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Gastro-entérologie

Publié le 10 mar 2021Lecture 7 min

Indication et modalités pratiques d’une endoscopie digestive haute chez le nourrisson et l’enfant

Emmanuelle ECOCHARD-DUGELAY*, Jérôme VIALA*, *,**,*** - *Service de gastro-entérologie pédiatrique, Hôpital universitaire Robert-Debré, Paris **Université Paris VII-Denis Diderot, Paris ***Inserm, Paris

L’endoscopie digestive représente l’une des techniques d’exploration spécialisée du gastro-entérologue qui tend à se développer au sein d’une pratique pédiatrique de plus en plus technologique. La médecine moderne réclame des preuves objectives de diagnostic ou de suivi évolutif qui favorisent le recours à des explorations complémentaires. À ce titre, l’endoscopie digestive haute (EDH) s’est adaptée pour répondre aux questions diagnostiques et devenir un véritable outil thérapeutique.

Une procédure complexe De la prescription initiale à la réalisation d’une EDH, de nombreuses étapes doivent être contrôlées. En effet, l’EDH nécessite la mobilisation et la coordination de nombreux professionnels différents autour d’un objectif commun. L’équipe opérante est multiple : anesthésistes, infirmiers anesthésistes, endoscopiste(s), infirmier(es) de bloc opératoire. Ils ne peuvent travailler sans une équipe qui assure l’organisation, la régulation, le transport, le nettoyage et le stockage. L’essentiel des EDH est réalisé sous anesthésie générale. Cependant, un tiers des centres hospitaliers français réalisent des ED sous sédation, parfois aidée d’hypnose. Selon les recommandations de la Société française d’endoscopie digestive (SFED), les endoscopies doivent être réalisées dans un espace dédié et aménagé en conséquence, bloc opératoire ou salle d’endoscopie. Un circuit du patient et du matériel doit être organisé pour leur sécurité. Les endoscopes Les endoscopes sont dorénavant des vidéo-endoscopes dépourvus de fibre optique. C’est pourquoi le terme de « fibroscopie » est devenu impropre. Ces endoscopes n’ont cessé de se développer. L’apparition de la haute définition permet une meilleure visualisation des lésions de petite taille (figure 1). La fonction zoom améliore encore la résolution spatiale de l’analyse, même si son utilisation n’a pas encore prouvé son intérêt clinique. L’extrémité distale des endoscopes se béquille avec des angles de plus en plus fermés, offrant un accès plus facile aux zones difficiles d’atteinte. Le canal opérateur plus large permet d’utiliser un nombre croissant d’outils différents, voire plusieurs outils en même temps avec les endoscopes à doubles canaux. La chromoendoscopie numérique est maintenant présente sur la majorité des endoscopes. En modifiant le spectre lumineux, elle permet de mieux voir certaines lésions (figure 1). Elle a montré son intérêt dans la détection des polypes ou la caractérisation des dysplasies de l’oesophage de Barrett(1). L’endomicroscopie confocale est maintenant disponible et permet d’analyser les tissus à l’étage cellulaire. Ses performances sont à l’étude dans les diagnostics de dysplasie. Figure 1. Les nouvelles techniques aident au diagnostic. La chromo-endoscopie (B) permet de mieux délimiter les endobrachy-œsophages (A-B). Le filtrage de la lumière blanche permet d’augmenter les contrastes rouges et de mieux voir la vascularisation, différenciant ainsi les tissus. La haute définition et le zoom identifient facilement la métaplasie gastrique (C) et les plages l’endobrachy-œsophage (D). Les indications Des recommandations européennes récentes sur l’utilisation de l’EDH chez l’enfant ont été publiées(2). Elles rappellent que les indications de l’EDH s’organisent autour de 5 situations cliniques principales : douleurs, malabsorption, sténose, hémorragie et reflux (figure 2). Les auteurs insistent sur l’absence d’intérêt de l’EDH devant des tableaux fonctionnels ou de reflux gastro-œsophagien non compliqué (tableau). La réalité pratique montre qu’il est souvent difficile de différencier les douleurs fonctionnelles et organiques. Le praticien doit alors juger de l’indication en fonction des risques. Figure 2. L’endoscopie digestive haute aide à confirmer de nombreux diagnostics dans les différents segments accessibles : œsophagite à éosinophiles (A), œsophagite peptique de grade III (B), hernie hiatale par roulement (C), achalasie cardiale avec cardia ponctiforme, dilatation œsophagienne et stase alimentaire majeure (D), ulcère duodénal (E) et aspect d’atrophie villositaire d’une maladie cœliaque (F). Les contre-indications de l’EDH sont rares. La perforation digestive ellemême n’est plus un frein à l’EDH si elle participe à son traitement. Dans les conditions de défaillance hémodynamique, respiratoire, trouble de l’hémostase ou d’obstacle mécanique, le raisonnement doit peser l’intérêt de l’EDH par rapport au risque de l’examen sous anesthésie. En dehors des rares situations où l’EDH peut traiter la cause de la défaillance, une hémorragie par exemple, il est souvent préférable de contrôler les défaillances viscérales avant d’envisager l’EDH. Des biopsies sont réalisées dans la quasi-totalité des EDH. Les recommandations internationales conseillent de réaliser 6 biopsies dans certaines situations, telles que l’infection à Helicobacter pylori, la maladie cœliaque, les maladies inflammatoires chroniques intestinales ou l’œsophagite à éosinophiles(2). Selon la pathologie recherchée, les biopsies peuvent intéresser l’œsophage, l’estomac et/ou le duodénum. * L’endoscopie digestive doit être évitée en cas de douleur abdominale d’allure fonctionnelle ou de RGO non compliqué. Les risques Peu de travaux pédiatriques ont étudié des populations suffisamment importantes pour définir les complications de l’EDH chez l’enfant. Une large étude américaine permet d’estimer ce risque, même si le matériel utilisé a beaucoup évolué depuis cette publication(3). Sur plus de 10 000 EDH pédiatriques réalisées aux États-Unis, les auteurs rapportaient un taux de complication de 2,3 %. Les complications les plus fréquentes relevaient de désaturations transitoires (66 %), qui nécessitaient le plus souvent un simple apport d’oxygène supplémentaire et des hémorragies digestives (12 %) dont la sévérité n’était pas décrite dans l’étude. Un seul enfant avait eu besoin de manoeuvres réanimatoires et aucun décès n’était colligé(3). Les facteurs de risques repérés par cette étude étaient le jeune âge (< 5 ans), la présence d’un score anesthésique (ASA) élevé (≥ 4) et le sexe féminin. De plus, la sédation simple était associée à des complications plus fréquentes par rapport à l’anesthésie générale [3,7 % (IC 95 % : 3,2-4,3) vs 1,2 % (IC 95 % : 0,9-1,5) ; p < 0,001], avec plus d’épisodes d’hypoxie (77,2 % vs 36,8 %). Il est important que les prescripteurs soient conscients de ces risques car ils doivent en informer les familles lorsqu’ils posent l’indication d’une EDH. Les EDH thérapeutiques ont un taux de complication plus élevé, d’autant qu’elles s’adressent à des patients plus fragiles. Certains gestes apportent leurs propres complications, telles que les perforations ou les lésions vasculaires lors des gastrostomies, les hématomes duodénaux lors des biopsies chez les patients greffés de la moelle(4), les pneumopathies d’inhalation en cas de troubles neurologiques, etc. De nombreux développements Depuis quelques années, le visage de l’EDH s’est beaucoup modifié chez l’adulte puis chez l’enfant. Plus qu’un outil diagnostique, l’EDH devient de plus en plus une alternative thérapeutique, évitant parfois le recours à la chirurgie (figure 3). Les pédiatres ont déjà l’habitude de nombreux gestes endoscopiques interventionnels : pose de gastrostomie, ligature ou sclérose de varice œsophagienne, hémostase d’un ulcère hémorragique, extraction de corps étrangers, etc. (tableau). D’autres traitements voient le jour et nécessitent que les endoscopistes pédiatres se forment à des pratiques de plus en plus techniques. La pulvérisation de poudre hémostatique permet de contrôler des lésions hémorragiques larges difficilement accessibles aux traitements conventionnels comme les clips ou l’injection sous-muqueuse d’adrénaline(5). Au cours des perforations oesogastriques, la pose d’endoprothèses intra-œsophagiennes permet d’obtenir une fermeture des orifices sans recourir à une chirurgie souvent très risquée chez des patients aussi fragiles(6). Les bistouris endoscopiques permettent également de réaliser de véritables dissections endoscopiques et représentant une alternative convaincante aux dilatations hydrostatiques des sténoses de l’œsophage(7). L’endoscopie interventionnelle tend à remplacer la myotomie de Heller des achalasies cardiales par un geste purement endoscopique qui fore un tunnel sous-muqueux avant de réaliser la myotomie grâce aux bistouris endoscopiques(8). Tous ces développements représentent un défi pour les endoscopistes, pédiatres qui devront non seulement se former à ces techniques nouvelles dont la maîtrise peut nécessiter un long apprentissage, mais aussi les adapter aux particularités pédiatriques en termes de taille des patients et de pathologies ou malformations spécifiques à l’enfant. L’avenir s’annonce passionnant. Figure 3. De nombreux traitements peuvent également être dispensés grâce à l’endoscopie digestive haute : extraction de corps étrangers œsophagiens (A), endo-incision d’une sténose anastomotique œsophagienne (B), ligature de varice oœsophagienne (C), pulvérisation d’un spray hémostatique sur de multiples ulcérations gastriques lors d’une réaction du greffon contre l’hôte (D), dilatation d’une sténose oœsophagienne caustique (E), pose d’endoprothèses pour traiter une perforation oesophagienne par lâchage anastomotique (F). Conclusion L’endoscopie digestive haute ne cesse de se développer et devient un véritable outil thérapeutique. Réalisée généralement sous anesthésie générale, l’EDH diagnostique est bien tolérée et se complique rarement. L’EDH thérapeutique est plus risquée, mais représente parfois un recours moins invasif que la chirurgie. • Références sur simple demande : biblio@len-medical.fr

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