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ORL et Stomatologie

Publié le 28 aoû 2006Lecture 10 min

Dépistage de la surdité en milieu néonatal

E. Truy, G. Lina, L. Collet - Hôpital Edouard-Herriot, Lyon
La surdité de l’enfant est un problème de santé publique en raison des chiffres élevés de prévalence et des répercussion importantes de la surdité congénitale sur le développement du langage oral, et donc sur l’insertion sociale ultérieure de l’enfant.
Le dépistage de ce handicap en période néonatale a fait l’objet de publications multiples. De nombreux états dans le monde présentent actuellement des programmes de dépistage universel néonatal, certains d’entre eux, comme aux États-Unis et en Europe, ont même légiféré dans ce sens. Aux États-Unis, 70 % des enfants sortant de la maternité sont actuellement soumis à un programme de dépistage.   Du dépistage en général Le dépistage d’une maladie ne se justifie en termes de santé publique que si la pathologie remplit certains critères définis par l’OMS. Ces critères ont été transposés au dépistage de la surdité en 1993. L’idée d’un dépistage universel de la surdité chez l’enfant n’est cependant pas récente, un certain nombre de recommandations ont déjà été émises dans cet objectif : - 1990 : Joint Committee on Infant Hearing Position Statement (États-Unis) : recommandations indiquant que de manière optimale, le dépistage des enfants à haut risque sera réalisé avant la sortie de l’hôpital et pas après l’âge de 3 mois. - 1993 : National Institute of Health (NIH) consensus development program (États-Unis) : tous les nouveau-nés doivent être dépistés pour la surdité avant de quitter l’hôpital. - Mai 1998 : Conférence de consensus européenne sur le dépistage néonatal de l’audition : dépistage néonatal de la surdité congénitale du nourrisson à la maternité.   Épidémiologie de la surdité congénitale Incidence et prévalence Des données européennes publiées en 1979 font état d’une prévalence variant au sein de pays de la Communauté économique européenne de 56 à 150 pour 100 000 naissances. La critique essentielle de ce travail est qu’il était rétrospectif et incluait des enfants ayant un seuil audiométrique Ž 50 dBHL (Hearing Level). Dans la région de Copenhague, une étude de cohorte réalisée entre 1970 et 1980, donne une prévalence de 150 pour 100 000 naissances. En Angleterre, sur une cohorte née entre 1982 et 1988, la prévalence est similaire, de l’ordre de 127 pour 100 000. Les programmes de dépistage de la surdité permanente néonatale (SPN) permettent d’affiner ces données à la hausse, avec des chiffres de prévalence aux alentours de 130 pour 100 000, en fonction des protocoles employés. La prévalence globale de la maladie est fonction de la sévérité de l’atteinte et du seuil audiométrique choisi : pour un seuil à 40 dBHL, elle est de 133 ; pour un seuil fixé à 50 dBHL, la prévalence atteint 110. L’incidence élevée des SPN par rapport à l’ensemble des surdités de l’enfant plaide pour un dépistage en période néonatale. Plus de 80 % des surdités de l’enfant existent dès la naissance. Le poids de la surdité congénitale est un argument plaidant en faveur du dépistage de la surdité en milieu néonatal   Notion de facteurs de risque Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés pour la surdité permanente congénitale (SPC) du nourrisson (tableau 1) :      La prévalence de la SPC est classiquement très élevée dans les groupes à risque, 30 environ. Une politique de dépistage centré sur les seuls enfants à risque conduit à négliger, en période néonatale, environ 50 % surdités congénitales.   Age de prise en charge des enfants en l’absence de dépistage en milieu néonatal L’enquête européenne de 1979 (Martin, 1981) est très informative, et reste malheureusement d’actualité.   Délai de diagnostic Pour 13,5 % des enfants, il n’y a pas eu de délai notable entre le moment de la suspicion et celui de la confirmation de la surdité ; dans 25 % des cas, le délai entre ces deux dates était inférieur à 6 mois ; dans 15,5 %, il était compris entre 6 et 12 mois ; dans 10 % des cas, il était compris entre 12 et 18 mois, et dans 8 % entre 18 et 24 mois. Seulement 50 % des enfants ont eu confirmation de leur perte auditive avant leur 3e anniversaire. « Seulement 50 % des enfants ont eu confirmation de leur perte auditive avant 3 ans. » Délai d’appareillage Le délai entre le diagnostic et l’appareillage était inférieur à 1 mois dans 21,8 % des cas, compris entre 1 et 6 mois dans 17,8 % et compris entre 6 et 12 mois dans 10 % des cas. L’âge à l’adaptation audioprothétique réelle était encore plus élevé : seuls 70,6 % des enfants ont été appareillés avant l’âge de 6 ans. Ce retard à la prise en charge des enfants sourds en l’absence de dépistage néonatal est préjudiciable car l’intervention thérapeutique (audioprothèse, orthophonie, guidance parentale) ne se fait pas à un stade précoce, au moment où la plasticité cérébrale est la plus développée. « Seuls 70,6 % des enfants ont été appareillés avant l’âge de 6 ans. »   La prise en charge précoce des enfants sourds se justifie-t-elle ? Sur quels arguments peut-on affirmer que la prise en charge précoce des enfants est un facteur de bon pronostique sur l’élaboration du langage oral ? Les études sont difficiles à analyser et à synthétiser car il n’existe pas d’études randomisées (ce serait non éthique), et car la prise en charge des enfants est multifactorielle. Cependant, la littérature plaide pour une prise en charge précoce.   Impact sur le développement du langage Il existe une corrélation positive entre l’âge à l’identification de la surdité et de sa prise en charge et le développement du langage. La précocité de l’adaptation des aides auditives apparaît comme un facteur statistiquement significatif et favorable à l’émergence du babillage canonique. Yoshinaga-Itano et coll. (1998) rapportent une étude portant sur 72 enfants diagnostiqués et pris en charge avant l’âge de 6 mois, comparés à 78 enfants diagnostiqués et pris en charge après cet âge. L’évaluation a porté sur les capacités cognitives et sur le développement du langage dans son versant expressif et en compréhension (Minnesota Child Development Inventory et Mc Arthur Communicative Development Inventory). Les résultats sont significativement meilleurs dans le groupe pris en charge avant 6 mois. Un enfant né dans un hôpital où existe un programme de dépistage de la surdité a 2,6 fois plus de chance d’avoir un développement du langage dans un intervalle proche de la normale qu’un enfant né dans un hôpital où un tel programme n’existe pas.   Meilleure efficacité de l’implant cochléaire L’efficacité de l’implant cochléaire chez l’enfants sourds profonds congénitaux est d’autant plus importante que celle-ci est réalisée précocement. Cela plaide fortement pour un dépistage de la surdité en milieu néonatal, de manière à ce que les enfants candidats à l’implant puissent être identifiés et soumis à bilan très rapidement.   Les outils du dépistage ? L’apparition d’outils automatisés permettant d’apprécier des critères de normalité d’un seuil auditif en période néonatale a été le facteur déclenchant du développement des programmes de dépistage de la surdité en milieu néonatal. Ces outils sont au nombre de deux : les otoémissions acoustiques (OEA) et les potentiels évoqués auditifs (PEA). Les otoémissions acoustiques automatiques La présence des otoémissions provoquées est inférieure à 70 % chez le nouveau-né‚ testé à J0. Ce pourcentage s’élève rapidement les jours suivants, conditionnant le moment optimal de réalisation du test. Cela est lié à plusieurs facteurs : débris obstruant le conduit auditif externe, malléabilité du conduit auditif externe, épanchement passager dans l’oreille moyenne. Différentes études font état de chiffres de sensibilité, spécificité, faux positifs et vrais positifs (tableau 2).     Les taux de couverture après mise en place d’une stratégie de dépistage par OEA automatisées, avec des appareils de dernière génération, se situent aux alentours de 91,5 %. Le taux d’échec du dépistage initial est de 13 % et tombe à 1,64 % après retest par les OEA. Ainsi les OEA présentent une sensibilité et une spécificité bonnes, les taux de faux positifs peuvent être ramenés à des valeurs acceptables si des précautions dans la formation des personnels et dans la passation des examens sont prises. Les appareils d’OEA sont maintenant automatisés, les courbes ne s’affichent pas, permettant la réalisation de ces tests de manière rapide par un personnel moins qualifié que le personnel médical. Des algorithmes d’analyse des courbes permettent de considérer l’oreille testée comme ayant réussi ou échoué le test.   Les potentiels évoqués automatiques Classiquement, l’enregistrement des potentiels évoqués auditifs est plus long que celui des OEAA. Cependant, entre 1995 et 1998, le temps moyen d’enregistrement a été réduit de 15 min 20 s à 9 min 1 s (valeurs extrêmes : 4 min 20 s à 25 min 2 s). Par ailleurs, la technologie de l’enregistrement des PEA avec des appareils utilisant des algorithmes de recueil automatique (PEAA) autorise leur utilisation dans une optique de dépistage par des non-spécialistes, ce qui devrait réduire les temps de passation et les coûts de fonctionnement. La sensibilité et la spécificité des PEAA sont très acceptables : 90 % pour toutes les deux ; le taux de faux positifs est de 93 % et la valeur prédictive positive de 28 %. Les PEAA se caractérisent par un faible pourcentage de faux positifs, limitant ainsi : les deuxièmes examens, les enfants référés pour diagnostic audiologique du seuil, l’inquiétude générée auprès des parents par l’annonce d’un échec au test de dépistage, voire un résultat douteux, et le taux de perdus de vue.   Les appareils combo Dans les maternités d’enfants non à risque « well-babies clinics » le choix entre OEA et PEAA est difficile. Aujourd’hui, une nouvelle génération d’appareils disponibles sur le marché permet de réaliser dans le même temps le recueil des PEAA et des OEA. Ces appareils combo sont l’Accuscreen® (Madsen) et le GSI Audioscreener® (Grason Stadler) (figures 1 et 2). Conclusion Il est temps que notre pays rattrape son retard dans le domaine du dépistage universel de la surdité en période néonatale. Les choix financiers doivent être influencés par une prise de conscience du personnel politique. Cet effort doit initialisé par les professionnels de la santé, en favorisant la démarche « bottom-up », c'est-à-dire que les programmes locaux doivent permettre d’influencer la prise de décision des politiques à un niveau national. À notre sens, ne pas se préoccuper du seuil auditif d’un enfant à risque doit être considéré comme une perte de chance. Ne pas se préoccuper de l’audition d’un enfant sans facteur de risque est un choix politique de moins en moins partagé dans la communauté des pays développés.

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