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Pédiatrie générale

Publié le 29 oct 2008Lecture 9 min

L’enfant dysmorphique

P. LABRUNE, Service de Pédiatrie, Centre de Référence Maladies Héréditaires du Métabolisme Hépatiques, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart

Faire le diagnostic de dysmorphie faciale chez l’enfant peut être une tache difficile. Certaines des étapes nécessaires au diagnostic sont bien standardisées, comme par exemple la recherche dans des banques de données informatisées. D’autres étapes sont plus difficiles. Parmi celles-ci, l’examen clinique et l’évaluation globale de l’enfant par le clinicien sont parmi les plus difficiles. Une nomenclature imprécise, non standardisée, tout particulièrement concernant les données du visage, peut rendre la communication difficile entre les généticiens cliniciens. Cependant, l’examen clinique reste fondamental. Il permet, couplé à l’interrogation de base de données, à certains examens génétiques de laboratoire, à l’utilisation de moyens informatiques modernes, d’arriver souvent à un diagnostic précis.

 
Comment faire le diagnostic d’une dysmorphie faciale ? L’examen clinique est l’étape  primordiale et il commence par l’enquête familiale qui permet d’établir un arbre généalogique détaillé. L’interrogatoire doit  également reconstituer l’histoire précise de la grossesse, de l’accouchement. L’examen clinique du visage doit être détaillé,  étage par étage, avec mesures  et comparaison aux abaques publiées. Des photos sont souvent nécessaires, après avoir demandé et obtenu l’autorisation parentale. Ces photos permettent de comparer le visage de l’enfant à d’autres photos publiées et/ou figurant dans les banques de  données. Les photos permettent également de demander avis  à d’autres spécialistes de ce domaine. Elles permettent enfin de suivre l’évolution de la dysmorphie faciale, à mesure que l’enfant grandit. Des malformations associées doivent être systématiquement recherchées et tout particuliè-rement au niveau des extrémités, du cœur et des organes génitaux externes. Des examens biologiques, des examens d’imagerie sont demandés en fonction  du contexte clinique et aucun  ne doit être effectué systématiquement.   Quand peut-on être amené à diagnostiquer une dysmorphie faciale ? L’essor et le développement des techniques d’imageries anténatales (échographies, scanner spiralé, IRM) amènent, de plus en plus souvent, à discuter et à diagnostiquer une dysmorphie faciale fœtale. En l’absence de signes d’appel anténatals, c’est à la naissance que l’aspect du visage du nouveau-né peut attirer l’attention.   Figure 1 (a) : échographie fœtale de profil en 2D montrant un comblement de l’angle fronto-nasal et un micro-rétrognathisme ; (b) : même image sur l’échographie en 3D, fœtus ayant un retard de croissance majeur et un profil particulier dit « en cimier de casque grec » : syndrome de Wolf Hirschhorn. Dépistage anténatal Les échographies anténatales permettent de plus en plus régulièrement d’identifier des particularités du visage. C’est tout  spécialement le cas des fentes labiales et/ou labio-palatines qui sont régulièrement reconnues. Cela peut être également le cas d’anomalies de morphologie des oreilles. Enfin, l’échographie peut détecter les anomalies de la forme du crâne, des anomalies des différents étages du visage (os propres du nez, bosse frontale, rétraction de l’étage moyen de la face, micro-rétrognathisme ou inversement, prognathisme). L’association de ces éléments échographiques conduit à parler de dysmorphie faciale fœtale, posant des problèmes diagnostiques relativement nouveaux.  Ces problèmes sont difficiles à résoudre car on ne peut faire appel, dans cette situation particulière, qu’à d’éventuels autres moyens d’examens d’imageries, voire de laboratoire. L’échographie en 3D permet, parfois, de mieux apprécier certains aspects de la dysmorphie faciale. On peut ainsi évoquer, et parfois affirmer certains diagnostics tels qu’un syndrome de Wolf Hirschhorn (délétion 4p16), (figure 1), une embryo-fœtopathie alcoolique (figure 2), d’autres syndromes tels qu’une craniosténose de la métopique, un syndrome de Pierre Robin, un syndrome de Cornelia de Lange (figure 3). De même, dans certaines situations incluant des anomalies osseuses, l’examen du squelette fœtal en tomodensitométrie  spiralée peut être d’un apport important.   Figure 2. Échographie faciale fœtale en 3D montrant une lèvre supérieure fine, un effacement de l’arc de Cupidon, une protrusion du philtrum avec effacement des piliers chez un fœtus atteint d’une embryo-fœtopathie de mère alcoolique (courtoisie du Dr J.-M. Levaillant). Par ailleurs, il est primordial, lorsqu’une dysmorphie faciale fœtale a été mise en évidence, de rechercher, avec la plus grande attention, l’existence de malformations associées. À l’issue de tous ces examens, un diagnostic peut parfois être proposé. Dans d’autres situations, l’incertitude va persister, jusqu’à la naissance. Dans certains autres cas, lorsque la dysmorphie faciale est associée à un syndrome polymalformatif, une interruption de grossesse peut être discutée.   Figures 3. Échographies faciales fœtales en 3 D. (a) : syndrome de Pierre Robin ; (b) : craniosténose métopique ; (c) : syndrome de Cornelia de Lange.  Après la naissance Parfois, l’aspect particulier du visage impose un examen clinique détaillé afin d’en préciser au mieux les différents éléments (figure 4). Dans d’autres circonstances, c’est chez un enfant porteur d’une ou plusieurs malformations que l’examen du visage va tenter de décrire une éventuelle dysmorphie. L’examen clinique est systématique, comprenant l’examen du crâne, l’aspect général de la face, l’appréciation des différents étages. Il faut insister sur l’étude de l’implantation des cheveux, l’aspect des yeux, l’aspect des cils et des sourcils. Ainsi, on peut parfois mettre en évidence une obliquité inhabituelle des fentes palpébrales, un hypertélorisme, ou à l’inverse un hypotélorisme. L’existence d’un ptosis peut orienter vers certains syndromes particuliers. Il en est de même de la constatation d’un épicanthus. L’examen attentif des globes oculaires est également fondamental, et sera complété par l’examen ophtalmologique. C’est ainsi que la constatation d’un colobome irien peut faire évoquer, en fonction de signes cliniques associés, un syndrome CHARGE (Colobome, cardiopathie congénitale Heart defect, Atrésie des choanes, Retard de croissance et retard psychomoteur, anomalies Génitales, anomalies des oreilles [Ears]). L’étage moyen de la face doit également être examiné : étude du nez, de la bouche, de la cavité orale, du philtrum, des oreilles (morphologie, orientation, implantation, taille). Enfin, au niveau de l’étage inférieur du visage, on va rechercher une anomalie de taille avec une micrognathie, une anomalie de position telle une rétrognathie ou une prognathie. On doit également, afin de compléter l’examen clinique, examiner les dermatoglyphes, les mains, les pieds, les organes génitaux externes. L’aspect et la consistance des cheveux et des ongles doivent également être notés dans le dossier clinique. Nombre de syndromes comportant entre autres une dysmorphie faciale s’accompagnent, initialement ou plus tard, d’anomalies du développement psychomoteur, de troubles du comportement, toutes particularités qu’il est bien difficile, voire impossible, de préciser en période néonatale.   Examens complémentaires nécessaires au diagnostic de dysmorphie faciale Ces examens doivent être orientés par le clinicien qui a examiné l’enfant. On peut être amené à discuter et à proposer :   échographie cardiaque selon les données de l’examen clinique ;  échographie transfontanellaire fréquemment nécessaire ;   avis neuro-pédiatrique spécialisé avant de pratiquer un examen tomodensitométrique et/ou une IRM cérébrale ;  électroencéphalogramme en fonction du contexte clinique (mouvements anormaux, troubles du comportement) ;   avis ophtalmologique avec examen du fond d’œil et examen à la lampe à fente ;    radiographies du squelette, surtout si l’enfant est de petite taille ;   une échographie rénale est souvent proposée en raison d’une grande fréquence de malformations rénales restant asymptomatiques. Les examens génétiques :   le caryotype standard est très souvent réalisé ;   les examens spécialisés à la recherche de micro-délétions au moyen  de techniques spécifiques (hybridation in situ avec sonde fluorescente) ;   recherche de remaniements des régions sous-télomériques (techniques en multi FISH, techniques MLPA) ;   recherche de micro-remaniements chromosomiques par utilisationde « puces à ADN » ;   exploration moléculaire en contexte clinique particulier, après avis spécialisé.   Figure 4. Enfant âgée de 4 ans et demi ayant une délétion terminale 14q. Dysmorphie faciale avec hypertélorisme, télécanthus et épicanthus, oreilles implantées bas, lèvre supérieure arrondie, bouche aux coins tombants, nez court et anteversion narinaire. Conclusion L’analyse clinique reste l’étape primordiale de la prise en charge d’un enfant dysmorphique. Elle doit s’intéresser non seulement aux caractéristiques du visage, mais aussi à l’enfant dans sa totalité, à la recherche de malformations, de troubles du comportement, de troubles du développement. Elle précède et conditionne le recours aux examens complémentaires, à l’utilisation de l’outil informatique.   Définitions des principaux termes cliniques utilisés dans la description d’une dysmorphie faciale  Colobome : il est dû à un défaut de fermeture de la fente colobomique qui se produit vers la 5e semaine de la vie embryonnaire. Le tissu normal est absent, aplasique ou remplacé par du tissu conjonctif. Le colobome peut toucher l’iris (fente) ou la chorio-rétine (lacune).  Épicanthus : formé d’un pli cutané vertical latéral au nez, il s’agit d’un repli de tissu à l’angle interne de l’œil qui peut faire évoquer une ébauche de 3e paupière.  Hypertélorisme : augmentation de la distance inter-pupillaire.  Hypotélorisme : diminution de la distance inter-pupillaire.  Philtrum : sillon vertical qui s’étend de l’extrémité inférieure du nez à la partie médiane de la lèvre supérieure.  Micrognathie : insuffisance de développement des maxillaires.  Rétrognathie (ou rétrognathisme) : déformation de la mâchoire qui semble rejetée en arrière quand on l’observe de profil.  Prognathie (ou prognathisme) : projection d'une ou des deux mâchoires en avant de la verticale abaissée du nez.  Synophrys : confluence des sourcils sur la ligne médiane.  

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