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Pédiatrie générale

Publié le 18 nov 2007Lecture 10 min

Purpura thrombopénique idiopathique : vers une attitude raisonnée… (2e partie)

I.Claudet - Hôpital des enfants, CHU Toulouse
Après avoir exposé l’approche diagnostique du purpura thrombopénique idiopathique, l’auteur revient sur le traitement du PTI. C’est en effet l’aspect de sa prise en charge qui a fait le plus l’objet de controverses ces 30 dernières années.
L' attitude thérapeutique des 25 dernières années était essentiellement dictée par deux risques qui émaillent l’évolution de cette maladie : l’hémorragie cérébroméningée et l’évolution vers une forme chronique. Les différentes options thérapeutiques disponibles et leurs cibles seront abordées avant d’essayer de résumer la philosophie actuelle des controverses et les évolutions thérapeutiques futures au regard des dernières publications scientifiques médicales et de recherche (1-6).   Options thérapeutiques initiales Deux options thérapeutiques sont possibles et débattues : – la première, « primum non nocere » ou ne rien faire, observer, surveiller, « wait and watch » : politique plutôt du versant européen de l’Atlantique ; – la seconde, traiter avec différentes molécules disponibles dont le choix reposait surtout sur des habitudes personnelles et un taux de plaquettes seuil : politique thérapeutique du versant nordaméricain de l’Atlantique, protraitement et plutôt pro-immunothérapie. L’attitude thérapeutique attentiste Les arguments développés et publiés des équipes pour l’option « wait and see » sont les suivants :– l’évolution de l’affection est limitée dans le temps, elle est la même que l’enfant soit traité ou non avec 80 % de guérison à 6 mois de recul(2-3,7-15) ; – le traitement initial, quel qu’il soit et aussi précoce soit-il, ne prévient pas le risque d’hémorragie sévère ultérieure ni l’évolution vers une forme chronique(8,12,14,16) ; – le risque d’hémorragie intracérébrale est très faible (0,1 %) dans les dernières publications d’études prospectives avec forte puissance statistique(3,10-12,17-19) ; – les traitements ne sont pas dénués d’effets secondaires, ont un effet transitoire, ont un coût et prolongent la durée d’hospitalisation, et donc augmente le coût global de prise en charge ; ils ont un mécanisme d’action encore imparfaitement élucidé ; – en dehors de la splénectomie dont les indications sont très ciblées chez l’enfant, et qui est curative dans 70 % des cas, il n’existe pas d’autre traitement curatif. L’attitude thérapeutique active (4,20-22) Les arguments de ses défenseurs sont : – une augmentation plus rapide du nombre de plaquettes comparé à l’absence de traitement ; – une réduction du risque d‘hémorragie sévère pour des taux de plaquettes < 10 000 éléments/ mm3; – un surcoût lié à la thérapeutique inférieur à celui de la prise en charge d’une hémorragie grave. Les moyens thérapeutiques Les différentes molécules actuellement utilisées en 1re ligne au travers des différents pays, seules ou en association, sont : – les corticoïdes par voie orale ou intraveineuse ; – les immunoglobulines polyvalentes (IgIV) ; – les immunoglobulines anti-D ; – la transfusion plaquettaire ; – la splénectomie. D’autres molécules sont utilisées en 2e intention en cas d’échec des thérapeutiques de 1re ligne ou dans les formes chroniques : – les immunosuppresseurs : azathioprine, ciclophosphamide, alcaloïdes de la vincristine, ciclosporine ; – l’interféron alpha ; – le rituximab. Le choix thérapeutique varie d’un pays à un autre, d’une ville à l’autre, entre unité médicale, entre médecins d’une même unité indépendamment des recommandations( 3,8,17). Il est essentiellement fondé, en dehors de toute considération économique (qui peut être un facteur limitant dans certains pays), sur la rapidité « à faire remonter les plaquettes » et donc à se rassurer de l’éventuelle survenue d’un accident hémorragique grave (tableau ci-dessous).   ● Immunoglobulines polyvalentes( 20,22-25) Largement administrées depuis les années 80, leur mécanisme d’action reste imparfaitement élucidé. Deux théories sont décrites : – un mécanisme de compétition : les immunoglobulines se fixent sur le récepteur FcRIII des macrophages, les plaquettes recouvertes d’anticorps ne sont alors pas détruites (figure 1a) ; – un mécanisme d’inhibition de la fonction phagocytaire du macrophage par la stimulation de l’expression du récepteur FcRIIb à la surface des macrophages, la liaison des Ig à ce récepteur envoie un signal transmembranaire qui bloque la fonction phagocytaire (figure 1b).   Figure 1. Les deux théories du mode d’action des immunoglobines polyvalentes dans le PTI. (a).Théorie 1 : compétiton par blocage des récepteurs Fc. (b).Théorie 2 : inactivation du monocyte Fc γ RIIB-dépendant. Plusieurs schémas thérapeutiques ont été proposés, les deux schémas les plus utilisés étant le schéma « long », 400 mg/kg/j sur 5 jours et le schéma « court », 0,8 g à 1 g/kg/j sur 1 jour et renouvelable à J3 selon l’évolution. Warrier et coll.(22) ont proposé des schémas à dose faible (0,25 à 0,5 g/ kg/j) et délai court (48 h) permettant d’obtenir un taux de plaquettes > 30 000 chez 94 % (16/17) des enfants. La faiblesse de l’échantillon ne permet pas pour l’instant de recommander cette option. Leur effet est transitoire (15-20 j), la précocité du traitement et le choix de l’immunothérapie plutôt qu’une corticothérapie n’influencent pas l’évolution vers la chronicité(8,12,14,16). Les effets secondaires bénins sont fréquents : syndrome grippal (fièvre, frissons, céphalées, vomissements) ; les effets secondaires graves sont rares (anaphylaxie, méningite aseptique). Il existe un risque de transmission virale (protéines pathogènes de prions), les immunoglobulines étant issues d’un pool sélectionné de donneurs hyperimmuns dont le nombre maximum est de 20 000 pour Tégéline® et Gammagard® et 40 000 pour Endobuline®. Jusqu’à ce jour, aucun cas d’encéphalopathie spongiforme secondaire à la perfusion d’immunoglobulines n’a été rapporté dans le monde, mais l’intervalle entre le contact avec des produits dérivés humains et le début de la maladie peut ne se révéler qu’après 40 années. Ce traitement impose un abord veineux, une hospitalisation et son coût est élevé (environ 100 fois plus qu’une corticothérapie). Les recommandations les plus récentes réservent leur indication à l’existence d’un syndrome hémorragique extensif ou menaçant plutôt qu’à un chiffre seuil de plaquettes (recommandations HAS). Outre un délai d’action plus rapide, l’utilisation des Ig plutôt que des corticoïdes doit tenir compte des aspects économiques (HAS) et une justification de ce choix doit figurer dans le dossier du patient(26). Une justification du choix des immunoglobulines doit figurer dans le dossier du patient. ● Les corticoïdes L’action des corticoïdes repose sur l’inhibition des macrophages, une stimulation de la production de thrombopoïétine (augmentation des précurseurs des mégacaryocytes) et une régulation de l’action des lymphocytes T. Ils auraient aussi un effet stabilisant de la structure endothéliale (« effet protecteur vasculaire »). Leurs avantages résident dans la possibilité d’une prise orale et donc d’envisager un traitement ambulatoire rapide après une hospitalisation initiale courte et dans leur faible coût. Différents schémas thérapeutiquesont été publiés, les trois schémas les plus courants sont : – schéma faible dose : 1-2 mg/ kg/j sur 15 jours à 3 semaines ; – schéma forte dose : 4 mg/kg/j pendant 4 ou 7 jours puis diminution dégressive des doses sur 2 semaines. – schéma mégadose : 15-30 mg/ kg/j en IV réservé aux formes menaçantes ou d’emblée hémorragiques graves et souvent en association avec des immunoglobulines et une ou plusieurs transfusions plaquettaires. La dexaméthasone pulsée à forte dose n’a pas fait la preuve de son efficacité et n’est donc pas recommandée chez l’enfant dans cette indication. Le syndrome d’hypercortisolisme se voit surtout dans les corticothérapies de longue durée ; l’hyperglycémie et/ou l’hypertension artérielle sont peu fréquentes, souvent transitoires et disparaissent à l’arrêt du traitement. ● Les immunoglobulines anti-D Il s’agit principalement de WinRho® (Amérique du Nord) et Rhophylac® (France ; 0,30 euros/μg)(21). Elles sont réservées aux patients rhésus positifs. Fixées aux globules rouges, le complexe sature le système réticuloendothélial empêchant la destruction des plaquettes. Les Ig anti-D sont réservées aux patients rhésus positifs. Les doses recommandées sont de 50 (250 UI) à 75 μg/kg/j pendant 1 à 2 jours, en perfusion IV de courte durée. À ces doses, elles sont aussi efficaces et à moindre coût que les immunoglobulines polyvalentes. S’agissant de dérivés sanguins d’origine humaine, le risque de transmission virale existe aussi (prions). Leur principal effet secondaire est une hémolyse intravasculaire avec une baisse moyenne du taux d’hémoglobine évalué à 1,3 g (nadir à J7). Les autres effets secondaires rapportés fréquemment sont des céphalées, des frissons et de la fièvre. ● Transfusion de plaquettes – En urgence, elle est exceptionnelle et réservée aux syndromes hémorragiques menaçant le pronostic vital ou fonctionnel immédiat. Elle est souvent associée dans ces situations à une immunothérapie et une corticothérapie à fortes doses(2,5,26). – Programmée, elle précède un geste chirurgical ou d’ablation dentaire chez des enfants ayant une thrombopénie < 20 000 éléments/ mm3. La posologie est de 1 UI plaquettaire/ 10 kg de poids. La transfusion de plaquettes en urgence est exceptionnelle et réservée aux syndromes hémorragiques menaçants. ● La splénectomie C’est le seul traitement curatif du PTI. Elle est réservée comme option thérapeutique aux PTI chroniques réfractaires aux autres molécules disponibles et aux urgences hémorragiques en « rescue » après échec d’un traitement médical optimal.   Vers un schéma thérapeutique raisonné… Un certain nombre de publications récentes construisent le squelette d’une approche consensuelle et raisonnée(4-6,9,16). – Pas de traitement d’emblée des formes de PTI aiguë avec un taux de plaquettes > 20 000 éléments/ mm3. – Dans les autres situations, le risque hémorragique est évalué en fonction du type de saignements, de la fonction plaquettaire et du taux. ● Grade clinique 0 et I Plaquettes entre 20-150 000 : pas de traitement, surveillance. Hospitalisation ? Plaquettes < 20 000 : hospitalisation, surveillance. ● Grade II Plaquettes > 10 000 : hospitalisation, traitement ponctuel pour retourner au grade 0 ou I. Choix thérapeutique plutôt orienté sur la corticothérapie (4 mg/kg/j sur 4 jours). Plaquettes < 10 000 : hospitalisation, traitement par corticothérapie IV ou IgIV. • Grade III Hospitalisation + thérapeutique active. Le choix thérapeutique initial est plutôt orienté vers les immunoglobulines polyvalentes ou monoclonales (rapidité d’action), mais une corticothérapie à fortes doses est une autre option possible. Association de molécules dans les syndromes hémorragiques graves : IgIV + corticoïdes + transfusion plaquettes + transfusion culot globulaire. Le risque d’hémorragie cérébrale est faible (0,1 %), il est plus fréquent dans les PTI chroniques et les formes réfractaires aux thérapeutiques classiques. La précocité du traitement et le type de molécules n’influencent pas ce risque. Des questions persistent pour une approche optimale…(6,23,24,27,28,29) • Quel est le mécanisme physiopathologique exact du PTI : voie de l’interféron γ  ? • Le déterminant d’une évolution vers une forme chronique est-il lié aux gènes, aux cytokines, à une souspopulation de lymphocytes T ? • Comment évaluer précisément le risque hémorragique par un abord multifactoriel : clinique, appréciation des fonctions plaquettaires, valeur du taux de plaquettes ? • Existe-t-il un déterminisme génétique ? • Quel est le dosage optimal de la corticothérapie ? • Quel est le rôle exact des immunoglobulines polyvalentes, le dosage optimal et leur positionnement exact dans le schéma thérapeutique ?

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