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Néphrologie et Urologie

Publié le 11 mai 2010Lecture 9 min

Syndrome hémolytique et urémique post-diarrhéique : quand y penser ?

P. COCHAT1, L. KING2, R. BOUVIER1, J. BACCHETTA1 1 Hospices Civils de Lyon 2 Institut de Veille Sanitaire, Saint-Maurice

Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) survient préférentiellement au cours de la période estivale et fait généralement suite à une diarrhée sanglante à Escherichia coli entéro-hémorragique. Les lésions de l’endothélium rénal qui s’ensuivent sont le fait de la production d’une shigatoxine. Une surveillance épidémiologique nationale continue est assurée par l’Institut de Veille Sanitaire (InVS). 

De quoi parle-t-on ? Le SHU est une maladie de l’endothélium vasculaire (microangiopathie) et représente la principale cause d’insuffisance rénale aiguë avant l’âge de 3 ans (figures 1 et 2). Son diagnostic repose sur trois critères biologiques : – une anémie hémolytique (hémoglobine< 100 g/L, haptoglobine effondré) avec schizocytose (schizocytose > 2 %) ; – une thrombopénie (moyenne 40 G/L) ; – une insuffisance rénale (créatininémie > 60 μmol/L avant l’âge de 2 ans ; > 70 μmol/L au-delà de 2 ans) secondaire aux lésions de microangiopathie. La plupart des SHU sont dits typiques (90 à 95 %), touchant principalement le nourrisson et le jeune enfant à la suite de prodromes digestifs (diarrhée sanglante le plus souvent) ; leur expression est essentiellement rénale. La plupart des SHU sont dits typiques (90 à 95 %), touchant principalement le nourrisson et le jeune enfant à la suite de prodromes digestifs (diarrhée sanglante le plus souvent) ; leur expression est essentiellement rénale.  Figure 1. Physiopathologie simplifiée du syndrome hémolytique et urémique (SHU). Les capillaires glomérulaires sont présumés sains (1) et vont être lésés suite à une agression endothéliale (2) le plus souvent due à une toxine bactérienne. Il s’ensuit une microangiopathie qui s’exprime initialement par des lésions des cellules endothéliales (avec oedème sous-endothélial) à l’origine d’un afflux de plaquettes à visée réparatrice (3). La quasi-totalité des capillaires rénaux est concernée par l’obstruction de la lumière vasculaire qui en découle, ce qui explique la thrombopénie de consommation et l’insuffisance rénale aiguë d’une part (4a), les lésions érythrocytaires (éclatement ou déformation des globules rouges) d’autre part (4b). Les SHU atypiques (5 à 10 % des cas) surviennent en l’absence de prodromes et comportent volontiers des signes extrarénaux (neurologiques notamment) ; plusieurs mutations responsables d’une perte de la protection des cellules endothéliales contre l’activation du complément ont été identifiées. Les SHU atypiques surviennent en l’absence de prodromes et comportent volontiers des signes extrarénaux. Un SHU peut aussi survenir dans un contexte « systémique » (lupus érythémateux disséminé, cancers, rejet de greffe rénale) ou « toxique » (anticalcineurines, radiothérapie). Dans sa forme typique, le SHU survient 1 à 10 jours après un épisode de diarrhée, souvent sanglante. L’analyse des 112 cas de SHU survenus en France en 2008 montre qu’il existe une diarrhée inaugurale dans 93 % des cas (diarrhée sanglante dans deux tiers des cas).   Figure 2. Examen d’une biopsie rénale en microscopie optique : présence d’un oedème sousendothélial au niveau d’un capillaire glomérulaire (flèche blanche). À la phase aiguë, la symptomatologie traduit l’atteinte hématologique (anémie, thrombopénie) et l’atteinte rénale (oligurie, hypertension artérielle), mais il peut exister une atteinte extrarénale (système nerveux central, tube digestif, pancréas, foie).   Données épidémiologiques Le SHU n’est pas une maladie à déclaration obligatoire en France, mais un système de surveillance du SHU chez l’enfant de moins de 15 ans a été mis en place par l’InVS (www.invs.sante.fr) en collaboration avec la Société de néphrologie pédiatrique (SNP : www.soc-nephrologie.org/SNP) depuis 1996, afin de connaître les caractéristiques épidémiologiques de l’affection et de détecter les cas groupés. Les cas isolés (ou sporadiques) ne justifient pas en routine la réalisation d’une enquête complémentaire ; en revanche, les cas groupés (dans le temps, dans l’espace ou par une exposition commune) déclenchent une investigation exploratoire réalisée par l’InVS (investigation épidémiologique, microbiologique humaine et vétérinaire). Les cas groupés de SHU déclenchent une investigation exploratoire réalisée par l’InVS. L’incidence annuelle du SHU en France entre 1996 et 2008 a varié de 0,59 à 1,01 pour 100 000 enfants de moins de 15 ans, soit 73 à 122 cas par an. L’incidence annuelle moyenne la plus élevée a été observée en Franche-Comté et en Bretagne. L’influence saisonnière est régulièrement retrouvée, 51 % des SHU survenant entre juin et septembre. Quant à l’âge des patients, en 2008, 62 % sont âgés de moins de 3 ans, avec une médiane de 33 mois et des extrêmes allant de 2 mois à 14 ans ; le sex ratio est équilibré. Dans l’immense majorité des cas, il s’agit de SHU sporadiques, mais quelques foyers d’infection à Escherichia coli producteurs de shigatoxines (STEC) sont identifiés chaque année. L’épidémiologie du SHU est extrêmement variable d’un pays à l’autre. À titre d’exemple, le SHU est un véritable problème de santé publique et représente 20 % des affections conduisant à l’insuffisance rénale et à la transplantation avant l’âge de 18 ans.   Le SHU, conséquence d’une infection à Escherichia coli En France, 86 % des SHU de l’enfant sont associés à une infection à Escherichia coli entérohémorragique, producteur de shigatoxines (STEC, aussi appelées verotoxines). La contamination peut se faire par voie alimentaire, contact interhumain ou contact avec des ruminants contaminés (encadrés 1 et 2). L’infection à STEC peut être responsable de SHU dans seulement 3 à 15 % des cas, et entraîne plus volontiers une diarrhée banale et parfois une colite hémorragique. L’infection à STEC entraîne plus volontiers une diarrhée banale et parfois une colite hémorragique.   L’infection à Escherichia coli (ou plus rarement à Shigella, voire à pneumocoque) est confirmée par la mise en évidence d’anticorps sériques dirigés contre le lipopolysaccharide des sérogroupes des STEC les plus fréquemment impliqués (O157 dans deux tiers des cas, mais aussi O103, O26, O145, O91, O111, O128, O55) et/ou par isolement de souches de STEC ou par détection par PCR de gènes codant pour les shigatoxines (stx2 le plus souvent, mais aussi stx1 et eae) dans les selles (encadré 3). Toutefois, au cours des dernières années, il existe une augmentation relative des sérogroupes non-O157, qui pourrait s’expliquer par la recherche plus systématique des STEC dans les selles. Une fiche de renseignements comportant des informations sociodémographiques, cliniques, biologiques et épidémiologiques ainsi qu’un questionnaire alimentaire est disponible sur www.invs.sante.fr/surveillance/shu/default.htm à retourner à l’InVS. En 2008, l’infection à STEC a été confirmée sérologiquement ou bactériologiquement dans 78 % des cas. Il arrive que seule la présence de gènes de virulence STEC codant pour les shigatoxines soit positive sans identification d’une souche de STEC. Les bactéries adhèrent aux entérocytes et libèrent ainsi des shigatoxines, qui se fixent à un récepteur spécifique, exprimé chez l’homme sur les cellules tubulaires rénales et sur certains endothéliums, notamment des glomérules et de l’encéphale. Il s’ensuit un effet cytotoxique responsable de mort cellulaire et d’une réponse pro-inflammatoire.   Aucun traitement spécifique En dépit de nombreux essais cliniques proposés, aucun traitement spécifique n’est reconnu pour le SHU, dont la prise en charge reste uniquement symptomatique. Pour les 112 enfants diagnostiqués en France en 2008 : – 37 % ont été transfusés et dialysés (généralement dialyse péritonéale) ; – 45 % ont été transfusés uniquement ; – 2 % ont été dialysés sans transfusion ; – 15 % n’ont été ni dialysés ni transfusés. L’hypertension artérielle peut être le fait d’une surcharge ou d’une stimulation du système rénineangiotensines. La dialyse péritonéale permet de réduire la surcharge et la prescription d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou d’antagonistes du récepteur de l’angiotensine 2 est souvent recommandée. La durée médiane d’hospitalisation a été de 11 jours (extrêmes : 2-48 jours). Certains traitements sont à éviter. C’est le cas des transfusions de plaquettes en cas de thrombopénie sévère (sauf en cas de saignement avéré). Il convient aussi de limiter les apports hydriques sauf lorsque la diarrhée a entraîné une déshydratation. Par ailleurs, il se peut que l’antibiothérapie des infections à Escherichia coli O157 augmente le risque de SHU, mais le mécanisme n’en est pas clair ; une telle antibiothérapie n’est donc pas recommandée. Il en est de même pour les ralentisseurs du transit, qui favorisent peut-être la croissance microbienne dans le tube digestif.   Le pronostic justifie une surveillance prolongée La mortalité varie de 1 à 5 % dans la littérature (1 % selon les données françaises récentes), principalement lorsque existe une atteinte neurologique. L’hémolyse et la thrombopénie sont transitoires et ne durent que quelques jours. La fonction rénale s’améliore plus lentement et les enfants dont l’atteinte rénale n’a pas nécessité de dialyse ont un excellent pronostic rénal. Toutefois, plus d’un tiers des sujets présentent des séquelles rénales à long terme (hypertension artérielle, protéinurie, insuffisance rénale chronique). L’insuffisance rénale terminale concerne 5 à 10 % des enfants et le risque de récidive après transplantation est inférieur à 1 % ; ce risque est tout autre en cas de SHU atypique : 50 % d’insuffisance rénale terminale et 20 à 80 % de récidive après greffe. Plusieurs facteurs de mauvais pronostic ont été identifiés : oligurie prolongée (nécessité de dialyse pour une durée supérieure à 10 jours), atteinte neurologique, leucocytose. Plus récemment, des facteurs génétiques de prédisposition ont été évoqués (polymorphismes du système rénine-angiotensines). Il est donc essentiel de surveiller la filtration glomérulaire, la pression artérielle et l’albuminurie afin d’instaurer le cas échéant un traitement néphroprotecteur.

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