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Comportement

Publié le 03 nov 2022Lecture 20 min

La trichotillomanie : de l’origine psychopathologique à l’issue thérapeutique

Bouchra AABBASSI, Professeur assistante en pédopsychiatrie, hôpital psychiatrique Ibn Nafis, CHU Mohamed VI, Marrakech (Maroc)

La chevelure est symbole de puissance, de force vitale et de bien-être. C’est une interface entre l’intérieur et la réalité externe de l’individu, entre l’intime et le social. Ce qui en fait un élément de séduction, mais aussi d’humanité et d’identité. Il n’est pas étonnant qu’elle soit le sujet de manifestations pathologiques essentiellement chez l’enfant. La trichotillomanie en est une. Ce trouble interpelle, aussi bien les cliniciens que l’entourage du patient, par l’incompréhension qu’elle suscite et parfois même par l’horreur esthétique engendrée et souvent par son retentissement somatique en cas de trichobézoard. Au travers de cet article, nous allons questionner les origines psychopathologiques de la trichotillomanie et en déduire les retombées cliniques et thérapeutiques, spécialement chez l’enfant et l’adolescent.

La chevelure et le traitement qu’on lui réserve disent beaucoup de ce que nous sommes, de ce en quoi nous croyons, de ce que nous voulons être ou paraître. Elle est symbole de puissance, de force vitale et de bien-être. C’est une interface entre l’intérieur et la réalité externe de l’individu, entre l’intime et le social. Ce qui en fait un élément de séduction, mais aussi d’humanité et d’identité. Il n’est pas étonnant qu’elle soit le sujet de manifestations pathologiques essentiellement chez l’enfant. Cet être psychosomatique qui exprime souvent son malaise par le corps. La trichotillomanie est un comportement répétitif qui consiste à s’arracher ses propres cheveux, jusqu’à épiler des zones entières du cuir chevelu ou des zones poilues du corps, entraînant parfois une alopécie manifeste(1,2). Les sujets atteints de trichotillomanie peuvent jouer avec et/ou ingérer les poils arrachés ; c’est la trichophagie. Cela peut engendrer des perturbations digestives, liées à la formation d’un trichobézoard, agglomérat de nœuds de cheveux emmêlés qui obstrue la lumière de l’estomac et de l’intestin. En pratique clinique, la trichotillomanie interpelle par l’incompréhension qu’elle suscite dans l’esprit des soignants et de l’entourage du trichotillomane, parfois même par l’horreur esthétique engendrée et souvent par son retentissement somatique en cas de trichobézoard.   Épidémiologie C’est en 1889 que le médecin français François Henri Hallopeau, a nommé pour la première fois la trichotillomanie. Il a fallu attendre de nombreuses décennies pour que la médecine commence à la reconnaître comme une maladie du contrôle des impulsions. Ce trouble touche environ 1 % de la population générale(2,3). Mais cette prévalence est probablement sous-estimée du fait du caractère secret du comportement et de la fréquence de formes dites bénignes sans retentissement esthétique ni affectif. Chez le nourrisson de moins de 1 an, la trichotillomanie serait rare, représentant moins de 1 % des cas, et doit être distinguée des « jeux » du bébé avec ses propres cheveux ou avec les cheveux de la figure maternelle, traduisant la pulsion d’agrippement(3). Chez les enfants et les adolescents, la prévalence est estimée < 1 % et touche préférentiellement le sexe féminin(3,4). Les premières manifestations ont lieu pendant l’adolescence mais peuvent aussi se voir seulement à l’âge adulte.   La présentation clinique La caractéristique principale de la trichotillomanie est la présence de manière épisodique ou continue d’un besoin irrésistible et incontrôlable de s’arracher les cheveux soit un par un, soit par mèches. Certaines personnes choisissent leurs cibles avec soin, par exemple des cheveux épais, gris, fourchus ou qui ont l’air irrégulier. D’autres tirent sur leur chevelure de façon inconsciente, automatique et sans aucune douleur. Deux caractéristiques apparaissent quasi constantes : l’isolement au moment de la conduite « trichotillomaniaque », et la recrudescence vespérale notamment au moment du coucher.Les personnes qui en souffrent passent en moyenne de 30 à 60 minutes par jour à s’éplucher. Les cheveux, les cils, les sourcils et les poils de barbe sont le plus souvent concernés mais tous les poils du corps peuvent l’être (bras, jambes, poitrine). Certaines personnes, en particulier les enfants, peuvent aussi arracher les poils d’autres personnes ou d’animaux de compagnie. Des conduites associées sont retrouvées chez de très nombreux patients, qu’ils soient enfants ou adultes : succion du pouce, balancement, morsure des lèvres, autocognement de la tête, onychophagie, etc. L’alopécie qui en résulte s’accompagne souvent d’une image négative du corps, d’une inquiétude constante par rapport à l’apparence et d’une impression de manque de volonté menant à une faible estime de soi. Selon le DSM-V, la trichotillomanie fait partie de la catégorie des troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Son diagnostic est purement clinique et peut être posé lorsque l’on retrouve les signes suivants(5) : besoin irrésistible de s’arracher les cheveux aboutissant à une alopécie manifeste ; essais infructueux pour contrôler ou arrêter ce besoin de s’arracher les cheveux ; « l’arrachage de cheveux » provoque une souffrance significative ou un dysfonctionnement au niveau social, professionnel ou dans d’autres domaines importants de la vie ; « l’arrachage des cheveux » ne peut pas être expliqué par une autre affection somatique (comme une maladie dermatologique) ou par une autre affection psychiatrique (par exemple, la dysmorphophobie). " Une maladie du contrôle des impulsions " On individualise généralement deux formes cliniques, parfois présentes toutes deux chez un même patient, soit simultanément, soit successivement au cours de l’évolution(3) : la forme « concentrée sur le geste » ou « focused », où l’envie d’arracher est vécue comme un besoin impérieux suivi d’un sentiment d’apaisement et/ou de culpabilité ; la forme « automatique », où le comportement d’arrachage est réalisé sans phase de tension préalable ni de soulagement ultérieur, sans en avoir pleinement conscience, de façon automatique dans des situations telles que le travail scolaire, la télévision, les tâches informatiques, l’ennui, etc. Les enfants et les adultes qui souffrent de trichotillomanie vont traverser des périodes d’arrachage très intenses, ainsi que des périodes d’abstinence complète pouvant durer 2 semaines ou plus. Ces périodes d’abstinence font souvent croire que le comportement s’est éteint de lui-même, ce qui retarde la prise en charge et favorise la chronicité de la maladie. La forme infantile en rapport avec un événement anxiogène est rapidement résolutive. Alors que la forme de l’adulte, qui débute à l’adolescence, peut durer de manière prolongée, voire indéfiniment, et son évolution sera plus ou moins entrecoupée de rémissions rarement complètes.   Les origines psycho-pathologiques Assurément, la trichotillomanie impressionne par sa symptomatologie parfois spectaculaire et interpelle sur la question de l’origine de ce trouble, aussi bien pour comprendre ce qui a poussé le patient à s’arracher durement ses cheveux que pour pouvoir proposer des stratégies thérapeutiques adéquates. De nombreuses hypothèses ont été suggérées, mais il y a peu d’accord sur la cause de la trichotillomanie. Il reste beaucoup de réflexion à faire pour confirmer une approche théorique intégrée et globale.   " Il y a peu d’accord sur la cause de la trichotillomanie " D’un point de vue culturel, social et religieux C’est tout d’abord un symbole de puissance physique et de force de vie, que représente la chevelure. Ceci semble dû à sa capacité à pousser sans cesse. Ainsi, nombreuses sont les maladies qui se manifestent par une faiblesse ou une chute de la chevelure (anémies, effets de la chimiothérapie d’une atteinte cancéreuse, troubles thyroïdiens, carences alimentaires, etc.). À la force s’associe l’image de la séduction et d’érotisme. Une symbolique sexuelle comme en témoigne le rasage des cheveux qui signe la honte des femmes qui avaient eu des relations avec l’ennemi durant la Seconde guerre mondiale(4). Individuellement, la chevelure annonce la différence des sexes et des générations. Collectivement, elle situe l’individu dans ses groupes d’appartenance. Dans certaines cultures, le nombre et l’agencement des tresses indiquent l’ethnie, la tribu, le clan et le statut. Le bébé, la fillette impubère, la jeune fille, la femme mariée et la veuve porte une coiffure qui indique leur statut et les positionnera dans l’espace et dans le temps. Il y a aussi une valeur magique générale attribuée aux cheveux du fait de leur utilisation à des fins maléfiques ou de malveillance(4,5). On retrouve dans chaque religion un interdit concernant la chevelure féminine (voile, mantille, burka). C’est dans ce sens, que s’arracher les cheveux vient signifier une attaque à la dimension culturelle, spirituelle ou sociale du sujet. La place de la chevelure dans la psychanalyse Les écrits psychanalytiques concernant les cheveux sont peu nombreux. Dans l’œuvre de Freud, les cheveux sont un symbole phallique et la coupe de cheveux est synonyme de castration. Pour Charles Berg, il existe un lien entre chevelure et inconscient sexuel. Ainsi, notre comportement vis-à-vis de nos cheveux n’étant qu’une traduction de nos conflits inconscients. Le déplacement de la satisfaction exhibitionniste et de l’angoisse de castration du pénis aux cheveux ne permet pas la résolution du conflit sous-jacent et la répétition se continue. Selon lui, le çà fait qu’on se laisse pousser les cheveux et le surmoi pousse à les couper ; c’est entre ces deux instances et la réalité extérieure que se trouve le travail du moi. Le plaisir à s’occuper de sa chevelure apparaît comme une des manifestations du narcissisme et la coupe de cheveux peut s’interpréter comme la castration parentale originale. À un niveau plus archaïque, Berg retrouve la pulsion de mort déguisée en agression et répétition. La coupe de cheveux étant alors une agression destructrice contre le self tout entier(6,7). Dans sa théorie du moi-peau, Anzieu a établi une continuité entre les fonctions de la peau, du moi et celles de penser. Il distingue trois niveaux dans la distance par rapport au corps : la peau, le moi, le penser. En lien, il définit les huit fonctions essentielles de la chevelure(8) : la première fonction est liée à l’érection du corps, à la résistance à la pesanteur et se retrouve dans la tendance à développer la coiffure soit vers le haut (chignon), soit vers le bas (nattes) ; la seconde est liée au caractère contenant, du fait que la chevelure entoure les deux « organes » les plus précieux, la tête et le sexe ; la troisième est le pare-excitation, lié au caractère contenant ;  la quatrième concerne la surface d’inscription des signes, la chevelure étant le témoin de la différence des sexes, des générations, des statuts sociaux ; la cinquième est la fonction symbolique ;  la sixième est l’une des plus importantes : il s’agit de la fonction d’individuation. On tient à sa chevelure comme à la prunelle de ses yeux, comme à sa propre peau, comme à sa personnalité ; la septième est celle de sexualisation ;  enfin, la huitième fonction est la possession de la chevelure comme stimulation, comme source d’énergie, comme renforcement du dynamisme psycho-organique de l’individu. Anzieu lie le danger physique et moral ressenti par les enfants lors de la coupe de cheveux à l’angoisse de castration. La théorie winnicottienne de l’espace transitionnel apporte également un éclairage. Le bercement, l’utilisation de la tétine ou encore la trichotillomanie étant décrits comme des précurseurs à l’objet transitionnel(7). Buxbaum considérait que l’enfant trichotillomane utilisait son corps comme moyen de défense primitif contre l’angoisse de séparation, l’agrippement de l’enfant à ses cheveux venant à la place du manque, élaboré dans l’aire transitionnelle(8,9). On comprend maintenant que la chevelure se caractérise à la fois par son intimité et sa forte valeur symbolique, mais aussi par sa localisation à la jonction du dedans et du dehors. Son arrachage compulsif inscrit donc cette aire intermédiaire dans la réalité. Le destin des cheveux arrachés fait intervenir l’oralité, puisque ces cheveux peuvent être suçotés, mâchonnés, voire avalés. Cette entrée en scène de l’oralité renverrait à l’incorporation et à l’identification à la mère et la lutte non contre l’angoisse de sa perte, mais contre le vide de son absence(9). L’arrachage des cheveux est ainsi interprété comme une autostimulation sensorielle face à l’envahissement dépressif et pourraient entretenir l’excitation d’une absence maternelle.   Le modèle neurobiologique et neuropsychologique L’un des facteurs communs que l’on retrouve chez la plupart des personnes trichotillomanes est une dérégulation émotionnelle. S’arracher les cheveux permettrait de réguler de manière non consciente l’état émotionnel(10). D’abord, la trichotillomanie peut débuter comme une simple habitude, similaire au suçage de pouce. Le bébé se repose alors en suçant son pouce et en tortillant ses propres cheveux. Ce comportement de réconfort survient davantage quand l’enfant est ennuyé ou en détresse. À l’âge préscolaire, la trichotillomanie est souvent l’équivalent d’un comportement relaxant, mais aussi peut représenter un désir d’autonomie. À l’âge scolaire, elle peut indiquer des expériences de stress à l’école, à la maison ou avec les pairs. Elle peut également survenir en réponse à l’anxiété, à un changement de routine ou à un traumatisme psychologique et/ou physique. Le modèle neurobiologique suggère également que la trichotillomanie découle d’un dysfonctionnement des circuits frontaux corticostriataux et, plus particulièrement, d’un engagement excessif des noyaux gris centraux qui mènerait à persévération comportementale récurrente et à des réponses répétitives inappropriées(11). Les noyaux gris centraux participent à des réseaux neuronaux disposés en circuits qui projettent vers des aires prémotrices spécifiques, des aires motrices primaires et des aires corticales préfrontales. Ces circuits favorisent des fonctions spécifiques comme les mouvements (circuits sensorimoteurs), les fonctions cognitives (circuits associatifs) et les comportements émotionnels-motivationnels (circuit limbique). Un endommagement d’une de ces boucles peut donc mener à un comportement répétitif, comme des comportements moteurs stéréotypés, des comportements impulsifs et des comportements compulsifs. Plusieurs études démontrent la dysfonction des circuits des noyaux gris centraux dans le cas de la trichotillomanie et classent le comportement d’épluchage dans deux catégories de comportements répétitifs, soit impulsifs soit compulsifs. L’impulsivité réside dans la difficulté à résister aux envies de s’éplucher et à résister au soulagement immédiat apporté par l’épluchage. La dimension compulsive est dans le fait que plusieurs patients s’épluchent pour diminuer des émotions négatives(10,11). Sur le plan neurobiologique des modèles animaux, le dysfonctionnement de certaines molécules synaptiques, comme le SAPAP3, a été identifié. Les classifications internationales, DSM-4 et DSM-5, lient la trichotillomanie aux troubles du contrôle des impulsions, aux troubles obsessionnels compulsifs et aux problèmes de comportement et de la dépendance. C’est pour cette raison que la dérégulation de la sérotonine semble jouer également un rôle(5). Toutefois, au contraire des patients souffrant du trouble obsessionnel-compulsif, les compulsions d’arrachage ne sont pas précédées d’obsessions. L’arrachage de cheveux est parfois associé à d’autres comportements répétitifs, centrés sur le corps, tels que l’onychotillomanie, les excoriations névrotiques et des névrodermites. Il s’agit de comportements de « self-grooming » qui désigne en éthologie le toilettage social des primates. De tels comportements existent chez de nombreuses espèces, y compris chez l’être humain(11). Les ressemblances des gestes de l’onychophagie avec ceux du grooming ont pu conduire certains à formuler l’hypothèse d’une conduite de toilettage réprimée et retournée vers soi. Ainsi, la trichotillomanie pourrait correspondre à une mauvaise régulation d’un comportement inné de self-grooming à l’origine d’une répétition excessive(10,11). Certains auteurs s’accordent pour considérer que la trichotillomanie présente tous les critères d’une addiction comportementale : persistance du comportement malgré les conséquences psychologiques et sociales, plaisir lié à l’arrachage, existence de craving, pensées anticipatoires, soulageantes et permissives autour de l’arrachage. Tandis que d’autres auteurs défendent l’hypothèse que la trichotillomanie pourrait appartenir au groupe des troubles de mouvements stéréotypés(9). Elle est également rapportée dans des cas de troubles psychotiques ou de retard mental et de syndrome Gilles de la Tourette(5,10). Le stress, l’angoisse ou l’ennui peuvent provoquer des crises d’arrachage des cheveux et les conduites trichotillomaniaques peuvent alors se voir lors d’épisodes anxieux et/ou dépressifs(10). L’apport de la génétique Une autre voie prometteuse est celle de la génétique. Le gène SLITRK1 code pour une protéine transmembranaire, appelée The Slit and Trk-like 1, dont la fonction précise est encore mal connue mais qui est nécessaire à la croissance des neurones et au développement du cortex. Des mutations de ce gène SLITRK1 ont été mises en évidence dans la trichotillomanie(11). Sur l’imagerie cérébrale des patients atteints de trichotillomanie, une étude en résonance magnétique nucléaire sur cerveau entier, a montré une augmentation de la densité de la matière grise dans le striatum gauche, la formation amygdalo-hypocampienne gauche et de nombreuses régions corticales bilatérales(11). Ces modifications de la matière grise correspondent à des circuits impliqués dans l’apprentissage d’habitudes, la cognition et la régulation des affects. Mais l’interprétation de ces images n’est pas univoque, puisqu’il pourrait aussi s’agir de l’augmentation de matière grise normalement observée en cas d’acquisition de nouvelles séquences motrices, en l’occurrence liées aux habitudes gestuelles de la trichotillomanie. Ces modifications pourraient correspondre également à une anomalie de la réduction importante de matière grise qui survient normalement à l’adolescence. Pourtant, ces régions se superposent à celles où le gène HOX B8 est exprimé dont la destruction chez la souris conduit à des comportements de grooming excessif. Une mutation génétique impliquée dans la trichotillomanie aurait été identifiée mais les études n’ont pas encore montré de cause certaine. Les études explorant l’héritabilité et la comorbidité de la trichotillomanie ont trouvé des taux élevés d’anxiété, de dépression, de TOC et de trichotillomanie au sein de la parenté de premier degré. De plus, une étude avec des jumeaux a démontré que les jumeaux monozygotes ont une concordance plus élevée de la trichotillomanie que les jumeaux dizygotes(11). L’activation immunitaire D’autres voies de recherche s’ouvrent récemment pour déterminer l’implication des facteurs immunitaires dans la trichotillomanie. Une seule étude a été faite dans ce sens pour déterminer si les concentrations de la cytokine interleukine pro-inflammatoire IL6 dans le liquide céphalo-rachidien diffèrent entre les patients atteints de TOC et de trichotillomanie, et les sujets témoins en bonne santé(9). Une ponction lombaire avec une procédure standardisée a été réalisée sur 26 patients atteints de TOC et 9 avec trichotillomanie. Les résultats de l’étude ne permettent pas de soutenir la spéculation que l’activation immunitaire pourrait être impliquée dans la pathogenèse des TOC ou de la trichotillomanie(10).   Les bases du traitement de la trichotillomanie pédiatrique Avant d’instaurer le traitement, le patient adolescent doit prendre conscience de son comportement ou, dans le cas de petits enfants, les parents doivent intégrer celui de leur enfant. Ainsi, la discussion autour des attentes de chacun est primordiale. Pour certains, l’abstinence complète d’arracher les cheveux est le but, tandis que pour d’autres, une réduction significative de la fréquence du comportement combinée à une croissance significative des cheveux est le résultat souhaitable. Dans tous les cas, les patients doivent comprendre que l’objectif du traitement, à la fois biologique et comportemental, est que le trouble soit géré efficacement mais pas nécessairement guéri puisque la trichotillomanie est un trouble à rechutes fréquentes(5,10). La prise en charge de la trichotillomanie peut associer à la fois des mesures physiques, psychothérapeutiques et pharmacologiques. Les mesures physiques La manipulation d’objet par prescription d’une poupée poilue chez les enfants âgés de 0-5 ans peut être très utile pour transférer l’arrachage de cheveux de l’enfant à la poupée. C’est souvent à cet âge que l’arrachage de cheveux est considéré comme une habitude plus qu’un trouble, et est alors facile à traiter. Il y a parfois la possibilité de conseiller de tapoter les doigts avec des plâtres comme pour les patients qui se rongent les ongles. Mais l’efficacité de ces méthodes restent peu documentées et peu efficaces à long court. Les mesures psychothérapeutiques La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est considérée comme la première étape d’intervention dans la trichotillomanie chez les enfants. L’efficacité et la durabilité d’un protocole de TCC pour la trichotillomanie pédiatrique sont prouvées. Chez les enfants, le traitement implique les composantes de base : le contrôle du stimulus et la thérapie de renversement d’une habitude. L’intérêt est de rendre l’arrachage de cheveux plus difficile et pour diminuer la conscience du patient du comportement en lui proposant quelque chose à faire quand il notifiera que l’arrachage a/ va commencé(er)(12). La thérapie de renversement d’une habitude (TRH) est devenue le modèle avec le plus haut taux de résolution. Les principaux composants de la plupart des programmes de TRH comprennent : la sensibilisation-formation, stratégies d’adaptation (aborder les situations où l’arrachage se produit et utiliser des comportements alternatifs pour l’éviter), les réseaux de soutien social, la thérapie de relaxation et les réponses concurrentes. La composante sensibilisation-formation de la TRH peut être particulièrement importante pour les enfants atteints de trichotillomanie car ils ont souvent une connaissance limitée du comportement d’arrachage. Cependant, il peut être difficile pour les jeunes enfants de moins de 7 ans d’utiliser ses stratégies car ils sont incapables d’identifier ou de verbaliser les pulsions, en plus des difficultés à cet âge de se maîtriser au long terme. Les patients sont encouragés à apprendre de leurs rechutes d’une manière positive plutôt que de tomber dans des schémas d’auto-dénigrement et de dépression. Ces interventions impliquent de changer l’environnement du patient pour rendre le comportement d’arrachage plus exigeant ou moins gratifiant. L’extinction des comportements indésirables est ensuite ciblée au moyen de stratégies visant à interrompre et, finalement, à prévenir les poussées ou l’arrachage réel. "La TCC est considérée comme la première étape d’intervention" Un autre élément important de la TCC est le programme de récompense soigneusement conçu pour augmenter la motivation de l’enfant à arrêter de s’arracher et à suivre les recommandations de traitement. La thérapie d’acceptation et d’engagement est une autre mesure thérapeutique qui intègre les aspects cognitifs de la psychopathologie, utilise la pleine conscience et les systèmes de valeurs pour mieux adapter les émotions, accepter les cognitions inadaptées, augmenter la flexibilité psychologique, et réduire l’évitement expérientiel(12,13). Dans la trichotillomanie, l’acceptation de l’inévitabilité des expériences intérieures désagréables (ex. : pulsions, émotions), s’accompagne d’un engagement à s’abstenir d’arracher les cheveux malgré l’inconfort. Cette méthode peut être utilisée avec succès parallèlement à des interventions comportementales telles que le TRH. Une autre approche cognitive est la thérapie comportementale dialectique (TCD). Cette thérapie permet d’établir un environnement de validation et de soutien pour encourager les pratiques adaptatives et décourager les comportements problématiques comme l’arrachage, accompli en grande partie par la formation de la vigilance et la régulation des émotions(13). Le travail thérapeutique consistera également à la mise en place d’un espace de pensée et de créativité, individuel et familial, où un travail sur le lien parents-enfant et une réassurance sur la qualité de ce lien devraient permettre de se séparer et de s’individuer, sans être persécuteur pour la dynamique familiale. Les mesures médicamenteuses L’usage des psychotropes chez la population pédiatrique vient en dernier recours après l’échec ou l’insuffisance des autres mesures. D’autant plus que l’efficacité du traitement pharmacologique de la trichotillomanie chez les enfants ne diffère pas du placebo dans la majorité des études(12).  Les études sur l’apport des IRSS, et principalement la fluoxétine et le citalopram versus placebo, ne concluent généralement pas à une supériorité des résultats. Les similitudes cliniques et physiopathologiques entre le TOC et la trichotillomanie ont conduit à l’utilisation de la N-acétylcystéine (NAC). Les résultats d’un essai contrôlé, randomisé, récemment publié sur la trichotillomanie et les troubles d’excoriation chez l’adulte, indiquent que la N-acétylcystéine (NAC) pourrait justifier une exploration plus poussée(12). Les antidépresseurs tricycliques, comme la clomipramine et le desipramine, ont aussi une efficacité réduite en se référant aux études publiées dans ce sens(14).  Les antagonistes des opioïdes comme la naltrexone comparativement au placebo n’ont aucune différence statistiquement significative dans la réponse des symptômes de la trichotillomanie(13,14). Par ailleurs, les agonistes des cannabinoïdes comme la dronabinol ont donné lieu à une amélioration clinique notable avec l’avantage d’une absence des effets secondaires cognitifs. Concernant les antipsychotiques, seule l’aripiprazole a montré une réduction moyenne significative des symptômes dans une étude à petit échantillon(14). À noter que la pharmacothérapie en matière de trichotillomanie prend toute sa place dans le traitement des comorbidités telles que l’anxiété et la dépression majeure. "L’efficacité du traitement pharmacologique chez les enfants ne diffère pas du placebo" Les traitements chirurgicaux Le recours à l’acte chirurgical est limité aux cas compliqués. En cas de trichobézoard, la méthode de choix est son extraction par laparotomie(14,15). Les principaux avantages de cette méthode sont : la capacité à éliminer les trichobézoards gastriques de toute taille (y compris la propagation dans les sections en aval du tractus gastro-intestinal appelé syndrome de Rapunzel) et un risque réduit d’inflammation. Les méthodes moins fréquemment utilisées sont : la laparoscopie, le traitement enzymatique, l’endoscopie et les techniques lasers. Leur utilisation implique toutefois des contraintes spécifiques. L’avantage de la technique laparoscopique est qu’il y a moins de traumatisme cutané, et donc un temps de cicatrisation plus rapide et un meilleur effet esthétique. Les tentatives de fragmentation enzymatique des bézoards gastriques à l’aide d’enzymes digestives (chymopapaïne, cellulase, acétylcystéine) ont montré une efficacité insuffisante. L’utilisation de méthodes endoscopiques est possible dans les cas où l’élimination du trichobézoard par voie naturelle n’endommagera pas le tube digestif et est habituellement réservée aux masses de petit diamètre.   Conclusion La trichotillomanie reste une pathologie rare chez l’enfant, mais dont l’étiopathogénie nécessite encore plus d’éclairage et de recherche. Il est certain que ce trouble peut compromettre la santé physique et mentale. Puisque les enfants trichotillomanes rapportent des problèmes sociaux et interpersonnels qui s’aggravent avec l’âge, que ce soit avec leurs parents, qui finissent par ressentir la colère et l’impuissance, ou que ce soit avec leurs pairs, qui les stigmatent et les rejettent. Plus de la moitié d’entre eux affirment avoir une grande difficulté à se concentrer, à étudier, voire à terminer leurs études. Cette détresse amène à s’autoévaluer de manière négative et à ressentir des affects négatifs qui vont faire perdurer le trouble. S’ajoutant à cela, des risques pour la santé physique tel que l’excoriation de la peau, les infections cutanées, la fatigue musculaire et les troubles de l’estomac et des intestins. D’où toute l’importance de poursuivre les recherches cliniques pour mieux comprendre le développement, le maintien et le traitement de ce trouble reconnu à rechutes fréquentes.

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