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Dermatologie

Publié le 31 mai 2025Lecture 5 min

Une teigne du cuir chevelu « maltraitée »

Narjiss CHBAILI, Emmanuel MAHÉ, service de dermatologie, Hôpital Victor Dupouy, Argenteuil

Quelle que soit la dermatose, le « test » thérapeutique, est intéressant s’il est bien mené, et n’obère pas la prise en charge ultérieure de l’enfant. Des erreurs répétées sont observées sur les dossiers de télédermatologie, notamment dans la prise en charge des teignes du cuir chevelu. Avec cette observation issue d’un dossier adressé par un médecin de proximité, nous voulions préciser les principales erreurs à ne pas commettre dans la prise en charge de la teigne du cuir chevelu.

Cas clinique   Une fillette de 5 ans, pré - sentait depuis 6 semaines une alopécie circonscrite, apparemment squameuse initialement. Un traitement antifongique « d’épreuve » en shampoing a été appliqué pendant 3 semaines. Aucun effet n’a été noté. Dans l’observation, il n'y a pas eu d’enquête familiale. La photo adressée montrait une lésion unique, pariétale droite, de petite taille, non squameuse (figure 1). Figure 1. Lésion alopécique pariétale droite.   Un diagnostic de teigne du cuir chevelu avait été évoqué, mais devant l’échec du traitement, un conseil thérapeutique a été demandé.   Commentaires   Cette observation illustre plusieurs erreurs fréquemment observées dans les demandes de téléexpertise quant à la prise en charge des teignes. Nous soulignerons six points : – il faut TOUJOURS faire un prélèvement mycologique sur une teigne du cuir chevelu. Comme nous le verrons, le traitement peut être adapté en fonction du germe ; – il faut TOUJOURS faire un traitement mixte, oral et local, pour une teigne du cuir chevelu, pendant au moins 4 semaines ; – il faut TOUJOURS faire une enquête d’entourage (fratrie, école, animaux) pour rechercher d’autres cas à prendre en charge ou faire prendre en charge (animaux !) ; – un traitement local (ou général) antifongique empêche tout nouveau prélèvement avant plusieurs semaines, car il y a un risque élevé de faux négatif. Ce qui dans cette observation nous empêche de confirmer le diagnostic ; – les shampoings antifongiques n’ont pas démontré leur efficacité. Les crèmes antifongiques sont préconisées ; – sur une pathologie bénigne comme cette suspicion de teigne de très petite taille, un test thérapeutique ne paraît pas adapté. S’il y a un doute diagnostique (ici une pelade peut être discutée sur la photo adressée), il n’y a pas d’urgences à traiter. Donc dans le cas qui nous intéresse ici, aucune solution idéale ne peut être proposée pour répondre à la requête.   Discussion   La teigne du cuir chevelu est une dermatophytose superficielle, qui touche principalement les enfants. Les facteurs favorisants sont : environnement socio- économique défavorable, conditions d’hygiène insuffisantes, chaleur, humidité et surtout vie en collectivité (écoles, crèches, vacances estivales). Elle est causée par des champignons kératinophiles. Les espèces fongiques responsables, zoophiles ou anthropophiles, diffèrent selon les régions : en France, Trichophyton tonsurans est fréquent en milieu urbain, tandis que Microsporum canis prédomine dans les zones rurales. Le diagnostic de la teigne est souvent assez simple, mais il existe une grande variété de formes cliniques, allant des plaques alopéciques squameuses à des formes inflammatoires sévères comme le kérion. Cette variabilité peut conduire à des retards diagnostiques, en particulier dans les cas atypiques. Les teignes tondantes (figure 1 : microsporique ; figure 2 : trichophytique) posent un problème diagnostique avec les autres causes d’alopécie, essentiellement la pelade. Dans la pelade, le cuir chevelu est lisse, sans squames ; on peut noter des cheveux en point d’exclamation en périphérie des lésions. Les kérions (figure 3) posent un problème diagnostique avec les pyodermites bactériennes comme l’impétigo. Figure 2. Teigne microsporique : grande plaque, unique. Figure 3. Teigne trichophytique : multiples petites plaques grisâtres.   L’examen mycologique est indispensable pour confirmer le diagnostic. La culture fongique reste la référence, mais son délai de pousse (1 à 3 semaines) limite son utilité en situation clinique immédiate. L’examen direct au microscope est rapide et permet une orientation initiale, mais le résultat dépend de la qualité du prélèvement et de l’expérience de l’examinateur. Il doit être réalisé avant l’application de tout traitement. L’utilisation de la lampe de Wood, bien qu’utile pour les espèces fluorescentes comme Microsporum canis, manque de sensibilité pour les Trichophyton tonsurans. Les techniques modernes, telles que la PCR (réaction en chaîne par polymérase) offrent une précision accrue dans un délai plus court, mais leur accessibilité reste limitée dans de nombreux contextes. La prise en charge de la teigne du cuir chevelu repose sur l’utilisation d’antifongiques systémiques et locaux. Un algorithme de prise en charge a été rédigé sous l’égide de sociétés savantes et des autorités sanitaires, depuis l’arrêt de la commercialisation de la grisefuline. La terbinafine (dirigée contre le Trichophyton et à moindre niveau sur le Microsporum) est le traitement probabiliste à instaurer d’emblée. L’itraconazole est utilisé pour traiter le Microsporum, soit lorsque l’examen clinique initial est clairement en faveur de ce champignon, soit lorsque les résultats mycologiques l’ont identifié et que la teigne résiste à la terbinafine. Les traitements topiques, bien qu’insuffisants en monothérapie pour éradiquer l’infection, jouent un rôle im portant en complément systématique des anti fongiques systémiques pour réduire la transmission. On peut ainsi recourir aux imidazolés ou à la ciclopiroxolamine en crème. Les shampoings ne semblent pas suffisants. Si les recommandations proposent un traitement initial de 4 semaines, en pratique il faut réévaluer à 4 semaines l’efficacité du traitement (et récupérer la culture), et parfois poursuivre de 2 à 4 semaines. De plus en plus de publications vont en ce sens. Il est aussi nécessaire de respecter les mesures d’hygiène de base qui permettent de limiter la contamination, et ne pas hésiter à le noter sur l’ordonnance : lavage des mains, ne pas partager les affaires personnelles (peignes, brosses, chapeaux, etc.). Les vecteurs passifs doivent être soigneusement traités le soir où le traitement est démarré : linge, bonnets, casquettes, chapeaux, matériel de coiffure avec un désinfectant à antifongique. Il est aussi essentiel de faire traiter les animaux identifiés (chat, chien, cochon d’Inde) par un vétérinaire. L’éviction scolaire n’est pas nécessaire dès que les traitements systémique et topique sont débutés. Figure 4. Kéryons : nodules inflammatoires avec puis purulent, pouvant être douloureux. Figure 5. Teigne inflammatoire. Ici, teigne microsporique traitée comme une pelade (l’enfant avait une pelade et une teigne !) par dermocorticoïdes forts et baracitinib : aspect de multiples abcès/folliculites du cuir chevelu (Rotaru S et al. Ann Dermatol Venereol 2022). Figure 6. Teigne trichophytique traitée par dermocorticoïdes (traitement d’épreuve pour une pelade !). Noter les plaques d’alopécie cicatricielle probablement définitives.   Conclusion   La teigne du cuir chevelu est une affection bénigne mais contagieuse. Une prise en charge rapide et adaptée permet une guérison sans séquelles.

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