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Gastro-entérologie

Publié le 30 avr 2025Lecture 6 min

La gastroentérologie pédiatrique pour les pros - Dysphagie de l’enfant, de l’interrogatoire au diagnostic

Denise CARO, d’après les communications de F. Campeotto (service de gastroentérologie et nutrition pédiatrique, hôpital Necker, Paris) et de W. Hassen Jutteau (Boulogne-Billancourt)

Pour la deuxième année, le service de gastroentérologie et nutrition pédiatrique de l’hôpital Necker organisait une journée ville-hôpital présentant des démarches diagnostiques et thérapeutiques pratiques devant des symptômes fréquents.

La dysphagie est une sensation de gêne ou de blocage des aliments ou des boissons lors de leur progression dans le pharynx et l’œsophage. Elle peut être due à des causes diverses qu’il faut rechercher. La sémiologie et l’interrogatoire sont essentiels pour orienter les examens complémentaires à réaliser afin d’établir un diagnostic précis. La dysphagie est une sensation fort désagréable, parfois même effrayante ; elle n’a cependant rien à voir avec l’inhalation d’un corps étranger qui doit être extrait en urgence. Face à une dysphagie, l’interrogatoire permet de dégager un certain nombre d’éléments essentiels à l’orientation diagnostique. Il faut déterminer la localisation de la gêne (haut située ou au niveau du thorax), son caractère partiel ou total, si la dysphagie concerne les aliments solides et/ou les liquides. Est-elle survenue soudainement (hypersialorrhée) ou progressivement ? Arrive-t-il à l’enfant de vomir lors du repas ? A-t-il présenté des signes de reflux gastroœsophagien (RGO) les jours précédents ? La dysphagie est-elle douloureuse ? L’enfant boit-il beaucoup à table pour lubrifier le bol alimentaire avec de l’eau ou des sauces ? Met-il longtemps à manger ? Lui arrive-t-il de faire des fausses routes ? Refuse-t-il de manger des morceaux (ce qui peut laisser supposer qu’il a un trouble de l’oralité) ? Toutes ces questions sont très importantes à poser mais l’interprétation de leurs réponses doit tenir compte du fait que très souvent l’enfant s’est adapté et est parvenu à compenser les difficultés posées par son symptôme. Quoi qu’il en soit, la dysphagie a des conséquences multiples sur la santé de l’enfant, telles que des problèmes pulmonaires dus à la remontée d’aliments la nuit en position allongée et des troubles du développement et de la croissance du fait d’une alimentation insuffisante(1).   Quand penser à une œsophagite à éosinophile ?   Deux tableaux cliniques doivent faire évoquer une œsophagite à l’éosinophile (EoE), pathologie jusqu’alors assez peu connue et aujourd’hui de plus en plus souvent diagnostiquée. Chez le grand enfant, l’EoE est volontiers révélée par un blocage alimentaire soudain qui conduit l’enfant aux urgences. Après extraction de l’aliment en cause, une fibroscopie et une biopsie font le diagnostic. Chez le petit enfant, le début est progressif. Le tableau clinique associe un RGO chronique, des vomissements, une toux lors des repas, un retard de croissance, des difficultés alimentaires et un terrain allergique. L’œsophagite à éosinophile est une maladie chronique de l’œsophage qui survient au contact des allergènes de l’alimentation et de l’environnement, responsables d’une réaction inflammatoire de type Th2. La dysfonction motrice de l’œsophage qui s’ensuit engendre à son tour une fibrose puis une sténose de l’œsophage. La fibroscopie œsogastrique montre des lésions (stries longitudinales avec des dépôts blanchâtres) ; les biopsies permettent le comptage des éosinophiles dans la muqueuse (> 15 par champ). Dans plus de la moitié des cas, l’EoE survient dans un contexte de terrain allergique (asthme, eczéma, allergie alimentaire, etc.) qu’il faudra prendre en charge(2). Le traitement de l’EoE de première intention repose sur la prescription d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) (2 mg/kg/j pendant 2 ou 3 mois), efficace dans 30 à 50 % des cas. L’administration de corticoïdes « locaux » sous forme de budésonide dégluti (préparation magistrale ou orodispersible : 1 à 2 mg/j) est proposée en deuxième intention. Elle est efficace dans 60 à 70 % des cas, avec cependant un risque d’effet indésirable si elle est donnée au long cours). En troisième intention, on se tournera vers un régime d’exclusion (protéine de lait de vache, blé, œufs, etc.) efficace dans 30 à 90 % des cas. Plus on limite le nombre d’aliments, plus le régime est efficace, mais plus il est difficile à suivre. En cas de nouvel échec, il est maintenant possible de prescrire une biothérapie ; le dupilumab vient d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) chez l’enfant(3,4).   Quelques pièges à éviter   Il faut insister sur l’importance d’un interrogatoire précis pour éviter les pièges diagnostiques. Tel est le cas d’Anaïs, âgée de 3 ans, qui présente un RGO depuis longtemps. Le teint hâlé de la fillette (citadine en plein hiver), l’absence de larmes et surtout la notion de vomissements au cours et après les repas, aiguillent vers un syndrome des AAA (achalasie, alacrymie, Addison). Un dosage en urgence d’ACTH et de cortisol confirme l’insuffisance surrénale. Le TOGD est éloquent montrant un méga-œsophage avec un cardia trop serré et hypertonique, au niveau de la jonction œsogastrique. On fait une manométrie œsophagienne pour déterminer les divers types d’achalasie. Une dilatation au ballonnet au niveau du cardia résout le problème. De même, il ne faut pas conclure trop vite à un refus de manger d’ordre psychologique. C’est ce qui est arrivé à Sami, âgé de 3 ans, qui se plaint de dysphagie et de douleurs abdominales, qui refuse les morceaux et qui a été étiqueté anorexique. À l’examen, on est frappé par l’extrême pâleur de l’enfant et son retard pondéral (-2 DS sur la courbe). L’exclusion des PLV n’amende pas les symptômes. Le bilan sanguin montre une hémoglobinémie effondrée et une carence en fer. L’endoscopie digestive met en évidence une œsophagite peptique majeure avec des sténoses. Le traitement repose sur la prescription d’IPP et d’anti-H2, la dilatation des sténoses de l’œsophage et d’une intervention de Nissen (réalisation d’une valve au niveau de la partie terminale de l’œsophage pour empêcher le reflux acide). L’anémie persistante avant résolution de la malformation a conduit à faire des transfusions et des injections de fer chez cet enfant. D’une façon générale, un RGO doit être considéré comme pathologique en présence de signes extradigestifs (ORL, bronchopulmonaires, toux nocturne, caries, troubles de l’émail dentaire), d’un déficit staturopondérale dû à des ingesta insuffisants, de malaises (notamment chez le nourrisson) et des signes de gravité digestifs (dysphagie, impaction d’aliments, rejets lors des repas, méléna, rejets « marrons » le matin, anémie, carence martiale)(5). Enfin, il faut penser aux causes non digestives d’une dysphagie. Ce peut être une compression extrinsèque de l’œsophage, suspectée lorsque l’enfant fait des mouvements – cou en extension – pour aider les bouchées solides à passer, souvent accompagnés de toux. Le TOGD montre une empreinte qui évoque une compression extrinsèque. Le scanner thoracique identifie et localise la malformation ou la lésion responsable de la compression. Le traitement est chirurgical. Autre piège à éviter, une dysphagie brutale associée à un refus total de manger (même les aliments préférés). Un examen ORL minutieux doit être réalisé avant de faire une endoscopie digestive en urgence (sous anesthésie générale). Il est possible, comme cela était le cas de Noah 5 ans, que l’ORL trouve une arête de poisson fichée dans l’amygdale, dont l’extraction fait disparaître la dysphagie et évite l’anesthésie générale pour fibroscopie. Reste qu’une dysphagie peut parfaitement être psychogène. Mais celle-ci ne peut être affirmée qu’après élimination de toutes les autres causes de troubles de la déglutition. L’enfant ou l’adolescent a une peur extrême d’avaler certains aliments et pas d’autres (dysphagie sélective). Le trouble alimentaire survient souvent dans un contexte perturbé (deuil, maladie d’un proche, etc.). La normalité de l’ensemble du bilan permet de rassurer l’enfant et son entourage. Une prise en charge psychologique peut être utile.

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