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Gastro-entérologie

Publié le 14 juin 2009Lecture 8 min

Ictère intense du nouveau-né : plaidoyer pour un diagnostic précoce

V. GAJDOS, P. LABRUNE, Centre de référence maladies héréditaires du métabolisme hépatique, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart

Il est possible de prédire avant la sortie de maternité quels enfants sont les plus à risque de développer un ictère sévère dans les premières semaines de vie pour organiser au mieux les soins. L’objectif est de reconnaître précocement ces nouveau-nés afin que les moyens de surveillance soient mis à leur service jusqu’à la décroissance de la bilirubinémie ; à l’opposé, les nouveau- nés qui ne sont pas à risque peuvent bénéficier d’une prise en charge allégée.  

 
L’ictère du nouveau-né est un événement fréquent ; la grande majorité de ces ictères sont bénins, n’exposant à aucune complication. Au-delà d’une certaine concentration sérique de bilirubine libre, il n’en existe pas moins un risque de morbidité en raison de la neurotoxicité potentielle de la bilirubine qui existe quel que soit l’âge de l’enfant. Ces concentrations élevées ne sont pas toujours observées dans les premiers jours de vie et la généralisation des sorties précoces de maternité fait que les nourrissons sont surveillés moins longtemps. Ainsi, il s’en est suivi, aux États- Unis, une recrudescence spectaculaire des ictères nucléaires(1,2). Dans ce pays, en l’absence de stratégie de dépistage précoce des hyperbilirubinémies, l’incidence des hyperbilirubinémies > 425 μmol/l est estimée à 1 naissance pour 700 et celles > 340 μmol/l à 1 naissance pour 70(3). Il est donc nécessaire de prédire, dans les 48 premières heures de vie, quels enfants sont les plus à risque de développer un ictère sévère : pour ce faire, des outils existent, qui ont démontré leur efficacité.   Estimation transcutanée de la bilirubinémie L’acuité de l’oeil humain n’est pas suffisante pour dépister un ictère et évaluer son intensité : il a été montré que 20 % environ des observateurs ne dépistaient pas l’ictère pour des valeurs de bilirubinémie de 110 μmol/l et, qu’à des valeurs > 200 μmol/l, 20 % des observateurs considéraient l’ictère comme modéré. Il est donc nécessaire de disposer de mesures objectives tout en restant le moins invasif possible, ce d’autant que ces mesures devront souvent être répétées. L’oeil humain ne permet pas à lui seul de reconnaître tous les enfants ictériques.   Figure 1. Abaques de la bilirubinémie en fonction de l’âge du nouveau-né. Mesures par bilirubinométrie transcutanée. D’après Bhutani et coll.(6). Figure 2. Abaques adaptés à l’âge gestationnel de l’enfant. D’après Maisels et coll.(7). Les appareils de mesure de la bilirubine transcutanée se sont développés et sont très simples d’utilisation. La corrélation avec la bilirubinémie est bonne chez le nouveau-né né après 35 semaines d’aménorrhée(4,5). Au-delà de cet âge, la mesure est parfaitement fiable et il a été montré que, lorsque la bilirubinométrie transcutanée indiquait une valeur ≤ 170 μmol/l, aucun enfant n’avait une bilirubinémie > 222 μmol/l (sensibilité de 100 %) ; de même, pour une valeur de bilirubinométrie transcutanée < 209 μmol/l, aucun enfant n’avait une bilirubinémie > 257 μmol/l(5). Nous ne disposons pas de données en dessous de cet âge gestationnel, groupe d’enfants pour lequel la mesure transcutanée est sujette à caution. L’estimation transcutanée de la bilirubinémie est simple et fiable. Prédire le risque d’ictère sévère L’estimation transcutanée permet de prédire un risque d’ictère sévère. Pour apprécier le risque d’ictère sévère en fonction de la mesure obtenue par bilirubinométrie transcutanée, deux éléments sont à prendre en compte : la valeur absolue et la cinétique d’augmentation.   Valeur absolue de la valeur donnée par bilirubinométrie transcutanée Les valeurs indiquées par les bilirubinomètres doivent être retranscrites sur des abaques ; ceux-ci ont été réalisés à l’aide des mesures obtenues à différents âges sur de grandes cohortes d’enfants et permettent, tout comme une courbe de croissance, de savoir où se situe la valeur de la bilirubinémie de l’enfant par rapport à celles des enfants du même âge. On doit les premiers abaques de ce type à Bhutani et coll. (figure 1)(6).   Les auteurs proposaient, sur la base de ceux-ci, de prédire quel risque un nouveau-né avait de développer un ictère sévère, défini par une bilirubinémie supérieure au 95e percentile : ainsi, un nouveau-né dont la bilirubinémie était audessus du 95e percentile entre la 24 et la 48e heure de vie avait 39,5 % de risques de rester au-dessus du 95e percentile et 60,5 % de chances de passer en dessous de cette limite. Une surveillance étroite et prolongée est de mise chez un enfant présentant un profil de ce type. A contrario, un nouveau-né présentant une bilirubinémie entre le 75e et le 95e percentile entre la 24 et la 48e heure de vie a 12,9 % de risques de rester au-dessus du 95e percentile et 87,1 % de chances de passer en dessous de cette limite. La surveillance d’un tel enfant est tout aussi nécessaire, mais peut probablement être organisée différemment. Un nourrisson, dont la bilirubinémie, entre la 24 et la 48e heure de vie, se situe entre le 40e et le 75e percentile, n’a un risque de développer un ictère sévère que de 2,2 % ; celui dont la bilirubinémie est, au même moment inférieure au 40e percentile n’a aucun risque de développer un ictère sévère. On voit bien que cet outil permet très simplement de prédire le risque qu’un nourrisson a de développer un ictère sévère dans les heures qui suivent sa naissance et d’adapter la surveillance à l’importance du risque. Il faut noter que les abaques diffèrent selon l’âge gestationnel de l’enfant et qu’il convient d’utiliser celui qui est adapté. Les abaques de bilirubinométrie transcutanée les plus récents sont présentés à la figure 2 (7). Avant toute sortie de maternité, il faut évaluer l’intensité de l’ictère par mesure transcutanée. La valeur doit être reportée sur un abaque adapté à l’âge gestationnel.   Cinétique de la bilirubinémie À partir de la valeur instantanée de la bilirubinométrie, prédire la valeur maximale que la bilirubinémie va atteindre n’est plus un simple pari. Le deuxième enseignement de ces études est qu’il est possible de prédire la vitesse avec laquelle la bilirubinémie augmente naturellement ; les données initiales de Bhutani et coll. (6) ont été confirmées par des études plus récentes (tableau) (7). Ainsi, il est possible de prédire, avant de laisser sortir un nouveau-né de maternité, son risque d’avoir une hyperbilirubinémie sévère. Enfin, la prédiction du risque qu’un enfant développe un ictère sévère peut être encore améliorée en combinant la mesure précoce de la bilirubinométrie transcutanée à l’âge gestationnel et l’importance de la perte de poids dans les premiers jours de vie (8). La valeur précoce de la bilirubine transcutanée et la cinétique prédite permettent d’estimer au mieux la valeur maximale que risque d’atteindre la bilirubinémie.   Comment reconnaître le risque de neurotoxicité chez un nouveau-né ? Le risque de neurotoxicité est bien sûr fonction de l’intensité de l’hyperbilirubinémie, et plus précisément de la valeur de la bilirubine non liée. Toutefois, ce dosage n’est pas disponible dans toutes les structures et il est souvent important d’avoir rapidement une idée de ce risque. Pour ce faire, une manière simple et rapide est de calculer le rapport molaire bilirubine (μmol/l) / albumine (g/l) x 14,49. Ce rapport est très bien corrélé à la valeur de la bilirubine non liée (9). Quand ce rapport est en dessous de 0,6, le risque de neurotoxicité est nul. Au-dessus de 1, ce risque est important (10).   Figure 3. Modalités de surveillance des nouveau-nés en fonction de leur âge et de leur bilirubinémie.   Conclusion La prise en charge des nouveau-nés ictériques découle naturellement des données recueillies précédemment. À l’aide d’un bilirubinomètre, d’abaques, et si nécessaire d’un dosage sérique conjoint de la bilirubinémie et de l’albuminémie, il est facile de proposer des surveillances pragmatiques, comme cela est indiqué dans la figure 3. À ce prix, nous ne devrions plus voir d’ictère nucléaire.  

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