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Endocrinologie-Diabétologie

Publié le 29 oct 2012Lecture 11 min

Traitement par hormone de croissance : que dire aux familles ?

M. COLLE, Bordeaux
Tout comme pour l’annonce d’une maladie, le temps du démarrage d’un traitement de longue durée comme l’hormone de croissance (GH) est unique, essentiel et fondateur. Il marque à tout jamais l’imaginaire du patient et de ses proches. C’est dire l’importance des paroles et des informations qui seront données pour la compréhension d’un traitement dont l’observance est primordiale, à travers notamment les projections parentales et la relation qui se crée entre l’enfant, ses parents et le traitement.
Ce traitement est-il vraiment utile ? Un traitement par hormone de croissance (GH) est indiqué dans deux circonstances : – lorsque l’enfant présente un déficit en GH, le traitement sert à remplacer la quantité de GH que son organisme ne fabrique pas. Ce traitement est alors indispensable, non seulement pour que la croissance de l’enfant reprenne et se poursuive harmonieusement, mais aussi pour que son organisme fonctionne au mieux de ses capacités ; – ce même traitement peut aussi être appliqué alors même que l’enfant ne présente pas de déficit en GH, lorsque l’on juge que, dans certaines situations (enfant né petit pour le terme, syndrome de Turner), la taille actuelle de l’enfant est réellement trop petite et qu’il se dirige vers une taille adulte qui sera certainement insuffisante. Dans ce cas, l’objectif principal du traitement est de permettre à l’enfant de grandir au plus près des autres enfants de son âge et d’arriver à la meilleure taille adulte possible, compte tenu de son hérédité.   Ce traitement n’est-il pas dangereux ? Les traitements par GH sont appliqués depuis plus de 40 ans. Dans une première période allant jusqu’à 1985, l’hormone de croissance était extraite d’hypophyses de cadavres et ce type de préparation a entraîné malheureusement des cas de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. On peut expliquer aux parents que ce n’est pas l’hormone de croissance elle-même qui a rendu ces enfants malades, mais les particules virales qui avaient été accidentellement transmises lors des injections. Depuis 1986, seule la GH de synthèse est utilisée en France ; elle ne peut en aucun cas transmettre cette maladie grave. Avec un recul de 25 années de traitement par GH synthétique, on ne connaît pas d’effets secondaires graves. Cependant, comme pour tout autre thérapeutique, le risque zéro n’existe pas et les médecins prescripteurs doivent informer les patients de l’avancée des connaissances en la matière. Même si elles ne sont pas toujours exprimées, les questions que se posent en général l’enfant et ses parents méritent les réponses appropriées.   Les autres questions les plus fréquentes ● Que doivent surveiller les parents au début du traitement ? Les rares effets secondaires du traitement par GH sont dus à l’effet de rétention de sel et donc d’eau dans l’organisme de certains enfants sensibles. Cela peut donner lieu à la constitution d’oedèmes, dont la traduction la plus impressionnante est la rare hypertension intracrânienne bénigne. Toute inquiétude en début de traitement sur les modifications du comportement de l’enfant doit pouvoir conduire à joindre le médecin prescripteur pour lui en faire part. ● Combien de temps ce traitement va-t-il durer ? Un traitement par hormone de croissance est obligatoirement long, car il doit accompagner toute la croissance de l’enfant. Cependant, chaque enfant est particulier : dans certains cas, le traitement peut s’arrêter, par exemple, au démarrage de la puberté ; dans d’autres cas, il doit être poursuivi jusqu’à la fin de la croissance ; et, dans de rares situations, le traitement devra être poursuivi à l’âge adulte (si l’enfant est profondément déficitaire de façon définitive). ● Comment expliquer à l’enfant la nécessité de ce traitement ? Ce traitement est nécessaire afin qu’il puisse se développer et grandir comme les autres enfants. Bien sûr, ses frères et soeurs ou bien ses camarades n’ont pas besoin de ces injections, mais c’est une chance pour lui de pouvoir bénéficier d’un traitement qui lui permette de grandir et de ne pas rester toujours de petite taille. L’enfant accepte le traitement d’autant mieux que ses parents sont bien persuadés de son utilité et de sa nécessité pour lui. ● Comment faire en pratique pour que le traitement se passe au mieux ? Il faut essayer de créer un rite autour de cette injection : l’heure, le lieu, les personnes présentes, l’histoire que l’on racontera après, etc. Les parents peuvent aussi, au tout début, se faire une injection factice pour montrer à l’enfant que cela ne fait pas réellement mal. Il est souhaitable que chacun des deux parents participe à sa façon aux injections ; si les injections se passent mal avec l’un des deux parents, l’autre doit pouvoir prendre le relais, puis l’enfant fera son choix. ● Est-il vraiment indispensable de faire les injections tous les jours, et que faire lorsque l’enfant part de son domicile pour quelques jours ? La plupart du temps, le traitement est appliqué quotidiennement, car l’hormone de croissance disparaît très rapidement de l’organisme après une injection. Si l’enfant doit s’absenter de son domicile : – on peut trouver une autre personne pour pratiquer les injections à condition de l’avoir formée auparavant à l’utilisation du dispositif injecteur ; – on peut trouver une infirmière, qui sera prise en charge avec une prescription médicale ; – si l’enfant est suffisamment grand, il peut se faire les injections lui-même, avec, au besoin, un certificat médical attestant qu’il est autorisé à pratiquer ces injections ; – si l’enfant ne peut pas partir avec son traitement, on peut « récupérer » les injections non faites, chaque jour sans piqûre étant rattrapé sur les 3 à 4 jours suivants. ● Quels sont les examens de surveillance à effectuer pendant le traitement ? Ceux-ci seront variables en fonction des centres. En général, une simple prise de sang visant essentiellement à doser le taux de IGF-1, ainsi que d’autres hormones en fonction du contexte clinique, sera faite tous les 3 ou 6 mois. Une radiographie de l’âge osseux peut-être aussi réalisée tous les 6 à 12 mois. ● Pourquoi surveille-t-on le taux de IGF-1 ? L’IGF-1, fabriquée sous l’influence de la GH, est la substance qui fait réellement grandir l’enfant. Lors du traitement par hormone de croissance, le taux d’IGF-1 s’élève sous l’influence des injections, ce qui est bon signe. Il convient cependant qu’il ne s’élève pas exagérément pour ne pas créer une hyperstimulation qui ne serait pas naturelle. Par ailleurs, la détermination du taux de IGF-1 peut aider le médecin à adapter la posologie de GH individuellement. ● Cela fait plusieurs années que l’enfant est traité. Est-il vraiment nécessaire de poursuivre le traitement alors qu’il est maintenant de taille normale ? Chez les enfants qui présentent un déficit en hormone de croissance, le traitement reste indispensable, non seulement pour permettre la poursuite de la croissance jusqu’à la taille finale, mais aussi en raison des autres effets de la GH sur le fonctionnement de l’organisme. Chez les enfants qui ne présentent pas un déficit en GH, le traitement permet, dans un premier temps, le rattrapage statural, mais reste ensuite indispensable pour maintenir une croissance normale. ● Est-il possible d’alléger le traitement ? Même lorsque l’enfant a rattrapé son décalage de taille initial, il n’est pas possible de pratiquer moins de six injections par semaine ; le traitement perdrait alors une grande partie de son efficacité. En cas de déficit important, il n’est pas recommandé d’interrompre le traitement en raison de ses effets généraux bénéfiques sur son organisme. Si l’enfant ne présente pas de déficit en GH, il n’est pas interdit de le laisser pendant quelques jours ou semaines sans injections, par exemple pendant les vacances scolaires. L’enfant arrive à sa taille adulte : va-t-on arrêter le traitement ? Le traitement va en effet être arrêté, mais des dispositions différentes seront prises en fonction de la cause de la petite taille de l’enfant. ● En cas de déficit en hormone de croissance, le traitement est arrêté pendant une période de 2 à 3 mois, pendant laquelle de nouvelles explorations hypophysaires vont être réalisées. Si un déficit complet en GH est confirmé, le traitement sera repris, mais à des doses bien plus faibles, non plus dans un but de croissance, mais pour éviter ainsi un certain nombre de troubles que le patient ressentirait tôt ou tard s’il restait sans traitement. En cas de déficit partiel, le traitement par GH ne sera pas repris, mais l’adolescent continuera d’être surveillé. ● En cas de syndrome de Turner ou de retard de croissance intra-utérin, le traitement sera définitivement in- terrompu et la surveillance de l’adolescent(e) sera poursuivie selon des modalités qu’il conviendra d’expliquer. Pour aller plus loin, on peut aborder certains aspects psychologiques avec les familles. Un traitement par hormone de croissance est un projet pour l’enfant. Comme tel, il implique un engagement de la famille et de l’enfant : bâti sur une intervention à long terme, condition de son succès, il implique des exigences et des contraintes. Il s'agit donc de penser son aménagement dans le contexte familial et social.   Qui informer ? ● D'abord et bien sûr, l'enfant qui va être traité : quel que soit son âge, il faut lui en parler en lui expliquant le sens et les modalités du traitement, avec les mots de son âge. Il s'agit d'aider son organisme à grandir et à atteindre toute sa taille. Le traitement est un « plus » nécessaire pour y parvenir. Le traitement sera long parce qu'il accompagne la croissance. On doit lui en expliquer les modalités et les établir avec sa participation. Dès le plus jeune âge, l’enfant aidera à insérer les gestes dans les habitudes et participera à les rendre plus simples : préparation du produit, injection avec un dispositif injecteur (où ? quand ? comment ?). De même, il faut envisager avec lui les différentes situations lorsque les injections n’ont pas lieu à la maison : dans la famille, chez des amis, en sortie scolaire ? ● Les frères et soeurs ne peuvent manquer d'être informés du fait du partage du quotidien. À eux aussi, il faut expliquer le sens et les modalités du traitement afin qu'ils s'en fassent une idée claire qui aidera l'enfant traité à ne pas se sentir à part. Il faut aussi répondre à leurs questions : leur frère/soeur est-il/elle malade ? Le fait qu'il ait un traitement change-t-il quelque chose à leurs rapports, à leurs jeux? Parce qu'il requiert davantage d'attention, est-il pour autant l'objet d'une préférence ? ● La famille élargie, les grands-parents, les oncles, tantes, cousins, qui ont par ailleurs peutêtre participé au débat et aux réflexions des parents. Cette information se fera au cas par cas et en fonction des relations préalables, en ménageant les susceptibilités de chacun. ● La crèche, l'école ? Peut-être les parents jugeront-ils important d’informer le milieu où l’enfant est appelé à vivre une grande partie de son temps. Avant de le faire, il sera nécessaire de le consulter. Il y a des enfants qui préfèrent que leur milieu scolaire, leurs enseignants et les autres enfants ne soient pas informés de leur problème et que leur intimité soit ainsi respectée. D'autres préfèreront une diffusion plus large de l'information : cela leur donnera confiance. En résumé, il s'agit surtout que l’enfant ne se sente pas stigmatisé, tant par sa taille que par le traitement destiné à l'améliorer, et de ne pas renforcer en lui l'opinion selon laquelle être petit est négatif en soi, pour lui ou pour les autres.   Le choix des mots pour le dire Choisir d'en parler, c'est aussi choisir les mots pour en parler et déterminer avec les parents quels registres leurs paraissent les mieux appropriés. Le traitement peut être du domaine de la « complémentation ». Le métabolisme de l’enfant ne parvient pas à suffire à ses besoins de croissance, le traitement est une réponse adaptée. Il se situe entre « soigner » et « prendre soin ». Du fait de sa régularité, il peut être rapproché d'un geste relevant de l'hygiène. Entre handicap et différence, il y a des centimètres qui comptent. Certains parents préfèreront envisager le traitement sous des aspects psychologiques et penser qu'il relève du domaine de la « prévention ». Dans ce cas, il est destiné à éliminer ou atténuer les risques psychologiques et relationnels présents (construction négative de l'image de soi en rapport avec le regard des autres) et les risques futurs (obstacles divers à une réussite, complexe d'infériorité). Pour d’autres, le traitement constitue une réponse au « désir d'être dans la norme ». Ils ont réfléchi à la tyrannie de l'esthétique, à la standardisation des images, ainsi qu'aux limites que la société stigmatise. « Être comme les autres », ou tout au moins le plus proche possible de ce que sont les autres, sans tomber dans le piège qui fait de l'apparence une règle. Ils reconnaissent, d'une part, la pression sociale en faveur d'une haute taille, et d'autre part, l'augmentation de la taille dans la génération actuelle. Ils craignent la survenue d’un décalage entre leur enfant et ses contemporains. Ils souhaitent qu'il aille au mieux de son potentiel.   Conclusion L’acte de prescrire un traitement par hormone de croissance ne se résume pas à la rédaction de l’ordonnance, il comporte la transmission d’informations au patient (enfant et parents) destinée à en faire un partenaire dans cette longue aventure de la croissance.

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