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Publié le 14 oct 2012Lecture 6 min

Tuberculose pelvienne simulant un cancer de l'ovaire chez l'enfant : à propos d'un cas

H. NKHILI, M. ABDELHAK, M.N. BENHMAMOUCH - Service chirurgie infantile, hôpital d'enfant de Rabat (Maroc)
La tuberculose génitale constitue la 4e localisation extrapulmonaire de la tuberculose au Maroc. Dans sa forme pseudo-tumorale, au demeurant rare, elle peut mimer un cancer de l'ovaire par ses aspects cliniques, radiologiques et biologiques peu spécifiques. Nous rapportons ici l'observation d'une enfant de 4 ans initialement hospitalisée dans le service de chirurgie viscérale pour tumeur ovarienne et chez qui la laparotomie et l'histologie extemporanée ont permis de redresser le diagnostic. a tuberculose sévit au Maroc selon un mode endémique, constituant un réel problème de santé publique. La localisation uro-génitale est la 4e localisation extrapulmonaire après les localisations ganglionnaires, digestives et ostéo-articulaires (1,2). La vaccination par le BCG et l'utilisation d'anti-bacillaires efficaces ont permis de réduire considérablement son incidence. Certaines formes inhabituelles, comme les pseudo-tumeurs tuberculeuses peuvent mimer par leur clinique, leur radiologie et leur biologie, des tumeurs ovariennes.
Nous rapportons, ici, un cas de tuberculose urogénitale révélée par une tumeur pelvienne. Observation E. M., enfant âgée de 4 ans et demi, vaccinée par le BCG, est hospitalisée pour tumeur ovarienne gauche. L'interrogatoire ne rapporte pas de notion de contage tuberculeux. La symptomatologie clinique date de 6 mois avec dysurie et prurit, ainsi qu'un épisode de leucorrhée striée de sang, le tout évoluant dans un contexte de conservation de l'état général et d'apyrexie. La palpation abdominale trouve une petite masse mobile et mal limitée de la fosse iliaque gauche. • L'échographie pelvienne révèle la présence d'une masse interutéro- ovarienne discrètement latéralisée à gauche, dont le contenu est anéchogène, impur, mesurant 48 x 34 mm, sans épanchement intrapéritonéal (figure 1). L'ovaire droit est d'allure normale, alors que l’ovaire gauche n'a pas été visualisé. Figure 1. Échographie abdomino-pelvienne : masse inter-utéro-ovarienne à contenu liquidien. • La TDM abdominale confirme la présence d'une masse pelvienne kystique à contenu homogène. Cette masse dont la paroi, régulière, se rehausse intensément après injection, est de siège rétrovésical et latéro-utérin gauche, réalisant une empreinte sur la vessie (figure 2). De petites calcifications interanses sont présentes au niveau du flanc doit. • Les valeurs sériques des marqueurs tumoraux (CA125, αFTP et βHCG) sont normales. Une tumeur ovarienne gauche est suspectée justifiant une laparotomie. L'exploration trouve, dans un environnement d'adhérences sigmoïdo-ovariennes et coecoappendico- ovariennes, deux masses : à droite, une masse rétrovésicale infiltrant le muscle vésical ; à gauche, une masse au dépens d'un utérus augmenté de taille. Une biopsie extemporanée pratiquée sur la masse rétro-vésicale conclut a une tuberculose caséofolliculaire sur un parenchyme ovarien. Après appendicectomie et libération des adhérences, de multiples biopsies ont intéressé les deux masses, les adhérences et l'appendice. Toutes ces biopsies ont objectivé à l'examen anatomopathologique une prolifération épithéloïde et giganto-cellulaire renfermant une nécrose caséeuse. La recherche d'autres localisations tuberculeuses, notamment pulmonaires, a été négative. La patiente a été traitée selon le programme national, pendent 9 mois, par les anti-bacillaires à base de rifampicine (10 mg/kg/j), isoniazide (5 mg/kg/j) et de pyrazinamide (25 mg/kg/j) ; cette dernière a été arrêtée après 3 mois. L'évolution a été favorable avec un recul de 2 ans.   Discussion La forme tumorale de la tuberculose génitale représente 15 % de l’ensemble des localisations pelviennes de la tuberculose (3). L’atteinte tubaire est la plus fréquente, suivie par la localisation cervicale et endométriale. La tuberculose ovarienne est rare, et représente 10 à 30 % des cas rapportés. Elle est souvent associée à une atteinte tubaire et péritonéale (8). Les formes pseudo-tumorales peuvent se rencontrer à tout âge avec une prédominance chez les jeunes femmes de 20 à 30 ans. Figure 2. TDM abdominale : kyste rétro-vésical et latéro-utérin avec réhaussement pariétal après injection. Même si cette forme reste relativement fréquente dans un pays d'endémie comme le Maroc, son incidence régresse au profit des formes dites « muettes » se révélant par une infertilité ou des troubles du cycle.  La contamination de l'appareil génital se fait selon deux voies (4-7) : – par voie indirecte, en particulier hématogène, c’est le cas de notre patiente. Ce sont alors les trompes qui sont contaminées dans un premier temps, avant que le BK ne soit inoculé au reste de l'appareil génital ; – par voie directe, responsable de formes, en règle basses, notamment cervicales ; c’est l’apanage des femmes adultes.  Le tableau clinique est très polymorphe : douleurs pelviennes, tumeur abdomino-pelvienne avec ascite et amaigrissement. L'égarement diagnostique clinique est souvent renforcé par les données de l'imagerie (4). A fortiori lorsque celle-ci montre dans un contexte d'ascite et d'adénopathies pelviennes, des masses ovariennes hétérogènes contenant une portion tissulaire rehaussée par le produit de contraste et infiltrant parfois la graisse, voire les organes de voisinages(9-11). Autant de signes qui peuvent faire évoquer une tumeur de l'ovaire, qui est la tumeur la plus fréquente du tractus génital féminin dans l’enfance (11). Elle représente environ 1 % de toutes les tumeurs malignes entre 0 et 17 ans. Les tumeurs ovariennes les plus fréquement observées sont d’origine germinale. Le dosage des marqueurs tumoraux αFP, βHCG, ACE permet de confirmer la présence de tissu malin dans la tumeur(11,12). Le dosage des marqueurs était normal pour notre patiente. Dans notre cas, l'échographie et le scanner ont montré une masse kystique homogène dont la paroi se rehausse de façon intense.  La laparoscopie peut poser le diagnostic, avec une spécificité de 97 % des cas et apparaît de prime abord comme le meilleur moyen d’avoir une confirmation histologique avec une possibilité de conversion devant l’importance des adhérences dans certains cas(4,10). En pratique, la laparotomie est réalisée d’emblée (comme chez notre patiente) devant la forte suspicion de cancer de l’ovaire(4,8,10).  L’étude histologique des biopsies ou des pièces opératoires permet de redresser le diagnostic en montrant des granulomes giganto-cellulaires avec nécrose caséeuse spécifique au bacille de Koch.   Traitement Cette certitude diagnostique permet d’instaurer, en première intention, un traitement médical à base d’anti-bacillaires que certains associent à une corticothérapie durant les premiers mois dans le but de diminuer la fibrose et permettre une meilleure pénétration des antibiotiques (1,7). Dans notre cas, le jeune âge de l’enfant impose la prudence quant au maniement des corticoïdes. Les tentatives d’exérèse favoriseraient les poussées évolutives et exposent au risque de fistules digestives. Les indications chirurgicales se limitent donc aux formes macrolésionnelles ne répondant pas à un traitement bien conduit. L’intervention peut aller d’une simple annexectomie à une hystérectomie totale (7). • La tuberculose génitale pseudotumorale n’est pas mortelle. La guérison clinique est la règle grâce au traitement anti-bacillaire. La fertilité ultérieure de ces malades est compromise dans 93 % des cas(1,9).   Conclusion La tuberculose génitale pseudotumorale peut par ses aspects cliniques, radiologiques et biologiques simuler un cancer de l’ovaire. Dans un pays d’endémie tuberculeuse comme le nôtre, ce diagnostic doit être évoqué devant une masse pelvienne chez la petite fille. L’histologie, idéalement réalisée sur pièces laparoscopiques, confirme le diagnostic et permet de démarrer une chimiothérapie anti-bacillaire en première intention.

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