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Gastro-entérologie

Publié le 30 avr 2025Lecture 6 min

La gastroentérologie pédiatrique pour les pros - Bilan hépatique perturbé, un raisonnement par étapes

Denise CARO, D’après les communications de F. Lacaille (hépatologue, Necker) et de S. Sissaoui (Asnières-sur-Seine)

Quand demander un bilan hépatique chez l’enfant ? Et que faire face à des résultats anormaux ? En dehors des cas nécessitant une prise en charge en urgence, le pédiatre peut procéder par étapes successives aboutissant au diagnostic.

« Le foie ne fait pas mal, excepté en cas de thrombose vasculaire ou d’infection, a rappelé Samira Sissaoui. Il faut penser à demander un bilan hépatique face à une cassure staturopondérale, un ictère, une fatigue chronique, une pâleur, des nausées ou des vomissements, de la diarrhée, des douleurs abdominales persistantes, une obésité ou la prise de traitements neuropsychiatriques ». Afin d’éviter des prélèvements successifs chez l’enfant, le premier bilan sera relativement complet : dosage des transaminases (ASAT/ ALAT), de la bilirubine, des GGT et de l’albumine (qui renseigne sur le caractère aigu ou chronique de l’atteinte hépatique), NFS, taux de prothrombine (TP) et ionogramme. « Deux anomalies impliquent une prise en charge en urgence de l’enfant : ce sont un ictère (notamment avec une augmentation de la bilirubine conjuguée) et l’élévation des transaminases (quel qu’en soit le taux) associée à un TP inférieur à 70 % (on peut faire une injection IM de 10 mg de vitamine K) », note S. Sissaoui. En dehors de ces situations urgentes et si le premier bilan est perturbé sans qu’on ait de diagnostic précis, on prescrira un 2e bilan comportant : les principales sérologies virales (HAV/HBV/ HVC/CMV/EBV/HSV/entérovirus/adénovirus), une électrophorèse des protéines sériques qui renseigne sur un syndrome inflammatoire (hypergammaglobulinémie, albumine), les CPK (en particulier si ASAT > ALAT qui oriente vers une myopathie), ainsi que les IgA, les Ac antitransglutaminases (à la recherche de maladie cœliaque). On peut également demander une échographie abdominale. « Si ce second bilan est toujours perturbé et que l’on n’a pas d’étiologie, on peut soit passer la main, soit compléter par un troisième bilan, soit attendre en fonction de l’état de l’enfant », ajoute S. Sissaoui. Si l’enfant va bien, s’il n’y a pas de signe de gravité, pas de perte importante de poids, on peut se permettre de contrôler le bilan dans 1 ou 2 mois. La plupart du temps il s’agit d’un problème infectieux. À noter qu’un simple rhume (adénovirus) peut augmenter transitoirement les transaminases. « Il ne faut pas répéter les prélèvements toutes les 48 heures, cela ne sert à rien », insiste S. Sissaoui.   Des examens plus poussés en ville ou à l’hôpital   Après ce second bilan, si on n’a toujours pas de diagnostic précis, le pédiatre pourra soit demander un avis spécialisé, soit prescrire un troisième bilan accessible en ville sans dépassement d’honoraire. Celui-ci comportera un dosage de l’alpha-1-antitrypsine, de la céruléoplasmine, du cuivre dans les urines de 24 heures, des anticorps anti-tissus (à la recherche d’une hépatite auto-immune). « À l’hôpital, nous serons appelés à refaire certains examens afin de confirmer leurs résultats, ainsi que d’autres difficilement réalisables en ville », explique Florence Lacaille. Ainsi, on recherchera les différents anticorps renseignant sur les hépatites auto-immunes (HAI) et le ratio cuivre échangeable/cuivre total (REC) si on suspecte une maladie de Wilson du fait d’une céruléoplasmine basse et d’un cuivre urinaire élevé. Si l’échographie réalisée en ville montre un foie parfaitement normal, on ne refait pas l’examen. Si les images sont douteuses ou hétérogènes, on fait une échographie avec élastométrie du foie. « Il est exceptionnel de pratiquer d’emblée une biopsie hépatique, précise F. Lacaille. On ne la fera que si on n’a vraiment aucun diagnostic. En revanche, la biopsie est utile en cas d’hépatite auto-immune (HAI) afin de surveiller l’évolution sous traitement. »   Les hépatites auto-immunes   Au terme de ce troisième bilan, le diagnostic le plus fréquemment retrouvé est une HAI. « On a l’impression que depuis quelques années, la fréquence des maladies auto-immunes est en augmentation », ajoute F. Lacaille. Il existe plusieurs types d’HAI. La plus fréquente est l’HAI de type 1. Il s’agit le plus souvent d’un adolescent (ou plutôt d’une adolescente) qui est fatigué(e), avec un ictère et un bilan hépatique perturbé. Le diagnostic est fait avec la mise en évidence d’auto-anticorps antinucléaires, antimuscle lisse, anti-actine et de SLA (soluble liver antigen). L’HAI de type 1 débute à bas bruit, évoluant depuis plusieurs mois au moment du diagnostic qui est fait au stade de cirrhose (désorganisation de la structure du foie qui est réversible si on ne la découvre pas trop tard) ou même d’ascite (signe d’une décompensation). À l’inverse, l’HAI type 2 débute de façon aiguë avec parfois un TP effondré. Elle peut survenir à tout âge, y compris chez le jeune enfant. Les anticorps à rechercher sont les anti-LKM1 (anti liver kidney microsome 1) - que l’on peut demander en ville - et les antiLKM3 dosés à l’hôpital. Moins fréquente que l’HAI de type 1, elle est plus grave avec moins de rémissions. Il faut penser à rechercher l’existence d’autres maladies autoimmunes dans la famille, telles qu’un vitiligo, un diabète insulinodépendant, une thyroïdite d’Hashimoto ou une polyarthrite, etc. « Il arrive parfois qu’on ne parvienne pas à détecter des anticorps signant une HAI. En l’absence de diagnostic autre, on estime qu’il s’agit quand même d’une HAI », ajoute F. Lacaille. Enfin, la cholangite sclérosante est également une maladie auto-immune du foie associée aux maladies inflammatoires du tube digestif. Son tableau clinique est différent. Mais il est assez fréquent qu’au cours d’une HAI, il y ait chevauchement avec une cholangite sclérosante dont l’Ac spécifique est l’ANCA que l’on retrouve aussi dans les colites inflammatoires. L’HAI est une maladie grave (surtout celle de type 2) que l’on ne sait pas guérir, mais qu’il est possible de contrôler avec un traitement associant une corticothérapie (1-2 mg/kg/j avec début de décroissance à J15-M1) et de l’azathioprine. On prescrit également des IPP et de la vitamine D. La durée minimum de traitement est de 2 ans pour les corticoïdes et de 5 ans pour l’azathioprine. Les effets indésirables des corticoïdes doivent être étroitement surveillés.   Penser à une maladie génétique   Bien qu’infiniment plus rare que l’HAI, face à un bilan hépatique perturbé sans diagnostic précis, il faut rechercher une maladie de Wilson qui est une maladie génétique (ATP7B) à point de départ hépatique du fait d’un problème d’élimination du cuivre par le foie. Elle se caractérise par une accumulation du cuivre dans divers organes : foie, système nerveux central, œil, rein. La baisse de la céruléoplasmine dans le sang, une augmentation du cuivre libre et du cuivre dans les urines de 24 heures font évoquer le diagnostic qui est confirmé par la recherche de cuivre échangeable réalisée à l’hôpital. Le déficit en alpha-1-antitrypsine est une maladie génétique autosomique récessive, presque aussi fréquente que la mucoviscidose. L’alpha-1-antitrypsine produite par le foie protège les poumons. La mutation du gène SERPINA1 est responsable de la production d’alpha-1-antitrypsine anormale qui ne parvient pas à passer dans le sang et s’accumule dans le foie. Il s’ensuit une hépatopathie plus ou moins sévère et une atteinte pulmonaire. Le polymorphisme du gène en cause est responsable d’une variabilité de l’expression clinique (ictère néonatal, cirrhose, emphysème pulmonaire, parfois atteinte neuropsychiatrique chez le jeune adulte). La concentration normale d’alpha-1-antitrypsine dans le sang est de 1,5 et 3,5 g/l.

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