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Pathologies respiratoires

Publié le 01 déc 2022Lecture 7 min

Impact des épidémies de bronchiolite en pédiatrie ambulatoire

Catherine LAMBERT, Paris

L’épidémie de bronchiolite à VRS n’a pas attendu les mois les plus froids pour s’installer en France. Heurtant de plein fouet un secteur hospitalier en tension, elle n’a pas tardé à déstabiliser la pédiatrie hospitalière. Mais qu’en est-il du retentissement sur la pédiatrie ambulatoire et de l’impact sur les familles ? Membre du bureau de l’AFPA (Association française de pédiatrie ambulatoire), le Dr Fabienne Cahn-Sellem a bien voulu nous éclairer sur ces aspects souvent méconnus, voire négligés, des épidémies de VRS.

Avec l’épidémie de bronchiolite en cours, comment pouvez-vous décrire la situation aujourd’hui en pédiatrie ambulatoire ? Fabienne Cahn-Sellem > Je sais que certains de mes confrères ont été obligés de déprogrammer des consultations afin de prendre les urgences qui se présentaient, d’autant qu’actuellement se conjuguent les épidémies de VRS et de grippe. Pour ma part, je suis parvenue à ne pas déprogrammer, mais j’ai élargi mes plages de consultations en annulant la pose du midi et en continuant plus tard le soir. Chacun de nous a fait ses choix organisati onnels avec un objectif commun : n’adresser à l’hôpital que les enfants qui en ont réellement besoin afin de soutenir et ne pas surcharger nos confrères hospitaliers. À l’AFPA, nous misons beaucoup sur la pédagogie, notamment à travers notre site Mpedia (https://www.mpedia.fr/) destiné aux parents, qui contient de nombreux articles sur la bronchiolite, avec des infographies claires et compréhensibles. Le nombre de vues de l’ensemble de ces articles a pratiquement triplé depuis le 23 octobre dernier. Ce « site source » est également indiqué sur nos répondeurs et les informations sont présentées sur des affiches dans nos salles d’attente. Encore une fois, notre objecti f est d’éviter que les parents se précipitent aux urgences quand ce n’est pas nécessaire. Toutefois il faut être réaliste, notre pays est aujourd’hui un désert médical, y compris en Ile-de-France, et on comprend dans ces conditi ons que les pédiatres ne puissent pas absorber totalement la vague épidémique lorsqu’elle arrive. Nous demandons notamment dans ce contexte de réduire notre charge administrative, à commencer par les certificats qui sont demandés aux parents. Avez-vous rétabli/maintenu les gestes barrières au cabinet, ainsi que la circulation des patients visant à éviter les contaminations ? Fabienne Cahn-Sellem > Quand on regarde les photos des salles d’attentes aux urgences hospitalières, on constate que le risque de contamination est maximal. Les parents sont à côté les uns des autres dans des espaces restreints et bondés. Pour nos cabinets, cela dépend de la configuration, certains d’entre nous ayant plusieurs box ; pour ma part, je n’ai qu’une salle d’examen, mais une grande salle d’attente dans laquelle les parents sont masqués et la fenêtre toujours ouverte, la météo étant jusqu’alors de notre côté. Au total, la promiscuité est moindre dans mon cabinet qu’aux urgences pédiatriques, la circulation de l’air y est assurée et je veille, tant que faire se peut, à ce que la salle d’attente ne soit pas pleine, car je reçois uniquement sur rendez-vous. À votre avis, pourquoi assistons-nous à une épidémie de bronchiolite précoce ? Fabienne Cahn-Sellem > Pour expliquer cela, on peut se référer au concept de dette immunitaire défini par le Pr Robert Cohen et qui a été repris par nos confrères nord-américains. La circulation du VRS ayant été nettement ralentie pendant les confinements, les adultes et les grands enfants ne se sont pas immunisés, ils sont contaminés par VRS qu’ils transmettent aux nourrissons. Il faut d’ailleurs rappeler que le VRS att eint toutes les tranches d’âges et qui si on connaît la bronchiolite du nourrisson, les personnes âgées paient également un lourd tribut à ce virus. Pensez-vous que l’épidémie actuelle est importante et sévère ? Fabienne Cahn-Sellem > Oui, il s’agit d’une épidémie un peu précoce, mais surtout intense qui est montée en puissance très rapidement. Je suis membre du réseau PARI (Panel Ambulatoire de Recherche en Infectiologie) avec ACTIV (Association Clinique et Thérapeutique Infantile du Val-de-Marne), groupe de recherche en infectiologie, et nous utilisons des tests de diagnostic rapide au cabinet. Nous avons constaté à partir de mi-octobre une fréquence croissante de tests positifs au VRS et à Influenza chez les enfants fébriles et/ou avec un wheezing. Cette épidémie est aussi plus importante du fait de l’association des virus car, outre le VRS et l’Influenza, on trouve également de l’adénovirus, de l’entérovirus et du rhinovirus. Pour le VRS, il faut remarquer qu’après un bruit de fond qui s’est maintenu au cours de l’été la saison 2021/2022 a été marquée par une épidémie précoce qui a débuté mi-septembre (semaine 36) et s’est achevée début février (semaine 6)(1). L’intensité de l’épidémie en cours a un peu diminué avec les vacances d’automne, mais nous nous attendons à un pic plus important à partir de la mi-novembre. Faut-il, à votre avis, généraliser ces tests rapides ? Fabienne Cahn-Sellem > Il y a plusieurs intérêts à réaliser ces tests d’utilisation très faciles et qui permettent de détecter la présence de trois pathogènes : SARS-CoV-2, VRS, Influenza. D’abord les parents sont très satisfaits de reparti r avec un diagnostic, ensuite nous pouvons adapter la surveillance des enfants et la prévention des contaminations des plus jeunes, mais aussi des personnes âgées, en particulier les grands-parents. Enfin, grâce à ces tests dont nous obtenons une réponse en temps réel, nous alertons plus rapidement sur l’émergence de l’épidémie, en complément de Santé Publique France dont le réseau de surveillance Sentinelles, dont je fais également partie, adresse les prélèvements au laboratoire et obtient ainsi une réponse plus tardive. Quel est le coût de ces épidémies à l’hôpital mais aussi en ville au regard du surcroît de consultations ? Fabienne Cahn-Sellem > Le coût des hospitalisations a été évalué, mais pas celui imputable à la médecine ambulatoire. On estime ainsi le coût des admissions à l’hôpital pour infections respiratoires à VRS à 116 millions d’euros en moyenne par an(2). Pour ce qui concerne les coûts indirects, les parents sont-ils souvent contraints à arrêter le travail ? Fabienne Cahn-Sellem > Il n’existait pas de données sur cette question, mais l’étude de l’AFPA via son site Mpedia nous en a fournies. Cette enquête a montré que dans la mesure où les enfants ayant une bronchiolite ne peuvent pas être pris à la crèche ou en collectivité avec d’autres enfants, une famille sur cinq a changé son mode de garde lors de la maladie. En moyenne, les parents se sont arrêtés de travailler pendant 5 jours et 13 % d’entre eux ont dû prolonger au-delà de 5 jours. Selon l’activité professionnelle, ces arrêts peuvent être pris sous forme de RTT, ou de jours enfants malades ou de fermetures pour les professionnels libéraux et artisans. Pouvez-vous nous rappeler la méthodologie que l’AFPA a entrepris pour évaluer les retentissements de la bronchiolite sur les familles ? Fabienne Cahn-Sellem > Nous nous sommes adressés, via notre site Mpedia destiné aux familles, aux parents qui avaient un enfant de moins de 2 ans ayant eu une première bronchiolite au cours de l’hiver 2021-2022. Le questionnaire a été proposé entre avril et mai 2022 à 9 300 parents inscrits à la newsletters du site. Il était également présent sur les réseaux sociaux et le questionnaire a été également adressé aux 47 000 inscrits au programme Malin (https://www.programmemalin. com/) qui vise à accompagner les familles sous contraintes budgétaires pour donner à leur enfant une alimentation de qualité et adaptée à leurs besoins. Nous avons obtenu 2 059 réponses exploitables, dont 66 % par Mpedia et 34 % par le programme Malin. Quels sont les résultats en ce qui concerne le stress parental, ainsi que le retentissement psychologique sur la fratrie ? Fabienne Cahn-Sellem > Pour évaluer cet impact sur les familles, nous avons utilisé un questionnaire validé : l’IBHQ (Impact of bronchiolitis hospitalisation questionnaire). Une anxiété de modérée à sévère a été rapportée par 73 % des parents lors de l’annonce du diagnostic, anxiété qui s’est aggravée en cas d’hospitalisation. Ces résultats montrent que la bronchiolite fait encore peur, ce que nous constatons chaque jour lorsque nous informons les parents du diagnostic. Et on peut imaginer leur désespoir lorsque, comme c’est le cas actuellement, leur nourrisson est transféré à Lille alors qu’ils résident en région parisienne. La fratrie est impactée par la réduction de la disponibilité parentale qui retenti t sur des aspects très pratiques de la vie quotidienne : transport à l’école, préparation des repas, couchage, etc. Pensez-vous qu’il existe un surcroît de consultation en post-bronchiolite à VRS ? Fabienne Cahn-Sellem > Nous avons une étude en cours sur ce sujet, l’étude BRONCHIOPIC. Toutefois, il est difficile de trouver des critères discriminants permettant de faire la différence entre une complication post-bronchiolite et les symptômes ou les conséquences des autres infections saisonnières. On peut noter sur ce point que de nombreuses otites sont dues au VRS mais que, dans ces cas, le diagnostic étiologique n’est pas fait. En revanche, on sait que les courbes d’incidence de bronchiolite à VRS et d’otites ont le même profil (figure).    Figure. Les infections à VRS ne sont pas que respiratoires. La courbe du nombre de cas d’otites (tous types) est superposable à celle du nombre des bronchiolites. Courbes d’incidence relevés par le groupe PARI de l’AFPA.  

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