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Comportement

Publié le 24 aoû 2006Lecture 10 min

Le sport de compétition chez l'enfant : du plaisir à la maltraitance

B. Chabrol, J.-L. Jouve, G. Bollini - Hôpital d'Enfants, CHU Timone, Marseille
S'il ne fait aucun doute que la pratique du sport et ses bénéfices sont clairement établis chez l'enfant, qu'en est-il du sport de compétition ou des entraînements intensifs ? Face à la demande de résultats toujours plus performants de la part des entraîneurs, mais aussi des parents, quelle est la position du pédiatre ?
Le sport peut être défini comme une pratique physique codifiée, compétitive et institutionnalisée. On distingue la pratique sportive modérée, moins de 8 heures par semaine, qui est la plus fréquente chez les enfants, de la pratique intensive de haut niveau, plus de 15 heures par semaine, qui correspond le plus souvent à un niveau de compétition.   Bénéfices du sport Sur le plan somatique Le sport est bénéfique pour le jeune enfant, il permet un développement harmonieux de sa musculature et entraîne une bonne statique vertébrale. Il participe aussi à la lutte contre la sédentarité, cause majeure de survenue d'obésité.   Bénéfices psychologiques Sur le plan psychologique, le sport favorise l'acquisition d'une certaine autonomie, l'activité sportive est excellente pour intégrer son schéma corporel ; elle permet une réelle approche psychomotrice en améliorant bien souvent la coordination temporospatiale. La pratique sportive aide à l'épanouissement de l'enfant : en libérant toute tension, elle conduit à une meilleure concentration, à l'origine de plus de réussite dans les autres matires scolaires. Le sport encourage la socialisation, surtout lors des sports collectifs, qui favorisent un esprit d'équipe, le sens du respect des règles et de l'autre. Au total Le développement harmonieux d'un enfant par l'intermédiaire d'une activité sportive, semble pouvoir être corrélé à une limitation des facteurs de risque de maladie coronaire et de son apparition à l'âge adulte. Cependant, la pratique intensive d'une activité sportive chez l'enfant n'est pas sans danger, en particulier dans la période prépubère.   Risques liés au surentraînement   Risques orthopédiques : les syndromes d'hypersollicitation Au cours des dix dernières années, les chirurgiens orthopédistes pédiatres ont vu les accidents liés à la pratique sportive se modifier de façon radicale, réalisant des tableaux appelés syndromes d' hypersollicitation , qui provoquent dans l'immense majorité des cas des lésions bénignes et de bon pronostic. Ils n'en restent pas moins le témoignage d'efforts physiques imposés inadaptés à l'appareil locomoteur de l'enfant.   Les ostéochondroses Elles peuvent être classées en 3 types : - les ostéochondroses épiphysaires (articulaires) sont constituées par les ostéochondrites du genou, de la cheville, du coude, du pied, et sont étroitement corrélées avec l'intensité de la pratique sportive (ostéochondrite du coude chez la jeune gymnaste liée à un entraînement > 15 heures par semaine, caractérisée par un flessum antalgique et des irrégularités radiographiques du condyle) ; - les ostéochondroses apophysaires, liées à une sollicitation excessive des apophyses situées en regard des tendons principaux de l'organisme. On les retrouve au niveau du tibia, de la rotule et du calcanéum. En cas d'activité sportive intense, elles peuvent siéger sur des insertions tendineuses inhabituelles (apophyse olécrânienne de la gymnaste, soumise à de fortes tensions du triceps lors de la pratique des agrès). Le pronostic de ces lésions est régulirement bon, ne justifie que d'une abstention sportive brève de quelques semaines puis d'une modification de la pratique sportive ; - les ostéochondroses physaires sont des lésions localisées au cartilage de croissance, au niveau du poignet sur le cartilage du radius distal, notamment chez les gymnastes (aspect radiographique irrégulier et élargi dans un contexte clinique douloureux). L'évolution est généralement favorable à l'arrêt du sport.   Les macrotraumatismes Les fractures de fatigue peuvent survenir au niveau des os longs et sont souvent précédées d'un syndrome douloureux durant plusieurs jours, associé à une réaction périostée. L'IRM permet de visualiser le trait de fracture de façon formelle. Elles sont également fréquentes au niveau du rachis sous la forme d'une spondylolyse L5-S1. Une spondylolyse douloureuse est une contre-indication à toute activité sportive. Une spondylolyse peu déplacée ne contre-indique aucune activité sportive ds lors qu'elle reste indolore.   "Une spondylolyse douloureuse est une contre-indication à toute activité sportive"   Les arrachements apophysaires surviennent essentiellement lors des mouvements contrariés de façon brutale, au niveau de la hanche et du genou (épines iliaques antéro-supérieure et antéro-inférieure chez l'enfant pratiquant le football ou l'athlétisme, ischion chez le nageur de compétition). L'échographie peut permettre de préciser ce diagnostic. Leur traitement consiste en la mise au repos du membre atteint.   Le dopage Chez l'enfant, les motifs de dopage correspondent principalement à une forte pression familiale et/ou de l'encadrement sportif ; trois catégories de substances sont le plus souvent utilisées . - Les stimulants permettent une augmentation de la concentration et de l'attention, la réduction de sensation de fatigue, et l'augmentation de l'agressivité. Leurs effets secondaires se caractérisent par des troubles cardiovasculaires, neurologiques et comportementaux (agressivité, nervosité, épuisement). - Les narcotiques, dont l'utilisation principale correspond à l'effet analgésique, présentent des risques d'accoutumance, de dépendance et de diminution de la concentration et de la capacité de coordination. - Les stéroïdes anabolisants entraînent une augmentation de la masse musculaire, une stimulation de l'agressivité et l'augmentation de la capacité d'endurance. Leurs effets secondaires sont nombreux.   Action sur la croissance Il semble que dans certains sports (gymnastes et nageuses de haut niveau), la pratique d'un entraînement sportif intensif diminue la vitesse de croissance staturale au point de réduire la prédiction de taille définitive. D'autre part, dans ce même groupe de sportives, la maturation pubertaire est retardée avec apparition des premires rgles 1 à 2 ans plus tard que la moyenne nationale ou d'une population témoin. Il a été également retrouvé une fréquence élevée de troubles menstruels, de dysménorrhée, d'aménorrhée secondaire. Les cas d'aménorrhée primaire sont plus fréquents chez les danseuses ou les gymnastes qui présentent un comportement alimentaire de type anorexique. Ces modifications hormonales ainsi que la diminution de la masse grasse pourraient constituer un facteur prédisposant à la survenue d'ostéoporose précoce. Des enquêtes nutritionnelles ont mis en évidence des déséquilibres alimentaires trop fréquents soit du fait des jeunes sportifs eux-mêmes, soit de leurs entraîneurs (régime hypocalorique des jeunes gymnastes !!!). "Les cas d'aménorrhée primaire sont plus fréquents chez les danseuses ou les gymnastes qui ont un comportement alimentaire de type anorexique"   Sport et adolescence (1,3) Environ 60 % des jeunes déclarent avoir une activité sportive en dehors de l'école, les filles moins que les garçons ; 38 % en font plus de 4 heures par semaine ; 14 % des garçons versus 3,5 % des filles font plus de 8 heures de sport par semaine. La pratique sportive diminue progressivement avec l'âge : à 19 ans les jeunes ne sont plus que 50 % à pratiquer un sport.   Motivations La premire motivation évoquée à la pratique d'un sport est le plaisir, puis la rencontre avec les amis et la santé. Faire du sport pour maigrir est avant tout une préoccupation féminine. A la question : Faire du sport pour le plaisir ou pour gagner ?, seulement 33 % des garçons et 14 % des filles qui ont une pratique sportive intensive déclarent le faire pour gagner. Les jeunes sportifs se disent en bonne santé : ils ont une image d'eux-mêmes plus positive que les non-sportifs, leur rythme alimentaire est plus régulier et leur sommeil de meilleure qualité. Cependant, plus le temps de pratique sportive augmente et plus nombreux sont les troubles du rythme alimentaire, avec plus de préoccupations concernant une éventuelle prise de poids. Sport et addictions La pratique sportive et le tabagisme sont inversement proportionnels : plus le temps de pratique sportive augmente, moins les jeunes sont fumeurs. La pratique sportive modérée est ainsi un facteur de protection pour la consommation régulière de tabac et pour la consommation de cannabis chez le garçon. Les sportifs et non- sportifs sont aussi nombreux à s'alcooliser et à consommer des drogues.   "La pratique sportive modérée est un facteur de protection pour la consommation régulire de tabac et pour la consommation de cannabis chez le garçon"   Cependant, les sportifs ayant une pratique sportive intense ont une alcoolisation plus régulière et sont plus nombreux comparés aux sportifs modérés, à avoir pris des drogues illicites (autres que le cannabis) plusieurs fois ou à avoir des ivresses répétées. Chez les garçons, on note une liaison nette entre intensité de la pratique sportive, consommation d'alcool et consommation de drogues. Chez les filles, les prises de somnifres et/ou d'anxiolytiques sont également plus fréquentes. En fait plus que la durée de la pratique sportive, c'est le niveau de compétition qui constitue le principal facteur de risque de consommation régulière parmi les garçons comme parmi les filles.   Sport et violence La pratique sportive est également corrélée à des comportements violents et délictueux. Les jeunes qui ont une pratique sportive intensive sont plus violents que les autres ; ils sont aussi plus nombreux à avoir subi des violences, en particulier des violences sexuelles.   "Les jeunes qui ont une pratique sportive intensive sont plus violents que les autres"   Par ailleurs, les activités sportives et de loisirs sont la premire cause d'accident chez les jeunes de moins de 26 ans. Dans les sports collectifs et de contact, très pratiqués par les adolescents, trois principaux facteurs de risque exposent à l'accident : - les transformations pubertaires ; - l'accroissement des heures d'entraînement par désir de performance ; - la prise de risque en lien étroit avec la construction de leur personnalité.   "Les activités sportives et de loisirs sont la premire cause d'accident chez les jeunes de moins de 26 ans"   Maltraitance Certains n'hésitent pas à parler de maltraitance à enfants au vu de certaines pratiques dans le milieu du sport. A quels moments les ambitions et les intérêts des parents, des entraîneurs, des fédérations sportives, des sponsors et de l'Etat négligent-ils les divers droits de l'enfant sportif ? L'enfant a-t-il droit au plaisir de pratiquer un sport ou, à l'inverse, à l'obligation de gagner ? Lors d'un entraînement sportif intensif, plusieurs éléments sont mis en évidence de façon trop fréquente : - non-respect des rythmes nyc théméraux avec levers trop précoces, entraînements contraignants sans véritables temps de repos, déplacements incessants, non respect des temps de repos hebdomadaire et des vacances ; - non-respect d'autres activités, en particulier au détriment de la vie relationnelle, scolarité déséquilibrée ; - non-respect du repos psychologique, choix imposé interdisant le libre jeu. Les conséquences psychiques sont importantes : échec scolaire, échec sportif, isolement familial, dépression... Devant ce constat, le Conseil de l'Europe(2) a émis, en 1996, des recommandations relatives à la participation des jeunes au sport de haut niveau : - "le sport, le niveau et l'intensité de l'entraînement et de la compétition doivent être adaptés à l'âge et au développement physique et mental de l'enfant ;" - "l'âge minimal pour participer à des compétitions internationales est entre 16 et 18 ans ;" - "une éducation de base suffisante doit être assurée dans toutes les circonstances ;" - "une plus grande attention doit être portée à la formation des entraîneurs pour que les jeunes athèltes soient protégés des méfaits d'un entraînement intensif [...]". Le Conseil insiste également sur la responsabilité des parents à cet égard.   Conclusion Le sport doit être utile à l'enfant et doit être encouragé dans ce sens. Il peut être nuisible lorsqu'il est pratiqué avec excès, sans discernement. Le rôle du pédiatre s'inscrit alors dans une optique globale de prévention en informant les parents des dangers du surentraînement, mais également les éducateurs et les dirigeants des différentes fédérations. D'aprs J. Personne(4), le principe : le jeu, le plaisir avant le résultat devrait être érigé en barrire protectrice, en exigence impérative dans le sport des jeunes, en espérant que ce dernier puisse avoir une influence bénéfique sur celui des adultes.

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