devant l’ordinateur (jeux-vidéos multijoueurs, en particulier). Méthode d’accès au tchat L’accès se fait après une inscription (un log-in) : le postulant doit déclarer un pseudo qu’il choisit ; il doit également donner son adresse  de courriel (un email). Il reçoit ensuite sur cette adresse l’acceptation de son adhésion, ainsi que les modalités d’accès. Pour les tchats, il n’y a pas de choix possible des correspondants, qui a priori ne se connaissent pas. Les tchats « sérieux » ont un monitoring (modérateur) qui filtre les conversations douteuses. L’anonymat et la virtualité du contact entraînent une certaine déshinibition  et peuvent  amener à des comportements de type jeu de rôle où chacun choisit son identité, son sexe, son âge. Les tchats ont généralement des thèmes : santé, sexe, etc. Les dialogues type MSN se font avec la même méthode d’accès, mais les participants doivent se connaître à l’avance et forment un groupe de communication quasi-permanente. La communication se fait sur le mode invitation-acceptation.   Encadré 1. La fréquentation des tchats en quelques chiffres. Il sont toujours décalés du fait des dates des enquêtes… et toujours en progression pour l’accès aux NTIC (selon une enquête IFOP, 2005-2006) : 91 % des adolescents disposeraient d’un accès à Internet au domicile ; – les adolescents  sont surtout branchés de 19 à 22 h ; – 45 % des adolescents utilisaient régulièrement le tchat en 2006 et dans plus de la moitié des cas, un tchat sans modérateur.   Les types de communication : un langage codé ou tronqué ? Les échanges écrits sont instantanés et extrêmement rapides. Ceci impose une technique de communication avec des mots simplifiés raccourcis…, utilisés sans orthographe ni grammaire. Très rapidement un code standardisé (encadré 2) est apparu.   Encadré 2. Exemples d’expression tchat : – @tt, @tte, a tte : à toute à l'heure  – ac, ak : avec – amha : à mon humble avis  – asv [?] : âge/sexe/ville ? : invitation à se présenter – att : à toutes ou attends  – bjr : bonjour – bn : bonne nuit ou bon  – cc : coucou – dac, dak : d'accord  – dc : donc   – dr : de rien  – koi 2 9 : quoi de neuf ? – dsl : désolé  – erf/arf : exprime une déception – expldr/xpldr : explosé de rire  – fdbr : fais de beaux rêves ! – gb : gros bill (terme péjoratif) ; se dit d'un joueur qui est très fort et très… pénible – eslt sv : salut ça va – Mdr : mort de rire  – lol : lot of laugh.   Exemples de smileys en illustration   La standardisation rapide de ce code est surprenante. Les conversations sont rapides et souvent accompagnées de smileys ou d’emoticons. Comment expliquer l’intérêt pour le tchat ? Les adolescents sont entrés rapidement dans cette culture du tchat car elle est « ludique, personnalisée, dynamique, fulgurante, réticulaire ». L’instantanéité et la facilité abolissent la notion de temps et d’espace. En effet, on peut « tchater » à n’importe quelle heure et communiquer avec tout un monde éventuellement lointain. Le tchat est associé à une activité et une agilité importantes mais où le corps est absent, et où l’adolescent se retrouve en « apesanteur spatio-temporelle ». Le tchat ou les messageries type MSN correspondent à une activité de socialisation groupale. Ils sont considérés comme « dynamiques » et participatifs par opposition au livre… considéré comme figé ! L’adolescent en communication par le tchat peut-être multi-tâches… passant instantanément ou utilisant simultanément son lecteur MP3, le tchat ou MSN et effectuer des recherches documentaires sur Internet. On assiste impuissant à une certaine transformation des modes relationnels : instantanéité, rapidité, disparition des distances… C’est peut-être une culture en plus ou plus probablement, une culture à la place (du livre, par exemple, pour P. Lardelier, sociologue, université de Bourgogne). Rôle du tchat ? La mise à l’épreuve de la sexualité Pour Fabien Labarthe (université d’Avignon, laboratoire Culture et Communication), par le tchat l’adolescent se met à l’épreuve de la « drague et de la vanne ». La « drague » virtuelle est la première préoccupation sur les « tchats ». Ils permettent l’exploration de l’identité « sexuée », en principe sans risque, mais aussi sans limite. Les rencontres virtuelles sont nombreuses et masquées par l’identité choisie. Les « vannes » oratoires sont nombreuses, allant souvent jusqu’aux insultes dans de véritables joutes parfois grossières dans les tchats non contrôlés. Vannes et drague sont exercées surtout par les jeunes adolescents et sont considérées comme « puériles » par les 16-18 ans. Les tchats permettent l’exploration de l’identité « sexuée », en principe sans risque, mais aussi sans limite. Prise en main d’Internet Le tchat fait partie de cette nouvelle culture dite du « troisième type » liée à l’utilisation d’Internet. Le chat a aussi un rôle dans la  prise en main d’Internet. L’adoption d’Internet est massive et la familiarisation se fait par tâtonnement plutôt que par transmission d’un savoir-faire venant des adultes. La dextérité au clavier est souvent impressionnante. Le niveau technique est cependant limité et n’explorant pas la complexité de la technologie informatique. La technique sous-jacente est lourde et complexe, mais la pratique est assez simple. Les dangers du tchat   Les dangers liés aux contacts qui se créent à travers les tchats – une rencontre serait proposée dans 14 % des dialogues ; – des propos choquants violents et sexualisés sont fréquents ; – les tchats peuvent être utilisés par les sites pédophiles. Une rencontre serait proposée dans 14 % des dialogues.   Les dangers liés à la méthode relationnelle du tchat : – « pas de compassion, pas de conscience, pas de responsabilité : un ego vide » ; – une socialisation différente, qui se fait ailleurs, hors du cercle familial ; – une scission intergénérationnelle. Les parents et les enseignants disparaissent de l’apprentissage et de la transmission ; – l’organisation des correspondances est naïvement considérée comme gratuite, alors que le lien est accompagné de messages publicitaires influents.  Les dangers directs pour l’adolescent – l’Internet, et particulièrement le tchat, sont chronophages et prennent la place d’autres temps essentiels : apprentissages, sport, sommeil… ; – le tchat est phatique (se dit du langage lorsqu’il est utilisé uniquement pour établir une communication ; ex. Allo !) ; – le tchat donne une impression de surpuissance de communication mais reste dans la superficialité. Le passage d’une activité à l’autre gêne la concentration ; – le chat est sans doute addictogène comme toutes les NTIC… Certains parlent de déplacement d’addiction… « Plus on tchate, moins on fume… » (cela reste à vérifier !) ; – plus inquiétant est sans doute l’aggravation de pathologie psychiatrique préexistante (Bertrand Seys, psychothérapeute et enseignant chercheur à l’ENST Bretagne). Le tchat est sans doute addictogène comme toutes les NTIC… Les dangers peuvent être aussi dans la perte des repères culturels. « Sale temps pour les livres », conclut P. Lardelier. Cette nouvelle culture transformera sans doute les modalités de transmission et d’enseignement. Mais que vont-ils devenir ? C’est la question de tous les adultes face à cette nouvelle communication ou à cette nouvelle culture. La pondération de nos inquiétudes peut être trouvée dans l’histoire : chaque nouvelle technique a été accompagnée d’évaluation catastrophique par les « anciens » : le livre (il y a très longtemps), le téléphone ou le cinéma (plus récemment). La culture Internet va modifier les modalités des échanges et des apprentissages. Certains types de communication comme le chat anonyme correspondront plus à une période de vie, l’adolescence… Les adultes, anciens utilisateurs, resteront-ils accros à cette technique ? Cela paraît peu probable et on connaît déjà les modifications d’utilisation aux différents âges de l’adolescence. Par extension, certains groupes industriels ou de communication utilisent la messagerie instantanée pour les relations entre leurs collaborateurs ou leurs interlocuteurs en utilisant le terme chat. Les jeunes  habitués de ce type de communication seront sûrement plus réactifs… Conclusion Chater ou tchater est actuellement un mode de communication particulièrement apprécié des jeunes adolescents. Nul doute que l’avenir passera par une adaptation de cette technique et que les possibilités des NTIC sont loin d’être explorées. Garder le lien avec les adolescents autour de ces techniques est sûrement un objectif essentiel pour parents, éducateurs et… médecins, en particulier pour les protéger, mais aussi pour les comprendre.      Encadré 3. Des conseils peuvent leur être donné par les adultes (Guide 2006 « L’Internet sûr, ça s’apprend »). • Ne pas communiquer son adresse privée. • Ne jamais communiquer son numéro de téléphone. • Ne jamais s’identifier avec son vrai nom. • Ne jamais communiquer son adresse email (disposer d’une adresse dédiée). • Ne jamais donner de rendez-vous. • Prendre l’habitude de communiquer avec les parents autour des tchats. • Interrompre les conversations dès qu’elles sont anormales. • Insertion d’un système de contrôle parental (à efficacité limitée). Ces conseils utiles sont donnés à l’occasion de discussion entre adolescents et adultes. Leurs limites s’applique à la prévention à cet âge. Elle ne peut toucher que les adolescents qui ont gardé un lien avec leurs parents ou les adultes de leur entourage. Les plus en difficultés seront encore les plus fragiles au mésusage de cette NTIC.

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