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Nutrition

Publié le 13 sep 2010Lecture 10 min

Apports en protéines dans les laits pour nourrissons et dans les laits de suite

J.-P. OLIVES - Hôpital des Enfants. CHU Toulouse

Combien de protéines ? Quelles protéines ? Quand ? Comment ?… Beaucoup trop de questions et peu de certitudes. En pratique, il est surtout question de bons sens et d’un grand besoin de preuves scientifiques et donc d’études cliniques de qualité bien conduites ! 

 
Il est surprenant de constater que plus de 10 ans après la publication de l’article de B. Beaufrère au nom du comité de nutrition de la Société française de pédiatrie, la situation et la problématique concernant les protéines, la composition et l’utilisation des laits infantiles soient totalement inchangées, et que l’introduction de cet article soit toujours aussi pertinente et d’actualité : « Le besoin en protéines, base des conseils les plus courants qu’un pédiatre est amené à donner, varie dans d’importantes proportions selon l’époque de son évaluation ou le comité d’experts consulté. La situation est encore compliquée par la fréquente confusion entre besoins et apports recommandés. » (1) En revanche, ces dernières années, de nombreuses données ont été apportées mettant en évidence une relation très probable entre l’alimentation précoce des premières semaines de vie et les conséquences sur la santé et la survenue de maladies nutritionnelles à l’âge adulte. Les théories de la programmation nutritionnelle qui suggèrent l’effet d’un facteur alimentaire intervenant à un moment nommé « fenêtre critique » ou « fenêtre d’opportunité » ont incriminé l’excès d’apport protéique pendant la première enfance comme étant statistiquement en relation avec une plus grande fréquence de l’obésité, du diabète ou de maladies cardiovasculaires dans certaines populations à l’âge adulte (2,3). Enfin la composition en protéines des laits pour nourrissons, leur nature et leur origine jouent certainement un rôle en association avec les conditions de la diversification alimentaire (précoce ou tardive et brutale ou progressive) dans le déclenchement ou au contraire la protection contre la survenue de manifestations allergiques.   Besoins en protéines chez le nourrisson normal Les besoins en protéines du nourrisson et de l’enfant correspondent à la somme des besoins pour la maintenance et pour la croissance, c’est-à-dire les besoins en azote et en acides aminés essentiels indispensables pour permettre l’accroissement régulier de la taille et du poids, et cela sans compromettre l’homéostasie du milieu intérieur ni dépasser les capacités d’excrétion des déchets du foie et du rein. Les apports recommandés varient bien sûr en fonction de chaque classe d’âge ; par ailleurs il est plus correct de parler à l’heure actuelle d’apports de sécurité, plutôt que d’apports recommandés (1). Les recommandations varient aussi nettement selon l’époque, le pays concerné, et le comité d’experts qui les a formulées. D’une manière générale dans la majorité des pays, ces apports sont revus à la baisse depuis quelques années, du fait de la prise en compte de différentes façons de calculer les besoins individuels. Il est ainsi possible de déterminer les besoins totaux en protéines, et tenant compte des variations constatées entre les individus, de cerner l’apport dit « de sécurité » pour chaque tranche d’âge. Ce dernier correspond en fait aux besoins moyens pour la tranche d’âge de la population concernée, auxquels a été rajoutée chaque fois la valeur de deux écarts types. Ainsi, un certain nombre d’auteurs ont proposé des recommandations, plus basses que par le passé (1,4). L’apport de sécurité serait ainsi voisin de 10 g/j les deux premières années de vie et de 12 g/j entre 2 et 3 ans (1). Quand on considère les apports protéiques chez les enfants nourris au sein, on s’aperçoit alors qu’ils sont nettement inférieurs aux apports définis comme de sécurité cités plus haut. Par nécessité et prudence, les apports de sécurité sont surestimés, il est donc important de se tourner vers le modèle du lait maternel. Depuis quelques années, la majorité des pays ont revus à la baisse les apports protéiques pour les nourrissons.   Le modèle du lait de femme Si l’on utilise le modèle du lait de femme pour définir la quantité optimale de protéines et d’acides aminés essentiels (AAE) à fournir à un nourrisson de moins de 6 mois, on arrive — en tenant compte de l’apport protéique moyen du lait maternel (9 g/l), de la composition des différentes protéines en acides aminés, et du fait qu’une part importante (20 %) de l’azote du lait maternel est sous forme non protéique (urée) et moins riche en peptides, acides aminés libres et nucléotides — à un apport protéique moyen au cours de cette période de 7 à 8 g/j (5). Cela correspond de ce fait à un apport protéique qui diminue entre la naissance et 6 mois de 2 g à 1 g/kg/jour, et qui n’excède pas 5 à 6 % de l’apport énergétique total. Des nombreuses études faites sur les quantités de lait consommées par des enfants nourris au sein de leur mère, il ressort que l’apport de 7 à 8 g/j de protéines est remarquablement constant pendant les 6 premiers mois de vie et qu’il est parfaitement suffisant pour couvrir les besoins en azote et AAE. En conséquence, le besoin moyen et les recommandations qui en ont découlé ont depuis toujours été largement surestimés. Cependant, il n’est pas impossible que les besoins et l’utilisation métabolique chez des nourrissons normaux nourris avec des laits industriels soient différents et puissent être légèrement supérieurs. L’apport de 7 à 8 g/j de protéines pendant les 6 premiers mois de vie est suffisant pour couvrir les besoins en azote et acides anminés essentiels.   Sources et quantités de protéines dans les laits infantiles Le lait maternel est constitué pour moitié de lactosérum (6 g/l). Le reste est représenté par l’alphalactalbumine (3,5 g/l), la lactoferrine (1,5 g/l), la caséine (4 g/l) et les immunoglobulines (1-2 g/l), principalement des immunoglobulines A sécrétoires (IgA) et, dans des proportions moindres, des IgG et IgM. La glande mammaire humaine ne fabrique pas de bêtalactoglobuline, cependant si la mère ingère du lait vache ou des produits laitiers d’origine bovine, des fractions allergisantes de lactoglobuline bovine peuvent être présentes dans le lait maternel. Les protéines du lait de vache forment un ensemble assez complexe constitué de 80 % de caséines, c’est-à-dire l’ensemble de protéines précipitables à pH 4,6 (ou sous l’action de la présure en présence de calcium) et d’environ 20 % de protéines solubles (lactalbumines, lactoglobulines, sérum albumines, immunoglobulines). Sur l’ensemble, 10 % des protéines du lait (sérum albumines, immunoglobulines) proviennent directement du sang. Dans les laits industriels, les rapports entre caséine et protéines solubles varient entre 60/40 et 80/20. La teneur en protéines totales peut varier, suivant les marques et les laits pour nourrisson et les laits de suite, entre 1,2 g/100 ml et 1,8 g/100 ml. Ces chiffres ne concernent que le nourrisson normal, certains laits spéciaux (pour prise en charge de diarrhées par exemple peuvent contenir jusqu’à 2,3 g/100 ml). Enfin, pour les prématurés, qui constituent une population à part avec des besoins très spécifiques, certains laits ont des taux de protéines supérieurs à 3 g/100 ml. Actuellement les laits industriels sont fabriqués à partir de protéines du lait de vache ou de protéines végétales (soja ou riz). Quelle que soit la nature de la protéine d’origine, que les protéines soient hydrolysées ou apportées sous forme de solution d’acides aminés, la valeur énergétique est la même : 1 g de protéine apporte 4 kilocalories. Toutes les études de développement avant la mise sur le marché d’une formule montrent que la croissance des enfants est normale et que l’apport en acides aminés est largement suffisant pour couvrir les besoins essentiels.   Apports en protéines et maladies nutritionnelles Les données sur les conséquences éventuellement défavorables d’un excès de protéines chez l’enfant sont encore insuffisantes, bien qu’un certain nombre de « pistes » concordent dans ce sens. Certaines études ne montrent aucune corrélation entre l’indice de corpulence et l’apport protéique dans une population qui, en moyenne, consomme plus de protéines et de graisses que les apports recommandés et moins d’hydrate de carbone (6). Entre 0 et 12 mois, la comparaison d’enfants nourris avec des formules dont la teneur en protéines allait de 13 à 18 g/l révèle que l’augmentation de l’apport protéique — qui atteignait en moyenne 2,73 g ± 0,25 g/kg/j à 12 mois — n’a pas eu de conséquence délétère sur la croissance (7). Dans cette étude, il faut bien souligner que les apports énergétiques et lipidiques étaient strictement identiques dans les deux groupes étudiés et que seul l’apport protéique variait. À l’évidence, il conviendrait de vérifier l’existence de cette relation par des études longitudinales, à défaut de pouvoir réaliser des études établissant un lien de causalité, c’est-à-dire imposant initialement un apport protéique et regardant l’évolution à moyen et long termes. Des constatations presque identiques ont été faites avec le diabète et les maladies cardiovasculaires, tant en expérimentation animale avec des mammifères que dans des études épidémiologiques chez l’homme. Les quantités moyennes de protéines ingérées pendant les premiers mois de vie sont statistiquement corrélées à la survenue de ces maladies, de plus dans les groupes étudiés l’allaitement maternel et sa prolongation audelà de l’âge de 6 mois sont incontestablement un facteur de protection (8). L’allaitement maternel et sa prolongation au-delà de l’âge de 6 mois sont incontestablement un facteur de protection.    Alimentation lactée, diversification et allergie alimentaire Les relations entre l’alimentation lactée, la nature des protéines, l’introduction des allergènes et les modalités de la diversification alimentaire restent encore un peu confuses. Après l’apparition de multiples préparations lactées pour nourrisson avec des protéines partiellement ou extensivement hydrolysées, enrichies en pré- ou probiotiques (ou les deux), après des dates de diversification recommandées vers l’âge de 4 mois, puis repoussées ensuite au-delà de l’âge de 6 mois, le pédiatre et les familles restent un peu désorientés. Les choses se compliquent encore si on sépare les recommandations pour les enfants à fort risque d’atopie et les nourrissons présumés sans risque allergique. La publication récente des recommandations des comités de nutrition de la Société européenne de gastroentérologie et nutrition (ESPGHAN) et de la Société française de pédiatrie précisent un peu plus clairement les choses et fixent, au moins pour un temps, les nouvelles règles (voir encadré).    En pratique, on retiendra  En l’état actuel des connaissances, il paraît raisonnable de proposer pour les nourrissons « normaux », en bonne santé, d’utiliser des laits contenant entre 1,2 et 1,4 g de protéines pour 100 ml.  L’allaitement maternel doit être favorisé et si possible prolongé pendant les premières semaines de la diversification alimentaire, celle-ci devant préférentiellement être conduite de façon progressive entre 4 et 6 mois.  

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