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Syndromes et maladies rares

Publié le 24 fév 2013Lecture 7 min

Myosites inflammatoires de l’enfant : quand évoquer le diagnostic ?

B. BADER-MEUNIER, Service d’immunologie et rhumatologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants malades, Paris
Les myosites inflammatoires de l’enfant sont rares et comportent essentiellement la dermatomyosite juvénile (DMJ) (85 % des cas) et, plus rarement, une myosite de chevauchement (3-10 %) ou une polymyosite (2-5 %). L’atteinte cutanée présente dans la grande majorité des cas est l’élément clé pour orienter le diagnostic. La prise en charge de ces pathologies est multidisciplinaire et souvent difficile.
La dermatomyosite juvénile (DMJ)   La DMJ est la myosite inflammatoire la plus fréquente chez l’enfant. Elle se caractérise par une atteinte inflammatoire non infectieuse des muscles et de la peau liée à une vascularite qui représente l'élément physiopathologique prédominant. Elle peut être très sévère et ses complications sont nombreuses. L'âge médian de début des dermatomyosites de l’enfant est de 7 ans environ, mais la maladie commence avant l’âge de 4 ans dans un quart des cas. Il s’agit d’une maladie rare, dont l'incidence a été estimée entre 3 et 4 cas par million d'habitants aux États-Unis et en Grande Bretagne. Contrairement à ce qui est observé dans les DM de l’adulte, l’association à un cancer est exceptionnelle chez l’enfant. Le diagnostic repose sur l’association d’une atteinte musculaire et cutanée, et est porté suivant les critères de Peter et Bohan, bien que leur sensibilité et spécificité n’aient pas été validées chez l’enfant (tableau). Il est orienté essentiellement par un examen clinique rigoureux, à la recherche de signes cutanés caractéristiques, même minimes. Les examens complémentaires sont d’intérêt variable, et les enzymes musculaires sont normaux dans 10 % des cas environ. La biopsie musculaire doit être systématique en l’absence d’atteinte cutanée ou en présence d’atypie.   Les signes cliniques caractéristiques Le début de la maladie est le plus souvent progressif, insidieux. Plus rarement, des complications aiguës peuvent être révélatrices et nécessiter un traitement urgent. L’examen clinique est essentiel pour orienter le diagnostic en raison de l’association de signes cutanés à l’atteinte musculaire. ● L’atteinte musculaire est proximale, prédominant au niveau du tronc, de la ceinture scapulaire et de la ceinture pelvienne. Elle se développe de façon symétrique et se manifeste par des difficultés à monter une marche, à se lever d'une chaise sans l'aide des bras pour se mettre debout (signe du tabouret, signe de Gowers), à se relever d'une position accroupie, à se relever du plan du lit en position allongée. Le bilan de l'atteinte musculaire doit se faire selon une échelle standardisée (CMAS [Childhood myositis assessment scale], MMT [Manual muscle testing]). Une douleur à la pression des masses musculaires est possible, mais elle n'a généralement pas l'intensité de celle observée au cours des myosites aiguës. Une sensation de fermeté musculaire témoigne de la participation oedémateuse. Dans les formes graves, la faiblesse musculaire est diffuse, atteignant également les muscles distaux. Dans ces formes, une atteinte des muscles lisses est possible entraînant des troubles de la déglutition et une voix nasonnée. Les risques de fausse-route sont alors importants. ● Les signes cutanés sont caractéristiques de la DMJ. Ils sont d'intensité variable, parfois très discrets et à rechercher attentivement devant un déficit musculaire. Ces signes caractéristiques sont : une coloration érythémateuse, voire violacée des paupières supérieures, un érythème fréquent des pommettes, parfois du front et des tempes, d’aspect rouge violacé « héliotrope » (figure 1), des lésions maculopapuleuses, érythémateuses et/ ou squameuses en regard des faces d'extension des articulations, en particulier des articulations interphalangiennes proximales (nodules de Gottron) (figure 2), des coudes (figure 3) et des genoux. L’existence de télangiectasies périunguéales, parfois visibles à l'œil nu, et de télangiectasies gingivales est également évocatrice du diagnostic. D’autres lésions moins spécifiques peuvent être présentes : érythème squameux, ulcérations, phénomène de Raynaud, poïkilodermie, formes oedémateuses.   Figure 1. Rash héliotrope. Figure 2. Nodules de Gottron en regard des articulations métacarpophalangiennes.     Figure 3. Lésions érythématosquameuses en regard des coudes.    Les autres atteintes Elles comportent : – une atteinte articulaire fréquente (23-58 % des cas) ; – une atteinte cardio-pulmonaire (dyspnée, pneumopathie interstitielle, atteinte cardiaques infraclinique, troubles de conduction) ; – une atteinte digestive parfois très sévère (dysphagie, ulcérations, perforations, hémorragies digestives, malabsorption). La fièvre est absente ou modérée. Rarement, des formes aiguës peuvent être révélatrices : formes œdémateuses, fuite capillaire, hémorragie, perforation digestive, atteinte myocardique, dyspnée aiguë ou microangiopathie thrombotique.   Les examens complémentaires Ils sont d’un apport variable pour le diagnostic. • Examens biologiques : – le syndrome inflammatoire est absent ou modéré ; – les auto-anticorps sont présents dans 40 % des cas environ (FAN surtout) ; – l’élévation d’au moins un enzyme musculaire (CPK, aldolase, LDH, ASAT) est fréquente, mais non constante (absente dans 10 % des cas environ). • Électromyogramme : il est peu réalisé et montrerait une atteinte myogène. • Imagerie par résonnance magnétique (IRM) : elle est utilisée de façon récente avec une bonne sensibilité pour mettre en évidence une atteinte inflammatoire musculaire et des fascia. • Capillaroscopie : elle peut montrer un épaississement des capillaires du pourtour unguéal, avec une raréfaction des anses, des hémorragies et des mégacapillaires ; cet aspect n’est cependant pas spécifique de la DMJ. • Biopsie musculaire : elle doit être systématique en cas de signes cutanés absents ou peu typiques. Dans les autres cas, son indication, systématique ou non, diffère selon les équipes. Elle montre quatre types de lésions, communes à la DM, aux myosites de chevauchement et à la myosite lupique : – atteinte inflammatoire : inflammation périmysiale, endomysiale ; périvasculaire, avec présence de lymphocytes et de macrophages ; – atteinte vasculaire : perte capillaire, épaississement de l’endothélium artériel/artériolaire ; – atteinte musculaire : régénération/ dégénérescence/atrophie des fibres musculaires, réexpression des molécules HLA classe 1 ; – fibrose endo- et périmysiale. Formes cliniques purement cutanées Il existe des formes purement cutanées, appelées improprement « dermatomyosite amyopathique ». Elles se manifestent par des lésions caractéristiques du visage, des nodules de Gottron et autres signes de vascularite, et une absence totale de manifestations musculaires cliniques initiales. L’évolution se fait dans quelques cas vers l’apparition ultérieure d’une atteinte musculaire.   Autres myosites inflammatoires de l’enfant Les autres causes de myosite inflammatoire sont plus rares chez l’enfant. Elles comprennent : • les myosites de chevauchement, caractérisées par l’association de signes cliniques et biologiques présents dans le lupus systémique, la sclérodermie et la DM. Les signes cutanéo-muqueux sont donc très fréquents et leur recherche rigoureuse oriente également souvent le diagnostic. • La polymyosite, rare chez l’enfant. Elle se manifeste par un déficit musculaire proximal et distal, souvent associé à une atteinte articulaire. La biopsie musculaire est indispensable dans ces deux types de myosite.   Prise en charge La DMJ est une pathologie sévère entraînant des séquelles dans 60 % des cas . Elle nécessite une prise en charge pluridisciplinaire spécialisée. Le traitement repose sur une corticothérapie à fortes doses initialement, associée d’emblée pour certains à un traitement par méthotrexate qui permettrait une épargne cortisonique. D’autres traitements se discutent en fonction de l’évolution : ciclosporine, mycophénolate mofétil, rituximab, cyclophosphamide, perfusions d’immunoglobulines polyvalentes, hydroxychloroquine. La photoprotection est indispensable. Un essai randomisé, initié par la PRINTO (Paediatric Rheumatology INternational Trials Organization) en 2008, compare un traitement par corticoïdes seuls, une association corticoïdesméthotrexate et une association corticoïdes-ciclosporine. Des échanges plasmatiques sont indiqués dans certaines formes aiguës. L’association à une rééducation, pour prévenir les attitudes vicieuses et permettre un renforcement musculaire, est indispensable.   Conclusion Le diagnostic de myosite inflammatoire est donc très souvent orienté par la recherche attentive d’une atteinte cutanée, concernant notamment les mains, les paupières, les coudes, les genoux et la bouche. Le traitement est parfois urgent et doit être posé en lien avec une équipe spécialisée.

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