Publié le 31 mai 2025Lecture 8 min
TDAH : suivi et évolution des enfants
Élise RIQUIN, Thomas LE NERZÉ, service de pédopsychiatrie, CHU d’Angers

Le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) touche de nombreuses personnes, de tous âges. Ce trouble, associant de multiples et très fréquentes comorbidités, persiste dans environ 60 % des cas à l’âge adulte. L’évolution dépend de divers facteurs. Le diagnostic et la prise en charge, avec un traitement médicamenteux si celle-ci s’avère nécessaire, en sont les éléments clés.
Diagnostics différentiels du TDAH
Le diagnostic du TDAH étant un élément clé de l’évolution des patients, il est capital de bien reconnaître le trouble et d’éliminer tout diagnostic différentiel. Les principaux diagnostics différentiels sont répertoriés dans le tableau 1.
Il convient de porter une attention particulière aux facteurs environnementaux, tels que les abus physiques et les négligences. De même, les problématiques éducatives et troubles de l’attachement peuvent mimer des symptômes de TDAH.
Les comorbidités
Comorbidités dans l’enfance et à l’adolescence
Dans l’enfance, 65 à 75 % des enfants atteints de TDAH présentent une ou plusieurs comorbidités, telles que les troubles oppositionnels avec provocation (TOP), les troubles des conduites (TC), les troubles anxieux et de l’humeur, les tics ou le syndrome de Gilles de la Tourette, les troubles des apprentissages et les troubles du spectre de l’autisme. Beaucoup de ces comorbidités persistent à l’adolescence.
Comorbidités à l’âge adulte
Les comorbidités à l’âge adulte sont également très fréquentes et sont parfois le témoin de troubles non diagnostiqués et non traités. Ainsi, certaines comorbidités de l’enfance peuvent persister, et peuvent apparaître des troubles addictifs (30 % des cas), un trouble de la personnalité antisociale ou borderline (dans 30 % des cas), des troubles anxieux et troubles de l’humeur, mais également des troubles des conduites alimentaires.
Évolution et trajectoire
Évolution à l’adolescence
À l’adolescence, on constate dans 50 % des cas une persistance des symptômes. C’est aussi une période à risque de début des troubles des conduites et troubles addictifs, ainsi que de comportements à risque : accident de la voie publique, infections sexuellement transmissibles, grossesse précoces, re cherche de sensations fortes. Le risque de décrochage scolaire devient également plus important. La probabilité de souffrir d’un épisode dépressif caractérisé est multiplié par 4, et le risque de passage à l’acte suicidaire est multiplié par 3,5. Classiquement, il persisterait un déficit de l’attention, avec moins d’impulsivité à cet âge de la vie. Il faut également noter qu’en lien avec les problématiques spécifiques adolescence, l’évolution pourrait être aggravée par un refus de prise en charge.
L’impulsivité, c’est l’incapacité à contrôler ses réactions immédiates verbales ou motrices en réponse à un contexte donné.
Sur le plan cognitif, l’impulsivité se caractérise par une précipitation, un manque de planification, des difficultés d’anticipation, une incapacité à patienter, la recherche de récompense immédiate plutôt que différée. Sur le plan émotionnel, elle se caractérise par une difficulté à réguler une émotion positive ou négative, qui se traduit par une irritabilité, des émotions parfois extrêmes, des changements émotionnels rapides et mal contrôlés. Ces caractéristiques induisent de nombreux conflits, avec la sensation, pour les proches de « marcher sur des œufs » car les contrariétés prennent des proportions énormes.
L’impulsivité crée également des difficultés pour traiter et organiser les informations par écrit, suivre les procédures ou les démarches. Elle induit des difficultés de motivation et de planification, une procrastination, ainsi qu’une cécité temporelle avec difficultés de gestion du temps. Elle a un impact sur la vie sociale et familiale.
Évolution à l’âge adulte
Environ 60 % des enfants at teints de TDAH continuent de présenter des troubles significatifs à l’âge adulte. La prévalence s’élève à 4 % des adultes, avec un sex ratio de 1/1.
On notera que les filles, souvent moins perturbatrices à l’adolescence, et n’ayant parfois pas bénéficié de diagnostic pendant l’enfance, présentent des troubles significatifs à l’âge adulte et demandent alors de l’aide.
La triade symptomatique reste la même, avec quelques spécificités liées à l’âge. L’hyperactivité se caractérise par un sentiment interne d’agitation, une incapacité à se détendre, à contrôler les prises de paroles, des difficultés à rester assis longtemps, des mouvements incessants. L’impulsivité se manifeste par une impatience, le fait de couper la parole, d’agir sans réfléchir, de mettre fin ou commencer des projets de manière impulsive (par exemple, emploi ou relations), et parfois la recherche de sensations fortes. L’inattention induit une distractibilité, une désorganisation, des retards chroniques ou rendez-vous manqués, des erreurs d’inattention et des oublis, de même qu’une importante procrastination. Ainsi, même lorsque les tâches sont commencées, elles ne sont souvent pas terminées, ce qui conduit à manquer des échéances. Les principales évolutions sont décrites en figure 1.
Figure 1. Évolution à l’âge adulte d’un TDAH. AVP : accident sur la voie publique.
L’impact du méthylphénidate au long cours
En 2021, la HAS, dans sa commission de transparence, évoquait l’utilisation au long cours du méthylphénidate, non recommandée mais observée. Des interrogations persistaient sur les événements cardiovasculaires, neurologiques et psychiatriques à long terme, induisant une surveillance nécessaire. La commission mettait également en lumière, chez l’enfant, un risque de retard de croissance staturopondéral et des risques de mésusage et de dépendance nécessitant une surveillance particulière.
En 2025, une revue de la littérature évoque un effet potentiellement protecteur contre la dépression et les troubles liés à l’usage de substances. Aucune augmentation significative du risque de suicide, de troubles psychotiques ou de dysfonctionnement testiculaire n’est observée. Des préoccupations subsistent concernant les effets cardiovasculaires à long terme, avec une augmentation du risque d’hypertension artérielle (HTA) et de maladie artérielle, lors de prescriptions de doses élevées (45 mg/j). Aucun surrisque d’arythmie, de trouble ischémique ou thromboembolique n’est retrouvé. Concernant l’impact sur la croissance, la question reste ouverte avec des résultats hétérogènes sur une influence à moyen et long terme et un impact faible en moyenne.
Le suivi
Évaluation de l’environnement familial et social
Les facteurs familiaux, tels que la pratique éducative parentale, les interactions familiales, et plus généralement celles avec l’ensemble de la sphère sociale, ainsi que les facteurs de stress psychosociaux (actuels et passés) doivent être évalués pour recueillir des éléments objectifs sur les différents environnements de vie et les facteurs interférants l’adaptation : conditions de vie, éducation, présence parentale, contextes spécifiques.
Il convient également d’évaluer le retentissement du trouble sur les activités sociales et au sein d’activités extrascolaires (rechercher des antécédents d’exclusion), et de repérer les parcours et événements de vie notables de l’enfant et de sa famille. L’usage des écrans devra être questionné et régulé si cela s’avère nécessaire.
Enfin, l’évaluation du retentissement du TDAH sur la dynamique familiale, le bien-être des parents et de la fratrie, est de grand intérêt, car il permet de mettre en place le soutien et l’accompagnement adapté, afin de limiter les conséquences délétères d’un cadre éducatif inadapté.
In fine, il s’agit de valoriser l’intégration sociale, « dans la vie » de ces enfants, avec leurs particularités. En effet, ces enfants, adolescents pourront être exposés à de bonnes expériences, mais également malheureusement à des expériences de rejet du fait de certains symptômes (impulsivité, colère, etc.) délétères pour eux et leur développement psycho-affectif.
Quels accompagnements ?
L’accompagnement de ces enfants est capital, et ne se résume pas à la prise médicamenteuse et à la prescription.
Pour le pédopsychiatre et les soignants impliqués dans l’accompagnement, il convient de poser une question d’apparence simple : comment un enfant grandit avec un TDAH ? En effet, nombre de jeunes patients évoquent un vécu d’anormalité : « Je ne suis pas comme les autres », la prescription venant parfois valider ce vécu de différence, d’anormalité. D’autres répètent : « Je suis bête », les conséquences scolaires venant parfois encourager cette croyance. Certains, repérant parfois leurs difficultés comportementales, interpellent l’entourage : « Tu aimes mieux ma sœur, mon frère, tu serais mieux sans moi », les conflits, la fatigue parentale venant soutenir ce vécu. Des enfants identifient également leurs difficultés à être en lien : « Je n’ai pas de copains/copines », les troubles de la régulation des émotions, les difficultés d’ajustement, l’instabilité psycho-motrice et l’impulsivité mettant en péril certaines relations. Nombre d’enfants (mais également de parents) se dévalorisent considérablement et notre rôle est de les soutenir dans ces craintes et interrogations. La psychothérapie doit donc être systématiquement mise en place.
Le pédopsychiatre et les soignants autour de l’enfant et de sa famille devront proposer une évaluation diagnostique et des comorbidités, une prise en charge globale tenant compte du retentissement affectif individuel et familial. La psychoéducation doit être intégrée aux soins, afin de garantir une meilleure compréhension, et donc une adaptation aux différents symptômes, mais également l’appréhension de règles hygiénodiététiques simples, telles que les couchers et levers réguliers, la pratique d’une activité sportive et la limitation du temps d’écrans. À l’adolescence, il pourra être d’intérêt de parler des addictions, de sensibiliser sur les risques, sans banaliser et en orientant vers des structures de soins en addictologie si nécessaire.
Des mesures d’accompagnement du handicap peuvent être proposées, de même que la prise en charge de l’environnement en faisant le lien avec l’école (psycho-éducation), et en proposant les aménagements adaptés, de même qu’un projet d’apprentissage cohérent et réaliste.
La transition ?
La transition d’un suivi pédopsychiatrique ou pédiatrique vers un suivi en secteur adulte doit se préparer. L’important étant d’en parler tôt, et ne pas s'arc-bouter sur cette transition si cela ne semble pas le moment opportun pour l’enfant et/ou sa famille. Parler tôt de la transition permet de soutenir l’idée, auprès de l’enfant, l’adolescent et sa famille que les choses ne vont pas toujours rentrer dans l’ordre à l’âge adulte et ainsi de les accompagner. Des consultations conjointes de relais entre pédopsychiatre/psychiatre adulte ou neuropédiatre/neurologue adulte peuvent être envisagées.
Conclusion
En pratique, on retiendra que le TDAH ne se limite pas à l’enfance et que les troubles persistent, dans une majorité des cas, en nécessitant un accompagnement adapté. La présence de comorbidités est la règle chez les personnes avec TDAH, et leur repérage et prise en charge sont absolument indispensables pour permettre une bonne évolution des symptômes.
Pour en savoir plus :
• Bellato A, Perrott NJ, Marzulli L, Parlatini V, Coghill D, Cortese S. Systematic review and meta-analysis: effects of pharmacological treatment for attention-deficit/hyperactivity disorder on quality of life. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2025 ; 64(3) : 346-61.
• Boland R, Verduin M. Kaplan & Sadock’’s Comprehensive Textbook of Psychiatry. Editors, Robert J. Boland, Marcia L. Verdu.
• Bölte S. Social cognition in autism and ADHD. Neuroscience & Biobehavioral Reviews 2025 ; 169 : 106022.
• Drechsler R, Brem S, Brandeis D, Grünblatt E, Berger G, Walitza S. ADHD: Current concepts and treatments in children and adolescents. Neuropediatrics 2020 ; 51(5) : 315-35.
• Jurek L, Cortese S, Nourredine M. Risques du méthylphénidate au long cours. Annales Médico-psychologiques 2025 ; 183(3) : 332-7.
• Sibley MH, Flores S, Murphy M, et al. Research Review : Pharmacological and non-pharmacological treatments for adolescents with attention deficit/ hyperactivity disorder - a systematic review of the literature. Journal of Child Psychology and Psychiatry, and Allied Disciplines 2025 ; 66(1) : 132-49.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :