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Pédiatrie générale

Publié le 01 mai 2012Lecture 8 min

Le triage aux urgences pédiatriques

A.TRAN, H. HAAS, Urgences pédiatriques du CHU-Lenval, Nice
À ce jour, en France, le triage des enfants aux urgences pédiatriques a un rôle clé dans le fonctionnement du service. En quelques minutes, l’infirmière organisatrice de l’accueil doit pouvoir donner un niveau de gravité dès l’admission d’un enfant, uniquement à l’aide d’un processus associant un interrogatoire bien mené et une inspection minutieuse de l’enfant. Alors que ce processus détermine la suite de sa prise en charge, il présente pourtant des failles et pourrait remettre en question la sécurité des patients. Suite à une brève revue de la littérature, voici la réflexion que nous avons mené.
La surpopulation aux urgences pédiatriques La fréquentation des urgences pédiatriques ne cesse de s’accroître chaque année. En effet, ces structures d’urgence sont de plus en plus souvent sollicitées par des patients qui ne présentent pas de caractère urgent au sens médical du terme et qui sont en fait de simples consultations non programmées. Ces pics de fréquentation des urgences génèrent de l’angoisse de la part des enfants et de leur famille et parfois (souvent ?) de l’agressivité vis-à-vis du personnel des urgences, dont les décisions ne sont pas toujours comprises. Le risque pour le personnel est de ne pas repérer un enfant qui attend dans la salle d’attente et qui s’aggrave secondairement. Toute la difficulté réside dans la capacité de repérer les cas graves ou urgents qui relèvent d’une prise en charge prioritaire ou rapide. Dans ces conditions, il n’est pas envisageable que les médecins et/ou les infirmières des urgences prennent en charge les patients uniquement selon leur ordre d’arrivée. La surpopulation aux urgences accroît le risque de ne pas repérer un enfant qui s’aggrave secondairement en salle d’attente. L’IOA au coeur de l’organisation des urgences L’activité des urgences est essentiellement organisée autour du triage des patients, qui implique de lourdes responsabilités. Le triage idéal devrait être fait par un médecin formé et expérimenté. Actuellement, les effectifs ne le permettent pas et ce triage est délégué aux infirmières, dénommées infirmières organisatrices de l’accueil (IOA)(1), sous la responsabilité d’un médecin référent. L’IOA doit recueillir, en un minimum de temps, un maximum d’informations utiles au triage tout en gérant l’anxiété du patient et/ou de sa famille. La finalité de ce processus est de donner un « stade » de priorité et de déterminer, par conséquent, le délai de prise en charge : un patient étiqueté « urgent » sera vu plus rapidement par le médecin qu’un patient « non urgent ». Outre le triage, les fonctions de l’IOA sont aussi d’accueillir et de rassurer le patient et l’entourage, de donner les premiers soins (antalgie, etc.) et de réévaluer en cas d’attente prolongée. Un outil de triage ne doit remplacer en aucune manière l’expérience et l’intuition de l’IOA dans l’évaluation de l’enfant. Place d’un outil (ou grille) de triage Afin d’aider l’IOA à évaluer la priorité des patients, un outil de triage pourrait permettre d’identifier, d’évaluer et de classer par ordre de priorité les besoins en soins des patients. Cet outil doit être simple d’utilisation, exhaustif, précis et rapide. Il doit être également fiable et valide. L’utilisation de l’outil de triage ne doit être considérée uniquement que comme une aide à l’assignation d’un stade de gravité. En effet, cet outil ne doit remplacer en aucune manière l’expérience et l’intuition de l’IOA dans l’évaluation de l’enfant. Un contact permanent avec le reste de l’équipe, notamment médicale, permet de résoudre les situations les plus difficiles et d’organiser au mieux les prises en charge. Quels outils de triage ? À ce jour, il existe principalement six outils de triage pédiatriques : – Australasian Triage Scale (ATS) (2) ; – Canadian Triage and Acuity Scale (CTAS) ou Echelle de Triage et de Gravité (ETG) (3) ; – Emergency Severity Index (ESI) (4); – Manchester Triage Scale (MTS) (5) ; – Emergency Triage Assessment and Treatment (ETAT) (6) ; – Soterion Rapid Triage System (STRS) (7). Bien qu’il n’existe pas d’outil de référence, ces grilles présentent néanmoins des points communs (tableau) – 5 stades de priorité hiérarchisés en code couleur et/ou numérique, classés du plus urgent (stade 1 ou code rouge) au moins urgent (stade 5 ou code bleu) (8) ; – importance de l’analyse des signes vitaux (9) ; – importance de l’analyse du motif de consultation (10 ) ; – informatisation de l’outil de triage (11,12 ). Malheureusement, ces grilles sont issues des outils de triage pour adultes, adaptées secondairement aux enfants. Le problème est qu’un enfant présente des spécificités qui lui sont propres (croissance, métabolisme, maladies infantiles, etc.) et qui ne font pas de lui un adulte en miniature. De plus, bien que la fiabilité de ses grilles ait été étudiée à de nombreuses reprises, elles souffrent d’un manque d’étude de validité (12) s’expliquant par l’absence de gold standard. La performance de ces grilles est alors souvent discutable, particulièrement dans la pertinence des items retenus. Enfin, ces outils sont utilisés par des IOA qui n’ont pas le même statut qu’en France : celui de l’infirmière clinicienne. En effet, ces infirmières bénéficient d’une formation spécifique différente leur permettant d’établir de vrais diagnostics. Dans ce contexte, la priorisation repose non pas sur la gravité des symptômes, mais sur le diagnostic réalisé dès l’accueil des patients par l’IOA clinicienne, tout comme ferait un médecin qui y serait posté. Aujourd’hui, en France, les IOA n’ont pas la capacité à établir des diagnostics, car il n’existe pas de formation diplômante spécifique. Le triage ne peut se faire que sur des critères d’interrogatoire et d’inspection, ainsi que sur la prise des constantes. Par conséquent, ces outils ne sont pas vraiment adaptés en l’état en France pour la pédiatrie. Au total, un outil de triage pédiatrique, en France, en plus d’être informatisé, hiérarchisé en 5 stades de gravité, ne peut être élaboré qu’à partir de critères basés sur les données de l’interrogatoire, d’inspection, ainsi que la prise des constantes. Actuellement, un outil de triage est en cours d’élaboration aux urgences des Hôpitaux pédiatriques du CHU-Lenval de Nice. Conclusion Les consultations non programmées sont de plus en plus fréquentes aux urgences pédiatriques aboutissant souvent à des situations de surpopulations, notamment l’hiver. Le triage, nécessaire pour la sûreté des enfants, réalisé par une IOA non clinicienne à l’aide d’une grille, soulève deux points indispensables au bon fonctionnement d’une structure d’urgence : • la formation spécifique des IOA au triage comparable à celle réalisée pour les infirmières cliniciennes, comme cela existe en Amérique du Nord ; • afin d’aider l’IOA, la mise en place d’un outil de triage créé spécifiquement pour l’enfant, fiable et validé à l’aide d’un gold standard élaboré à partir des critères d’interrogatoire, d’inspection et des signes vitaux. Bien que l’organisation sanitaire française actuelle impose d’examiner tout enfant se présentant aux urgences, le processus de triage pourrait contribuer à réduire la surpopulation aux urgences pédiatriques en réorientant certaines consultations non programmées vers d’autres structures mieux adaptées, comme c’est le cas pour les maisons médicales chez l’adulte.   Ce qu’il faut retenir • L’infirmière organisatrice de l’accueil (IOA) est indispensable au fonctionnement des urgences pédiatriques. • L’outil de triage permet d’aider l’IOA à prioriser les enfants. • L’outil de triage doit être informatisé, structuré en 5 stades de gravité et doit être élaboré à partir de critères basés sur des données subjectives de l’interrogatoire, de l’inspection et des signes vitaux. Le problème actuel est qu’il n’existe pas d’outil de référence ou de gold standard. • Il est nécessaire que l’IOA bénéficie d’une formation spécifique se rapprochant de celle des infirmières cliniciennes. • À terme, l’IOA pourrait réduire la surpopulation aux urgences pédiatriques en réorientant certains patients non urgents vers des structures adaptées.

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