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Endocrinologie-Diabétologie

Publié le 05 déc 2022Lecture 7 min

Organes génitaux atypiques : ce que le pédiatre doit savoir

Claire BOUVATTIER, Endocrinologie pédiatrique, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre Centre de référence des maladies rares du développement génital (DEV-GEN), Le Kremlin-Bicêtre Faculté de médecine Paris-Saclay

La découverte d’organes génitaux atypiques à la naissance nécessite une prise en charge ciblée et rapide. Elle permet d’évaluer le sexe chromosomique de l’enfant et le risque vital éventuel d’insuffisance surrénalienne. Puis des explorations biologiques, radiologiques et génétiques permettront souvent de poser un diagnostic étiologique. Le terme choisi par le législateur français est celui, générique, de variations du développement génital (VDG) pour désigner toutes les situations médicales congénitales où le développement du sexe chromosomique, gonadique ou anatomique est atypique.

On peut trouver dans les VDG toutes les atypies des organes génitaux externes qui vont questionner le sexe d’un nouveau-né à la naissance. La classification de 2006(1) inclut aussi les anomalies du caryotype comme le syndrome de Klinefelter et le syndrome de Turner, hors du propos de cet article. Nous considérerons ici les organes génitaux atypiques découverts en période néonatale, lors de l’examen systématique des organes génitaux du nouveau-né. Cette découverte est, dans tous les cas, porteuse d’une charge émotionnelle importante, à la fois pour le personnel médical (sage-femme, pédiatre de maternité), et pour les parents. Si quelques éléments initiaux de la prise en charge doivent être connus de tous, il est important qu’une information complète soit transmise par des personnes habituées à ce type de situation. Toutes les filles porteuses de VDG auront un diagnostic étiologique, alors qu’une cause ne sera retrouvée que chez seulement la moitié des VDG chez les enfants de sexe masculin. La question du choix de sexe se posera à la naissance chez un petit nombre d’enfants. Les VDG sont des situations cliniques qui engagent le pronostic et la qualité de vie de l’enfant, mais aussi de l’adulte qu’il deviendra (identité, sexualité, fertilité) et de sa famille. Elles nécessitent une prise en charge multidisciplinaire dans des centres experts. Le diagnostic de VDG doit être évoqué, et des explorations pratiquées chez un nouveau-né, devant plusieurs situations : des testicules non palpés et/ou un hypospade proximal (orifice à la base de la verge ou entre les bourses) chez un enfant ayant un aspect masculin ; tout hypospade (même paraissant banal), s’il est associé à une verge courte et/ou qu’il existe une cryptorchidie ou un scrotum bifide ; un aspect « inclassable » des organes génitaux ; une hypertrophie isolée du clitoris, un orifice vaginal non visible ou une fusion postérieure des grandes lèvres chez un enfant ayant un aspect féminin ; des organes génitaux externes féminins avec présence d’une masse unie ou bilatérale dans les grandes lèvres ou les canaux inguinaux, pouvant faire suspecter la présence de testicules. Que faire devant des organes génitaux atypiques ? La première chose à faire est une description anatomique précise. Parfois, certaines VDG vont faire discuter un choix de sexe différent du sexe chromosomique. D’autre fois, le phénotype paraît très masculin, et l’enfant est de sexe féminin (hyperplasie congénitale des surrénales, par exemple). Ceci justifie que le phénotype de l’enfant soit décrit dans des termes indifférenciés. La présence de gonades palpables dans les bourrelets génitaux ou dans le canal inguinal est utile au raisonnement étiologique : si une gonade est palpée, c’est a priori un testicule, et un défaut de virilisation chez un nouveau-né de caryotype 46,XY ou 45,X/46,XY est le plus probable. Si aucune gonade n’est palpée, le nouveau-né est peut-être une fille 46,XX virilisée et le diagnostic d’hyperplasie congénitale des surrénales doit être évalué de façon urgente. L’examen clinique doit être complet et cherchera une dysmorphie, des anomalies squelettiques, rénales, anales ou cutanées. En cas d’impossibilité de dire le sexe, et en attendant un avis spécialisé, il est possible de surseoir transitoirement à la déclaration de l’enfant. En France, un nouveau-né doit être déclaré avant le 5e jour de vie (art. 55 C. civ. issu de la loi du 18 novembre 2016). La déclaration du sexe peut être différée par autorisation du Procureur de la République jusqu’à 3 mois sur présentation d’un certificat médical (art. 57 C. civ. issu de la loi du 2 août 2021).   Un premier bilan à visée étiologique peut être prescrit pour tous les enfants Le diagnostic de sexe chromosomique est urgent et la palpation d’une gonade fait suspecter la présence d’un chromosome Y. En quelques heures, la présence du gène SRY par FISH ou PCR est confirmée ou pas. Le caryotype complet viendra conclure cette analyse. Le dosage de la 17OH-progestérone est indispensable et le résultat du dépistage néonatal ne doit pas être attendu. Il dépiste un certain nombre de maladies responsables d’insuffisance surrénalienne engageant le pronostic vital(2). La testostérone et l’AMH viendront compléter ce bilan, et seront prélevés à la naissance. En effet, les 3-4 premiers mois de vie sont une période d’intense activité gonadotrope, appelée mini-puberté(3). L’échographie pelvienne rechercher a des dérivés müllériens ou des malformations associées.   Pas de gonade palpée : la seule cause urgente et grave est l’hyperplasie congénitale des surrénales La forme la plus fréquente d’hyperplasie surrénalienne est le déficit en 21-hydroxylase (25 filles par an en France) qui fait l’objet d’un dépistage néonatal sur papier buvard. Il s’agit d’une maladie autosomique récessive. Le déficit en 21-hydroxylase entraîne une virilisation chez les filles, l’absence d’atypie génitale chez les garçons et, dans les deux sexes, un risque de syndrome de perte de sel. Le diagnostic est porté chez une fille devant une virilisation plus ou moins complète des organes génitaux externes, mais aucune gonade palpée dans les bourrelets génitaux (figure). Le dosage de 17OH-progestérone affirme le diagnostic sans discussion. La réalisation d’une échographie pelvienne permet d’objectiver la présence d’un utérus, des ovaires et parfois des surrénales trop bien visibles. Les VDG 46,XX qui ne sont pas des hyperplasies congénitales des surrénales sont très rares. Figure. Organes génitaux atypiques chez un nouveau-né 46, XX, porteur d’une hyperplasie congénitale des surrénales.   Une gonade au moins est palpée, le caryotype contient de l’Y, il s’agit d’une VDG 46,XY ou 45,X/46,XY Dans la moitié des cas environ, aucun diagnostic étiologique ne sera porté. La présence ou non de dérivés müllériens à l’échographie pelvienne, et les concentrations d’AMH distinguent les anomalies de la production ou de la réceptivité à la testostérone (AMH normale, pas de dérivés müllériens), des dysgénésies testiculaires où les gonades ont sécrété et sécrètent insuffisamment de testostérone et d’AMH (les dérivés müllériens n’ont pas régressé). Le phénotype est variable, d’un phénotype féminin complet à un hypospade périnéal ou scrotal. Les gonades sont situées dans les bourrelets génitaux, en position plus ou moins haute, dans la région inguinale ou en position abdominale. Il faut noter : la position du méat urétral, l’aspect coudé, qui est fréquent dans les hypospades sévères, l’aspect du scrotum (bifide et implanté au-dessus de la verge, strié ou pas, fusionné ou pas), la position des gonades et leur taille. Des explorations doivent être réalisées chez tous les enfants porteurs d’hypospades sévères (orifice à la base de la verge, et plus en arrière dits proximaux, postérieurs, péno-scrotaux, périnéaux), les hypospades familiaux, et lorsqu’un hypospade est associé à une cryptorchidie unie ou bilatérale, un scrotum bifide, une verge < 20 mm (chez un nouveau-né à terme), une anomalie squelettique, rénale, cardiaque, une dysmorphie(4). Rappelons que tout nouveau-né porteur d’un « hypospade » avec une cryptorchidie bilatérale doit être considéré, jusqu’à preuve du contraire, comme une fille porteuse d’une hyperplasie congénitale des surrénales.   Les VDG 46,XY non hormonaux Des variations sévères du développement génital sont observées dans de nombreux syndromes malformatifs. L’hypospade proximale est aussi une malformation fréquemment retrouvée chez les nourrissons porteurs de retard de croissance intra-utérin, en particulier harmonieux et sévère(4,5).   Conduite à tenir Après avoir expliqué l’atypie aux parents, en employant des mots simples (bourgeon génital, bourrelets génitaux, gonades, organes génitaux atypiques ou d’aspect inhabituel), un transfert rapide de l’enfant dans un centre spécialisé permettra un bilan étiologique complet. La prise en charge des enfants porteurs de VDG est assurée en réunions de concertation pluridisciplinaires, tant pour le diagnostic étiologique que pour les propositions thérapeutiques à faire à la famille, aujourd’hui très discutée (loi de bioéthique du 2 août 2021). Dans notre société si binaire, nous devons réfléchir, parents, médecins, psys et travailleurs sociaux, à ne proposer ni traitement médical ni chirurgical sans la participation, l’assentiment, voire le consentement de l’enfant. Le suivi médical/psychologique pourrait être dédié à la croissance staturo-pondérale, l’évolution spontanée des organes génitaux externes, et la tolérance individuelle, familiale et sociétale (crèche, école, etc.) de cette situation. En période péri-pubertaire, et peut-être avant, un choix sera fait par l’enfant. Nous n’en sommes pas encore là, mais gardons à l’esprit que les débats sur la pluralité des corps et les variations du développement génital sont toujours des débats éthiques et politiques sur l’égalité sociale et sur les moyens de la faire progresser(5,6).      

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