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Rhumatologie - Os - Orthopédie - Traumatologie

Publié le 03 mar 2021Lecture 6 min

Rôle de la scintigraphie osseuse dans les urgences pédiatriques

Claire DE LABRIOLLE-VAYLET, Isabelle KELLER-PETROT, Service de médecine nucléaire, hôpital d’enfants Armand-Trousseau, Paris

Pratiquée depuis de nombreuses années, la scintigraphie osseuse reste actuellement l’un des principaux examens de médecine nucléaire réalisés chez l’enfant. Cet article vise à préciser son utilité et ses indications dans un contexte d’urgence.

La scintigraphie osseuse est prescrite par les pédiatres urgentistes ou les orthopédistes en cas d’incertitude diagnostique devant une impotence fonctionnelle d’un membre (le plus souvent une boiterie) avec ou sans fièvre. Chez les jeunes enfants, les circonstances d’apparition des symptômes sont parfois floues, l’examen clinique est délicat, la localisation exacte de la douleur souvent imprécise. En cas d’infection osseuse débutante et dans les lésions traumatiques modérées, la radiographie planaire et l’échographie, premiers examens recommandés par le Guide du bon usage des examens d’imagerie(1), peuvent être normales(2,3). Les signes biologiques d’infection sont inconstants à cet âge(4) et peuvent être en relation avec une infection ORL en cours. La scintigraphie osseuse, réalisée sans sédation, permet un examen du corps entier, et met en évidence des signes de remodelage osseux augmenté sur les sites de fracture ou d’infection débutante. Comment se déroule l’examen ? Le radiopharmaceutique est un diphosphonate assurant le tropisme osseux, couplé à un isotope radioactif à vie courte, le technétium 99 m, qui émet le rayonnement détectable à distance(5). Avant et pendant l’examen, les enfants peuvent boire, manger et recevoir des antalgiques. La prévention de la douleur de l’injection intraveineuse se fait par emploi systématique de patchs EMLA et de l’hypnose analgésie ou du protoxyde d’azote. L’activité injectée est basée sur des recommandations européennes tenant compte du poids et de l’âge de l’enfant(6). C’est elle qui détermine la dosimétrie de l’examen (environ 2,5 à 3 mSv) et non le nombre de clichés réalisés. Des clichés scintigraphiques sont effectués dans les 15 minutes qui suivent l’injection. C’est le temps « précoce », où le contraste dépend de la vascularisation locale : les zones d’inflammation sont hypervascularisées. Au temps « tardif » ou temps « osseux », soit au moins 1 heure 30 plus tard, tout le squelette est examiné, par balayage chez les grands, par clichés localisés d’une durée de 5 minutes chez les petits. Idéalement, le parent, présent auprès de son petit enfant à toutes les phases de l’examen, a veillé à ce que celui-ci ne dorme pas, de façon à ce qu’il fasse la sieste pendant l’examen. Une contention douce, mais ferme, la gentillesse des manipulateurs et l’utilisation de DVD facilitent la réalisation des clichés, qui sont complétés en cas de besoin par des acquisitions tomographiques, ou des images agrandies grâce au collimateur pinhole. Un examen normal réalisé par balayage chez un enfant de 10 ans est présenté figure 1. Figure 1. Scintigraphie osseuse corps entier d’un enfant de 10 ans : hyperfixation physiologique des cartilages de croissance. Que recherche le médecin nucléaire ? Le médecin examine attentivement la répartition du radiopharmaceutique pour détecter les signes évoquant l’infection osseuse ou un traumatisme sans déplacement. Quel que soit le site de la douleur, il vérifie tout le squelette. L’ostéomyélite aiguë se traduit classiquement par l’hyperémie précoce et l’hyperfixation tardive d’une zone juxtamétaphysiaire. En effet, chez les jeunes enfants, les infections se font principalement par voie hématogène. La métaphyse est une zone bien vascularisée, où le transit vasculaire est ralenti par des lacs veineux facilitant l’adhésion des bactéries. L’hyperfixation du cartilage de croissance s’étend « en flammèche » sur la diaphyse adjacente, comme le montre la figure 2. Une complication classique, heureusement rare, de l’infection osseuse est la constitution d’un thrombus vasculaire entraînant une nécrose osseuse. L’antibiotique est alors inefficace puisqu’il ne peut pas atteindre la zone non vascularisée. Dans ce cas, la scintigraphie montre une plage d’hypofixation (figure 3). Figure 2. Aspect classique d’une ostéomyélite métaphysiaire fémorale inférieure droite : hyperhémie au temps précoce puis au temps osseux, hyperfixation débutant au niveau du cartilage de croissance et s’étendant vers la diaphyse, avec des limites floues (aspect en flammèche). Figure 3. Nécrose du talus droit : hypoperfusion au temps précoce puis hypofixation franche du talus au temps osseux. En cas d’arthrite infectieuse, la scintigraphie montre une hyperhémie précoce et une hyperfixation tardive intenses des deux surfaces articulaires, débordant parfois sur les pièces osseuses contiguës (figures 4 et 5). En cas d’arthrite aiguë bénigne (rhume de hanche), la scintigraphie est normale ou montre une minime hyperfixation des surfaces articulaires sans extension sur les os voisins. Figure 4. Arthrite de l’épaule droite : hyperhémie au temps précoce puis hyperfixation franche au temps osseux des surfaces articulaires de l’articulation gléno-humérale. Figure 5. Sacroiléite droite : hyperhémie au temps précoce puis hyperfixation franche au temps osseux de l’articulation sacro-iliaque droite. La scintigraphie ne visualise que le tissu osseux, ce qui peut être insuffisant en cas de pathologie rachidienne infectieuse. L’IRM est alors recommandée en première intention(7,8), du fait de la possibilité de visualiser aussi les abcès paravertébraux et les compressions médullaires (figure 6). Figure 6. Spondylodiscite de L4 : hyperhémie au temps précoce puis hyperfixation au temps osseux du bord gauche de L4. À l’IRM : visualisation d’un abcès à hauteur de L4. La sensibilité de la scintigraphie est supérieure à 95 % dans l’infection osseuse non traitée(7). Pour des raisons éthiques évidentes, il n’y a jamais eu d’essai clinique permettant de déterminer après quel délai d’antibiothérapie les anomalies scintigraphiques osseuses deviennent non détectables. Dans notre expérience, au-delà de 5 jours de traitement, une scintigraphie négative ne permet pas de conclure à l’absence d’infection, d’où l’intérêt de demander l’examen dès le début de l’antibiothérapie. La scintigraphie est également très sensible pour visualiser les fractures sans déplacement, qui sont fréquentes chez les petits enfants(9). Elles ne sont peu ou pas visibles au stade précoce sur les radiographies. Une apposition périostée avec parfois une petite zone de résorption corticale peut se voir après le 10e jour. L’aspect scintigraphique typique de la fracture en cheveu est une hyperhémie précoce, avec hyperfixation tardive, pouvant être assez étendue, intéressant la diaphyse, mais aussi parfois la région métaphysiaire ; un renforcement de fixation linéaire en rapport avec le trait de fracture est parfois visible (figure 7). Figure 7. Deux exemples de fractures en cheveu tibiales. Hyperhémie diffuse au temps précoce puis hyperfixation diffuse des 2/3 inférieurs de la diaphyse tibiale droite. Hyperhémie focalisée au temps précoce à la jonction 1/3 moyen-1/3 supérieur du tibia gauche puis au temps osseux hyperfixation diffuse de la moitié supérieure de la diaphyse avec renforcement de fixation spiroïde, sur le trait de fracture. Les fractures en motte de beurre ainsi que les fractures des pieds (fréquentes sur le cuboïde) sont également difficiles à mettre en évidence sur les radiographies planaires initiales ; elles se traduisent sur la scintigraphie par un foyer d’hyperfixation linéaire bien limité, sans anomalie des os voisins (figures 8 et 9). Figure 8. Fracture en motte de beurre tibiale proximale gauche : hyperfixation linéaire sous métaphysiaire tibiale gauche, difficilement visible sur la radiographie. Figure 9. Fissure du cuboïde droit : foyer d’hyperfixation linéaire au temps osseux sur la partie postérieure du cuboïde droit sans hyperfixation des os voisins. Dans de rares cas, la scintigraphie peut révéler des métastases osseuses montrant de multiples foyers d’hyperfixation du squelette ; elle peut faire suspecter un neuroblastome en visualisant au temps précoce un foyer d’hyperhémie au niveau d’une loge surrénalienne, et au temps osseux, une ou des hyperfixations de la loge surrénalienne correspondant aux calcifications tumorales (figures 10 et 11). Figures 10 et 11. Neuroblastome surrénalien gauche : multiples foyers d’hyperhémie et d’hyperfixation pathologique sur l’ensemble du squelette. Présence d’un foyer d’hyperhémie puis d’hyperfixation à la partie supérieure de la loge rénale gauche correspondant à la tumeur bien visible ensuite sur le scanner. Conclusion La scintigraphie osseuse est un examen relativement aisé à réaliser, ne nécessitant pas de sédation, permettant de visualiser tout le squelette et ayant une grande sensibilité pour les pathologies osseuses pédiatriques. En cas de suspicion d’infection osseuse, elle doit être réalisée dès les premiers jours du traitement antibiotique.

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