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Pédiatrie générale

Publié le 28 sep 2023Lecture 6 min

Retards de croissance : et si c’était une maladie rare ?

Denise CARO, Boulogne-Billancourt, d’après les communications de J. Neveu (CHU Lenval, Nice), S. Pichard (Necker, Paris) et de J. Do Cao (Antoine Béclère, Clamart)

Une surveillance régulière de la croissance fait partie du suivi systématique de tous les enfants : au minimum tous les 3 mois jusqu’à l’âge de 2 ans puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de la croissance. Un retard de croissance peut être le signal de très nombreuses pathologies, dont certaines rares mais auxquelles il faut savoir penser.

Des courbes de croissance réactualisées figurent dans le carnet de santé des enfants depuis le 1er avril 2018. Outre des poids et tailles de référence, ces nouvelles courbes comportent la taille cible (calculée en fonction de la taille des parents), un repérage de la période pubertaire (stades de Tanner), des courbes différenciées en fonction du sexe pour la taille et le poids jusqu’à 3 ans, et pour le périmètre crânien jusqu’à 5 ans, ainsi que davantage de couloirs de croissance pour mieux suivre les trajectoires individuelles. Le retard de croissance est dé fini par une taille < - 2 DS pour l’âge et le sexe ou par une taille < - 1,5 DS de la taille cible parentale, ou encore par un ralentissement de la vitesse de croissance. Toutefois, 2,5 % des enfants « normaux » ont une petite taille constitutionnelle (< - 2 DS). Une petite taille est un motif de consultation fréquent en pédiatrie. Ses causes sont multiples. L’analyse des courbes staturopondérales, associée à l’anamnèse et à l’examen clinique, permettent d’orienter le diagnostic. Certains signes doivent orienter vers une maladie rare, telle qu’une maladie de surcharge lysosomale.   Maladie de Niemann-Pick   Illustration avec le cas de Paul, vu en consultation à Necker à l’âge de 9 ans avec une taille < 2,7 DS (avec une taille cible normale). L’histoire clinique révèle la découverte d’une hépatomégalie (HPM) à 2 ans, une élévation des transaminases à 6 ans et une cassure de la courbe de taille à 7 ans. À l’examen, on retrouve une HPM avec un foie dur à 10 de flèche hépatique, une splénomégalie (SPM) avec 7 cm de débord, un âge osseux de 7 ans pour un âge chronologique de 11 ans et 9 mois, des transaminases élevées (ASAT 200, ALAT 248, GGT 33) et une dyslipidémie (cholestérol LDL = 3g/l ; TG = 1,8g/l ; HDL bas). La biopsie hépatique pratiquée montre des signes de surcharge de type « cholesterol ester storage disease » avec microstéatose. La poursuite du bilan met en évidence une mutation du gène responsable de la maladie de Niemann-Pick A-B, des oxystérols élevés et une activité basse de la sphingomyélinase. Le diagnostic de maladie de Niemann-Pick (NP) B est posé. Il s’agit d’une maladie de surcharge lysosomale par déficit en sphingomyélinase acide, qui touche 0,5/100 000 naissances et dont la transmission est autosomique récessive. Elle se manifeste par une atteinte neurologique (déficit cognitif, ataxie, neuropathie périphérique), des complications cardiaques du fait du profil lipidique athérogène, une HPM et SPM avec élévation des transaminases, une atteinte pulmonaire (pneumopathie interstitielle diffuse et trouble des échanges gazeux), des troubles de la croissance (retard pubertaire, douleurs osseuses, ostéopénie et fractures osseuses) et des anomalies hématologiques (thrombopénie, anémie). Il existe deux phénotypes de gravité différente : la forme NP-A est gravissime précoce et évolutive (le décès survient entre 2 et 4 ans), la forme NP-B débute plus tard dans l’enfance et se limite pendant plusieurs années à une SPM, suivie d’une HPM, d’une élévation des transaminases et de troubles de la croissance ; une pneumopathie interstitielle est possible.   Enzymothérapie substitutive   Le traitement repose sur une enzymothérapie substitutive, sous la forme de perfusion IV d’olipudase alpha tous les 15 jours avec une escalade des doses. Les premiers résultats à 52 semaines de l’étude de phase I/II ASCEND-Peds, portant sur 12 enfants, montrent une amélioration des signes cliniques (diminution de l’HPSM, baisse des transaminases, amélioration du profil lipidique et de l’atteinte pulmonaire [chez les plus de 5 ans]). La plupart des effets indésirables étaient légers ou modérés, essentiellement des réactions à la perfusion (urticaire, pyrexie, vomissements) survenant dans les 72 heures ; 3 patients ont eu des effets secondaires graves (réaction anaphylactique, élévation des ALAT, urticaire et rash cutané) sans sortie de l’étude.   Maladie de Hurler-Scheie   L’histoire d’Isaac est une autre illustration de l’importance du suivi de la courbe staturo-pondérale pour la détection d’une maladie rare. En effet, la cassure de la courbe de taille de cet enfant de 4 ans a été remarquée au cours d’une hospitalisation pour une pneumopathie oxygéno-requérante. À l’interrogatoire, on apprend qu’Isaac est né à terme, fait des otites à répétition et a un certain retard dans l’acquisition de la marche et du langage. Le bilan endocrinien pratiqué est normal. L’examen clinique retrouve une discrète cyphose, une HPM et une SPM, une hernie ombilicale, des éléments dysmorphiques (cou court, grosses mains), un souffle systolique à 1/6 au foyer tricuspide et un âge osseux de 3,5 ans pour un âge civil de 4 ans. La NFS avec frottis montre la présence de lymphocytes vacuolés et l’analyse d’urine un taux de glycosaminoglycanes (GAG) élevé, signes faisant évoquer un déficit d’activité de l’enzyme alpha-L-iduronase. Le diagnostic de maladie de Hurler-Scheie est posé. Cette mucopolysaccharidose de type 1 (MPS de type1) touche 1 naissance sur 100 000. L’accumulation des glyco saminoglycanes dans les tissus affecte progressivement tous les organes. Normaux à la naissance, les enfants commencent à faire des infections ORL et respiratoires à répétition vers 3 mois. Le diagnostic est rarement établi à cet âge. On y pense plus tard avec la multiplication des signes cliniques, tels que : une dysmorphie faciale (traits du visage épais, macrocrânie, hypoplasie de laracine du nez, cheveux épais drus, macroglossie, anomalies dentaires, peau épaissie), des signes ophtalmologiques (opacités cornéennes, troubles de la réfraction, glaucome, rétinopathie), des symptômes ORL et respiratoires (infections récidivantes, surdité), une atteinte cardiaque (valvulopathies, cardiomyopathie hypertrophique), des troubles gastro-intestinaux (HPM, hernies ombilicales et inguinales récidivantes), des signes ostéoarticulaires (enraidissement, dysostoses multiples, cyphoscoliose, saillie de L1, dysplasie fémorale et cotyloïdiennes, nanisme, mains en griffe), et des signes neurologiques (syndrome du canal carpien, anomalie de la substance blanche et élargissement des espaces de Virshow-Robin à l’IRM, retard mental). On distingue trois phénotypes de gravité variable : la maladie de Hurler (début 4/18 mois, régression psychomotrice, décès avant 10 ans), la maladie de Hurler-Scheie (début vers 3 ans, peu ou pas d’atteinte cognitive, décès 21 ans) et la maladie de Scheie (début 20-30 ans, ± atteinte cognitive, décès âge adulte).   Prise en charge pluridisciplinaire   La prise en charge vise à corriger les différentes atteintes d’organe (antibiotique, chirurgie, corrections optiques, kinésithérapie, psychomotricité, etc.). Une enzymothérapie substitutive peut être proposée sous forme de perfusions IV hebdomadaires à vie. Elle se heurte à plusieurs problèmes : l’enzyme perfusée ne passe pas la barrière hématoméningée (inefficace sur la symptomatologie neurologique), n’a pas d’action sur les symptômes ophtalmologiques, pénètre mal dans l’os et induit l’apparition d’anticorps anti-enzyme. Une greffe de moelle osseuse pourrait être intéressante. L’administration par voie intraveineuse des cellules souches hématopoïétiques permet la production de l’enzyme au niveau de la moelle osseuse et du système nerveux central par le biais des cellules microgliales. Elle a cependant une morbimortalité non négligeable et n’empêche pas l’évolution de certaines manifestations cliniques notamment au niveau squelettique, cardiaque, oculaire, ORL et neurologique. L’enzymothérapie substitutive doit parfois être poursuivie. Quoi qu’il en soit les enfants ayant ou susceptibles d’avoir une maladie de surcharge lysosomale doivent être adressés au centre de référence des maladies métaboliques de la région.   D’après les communications de J. Neveu (CHU Lenval, Nice), S. Pichard (Necker, Paris) et de J. Do Cao (Antoine Béclère, Clamart), au cours d’un symposium organisé avec le soutien des laboratoires Sanofi

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