Publié le 20 oct 2022Lecture 7 min
VRS : un virus bientôt sous surveillance
Catherine LAMBERT, Paris
Le poids des épidémies de VRS sur le secteur pédiatrique se fait ressentir tant à l’hôpital qu’en médecine ambulatoire et ses conséquences se prolongent jusqu’à 5 ans après le pic épidémique. Face à ce fardeau et aux carences des données épidémiologique en France, Astrid Vabret (CHU de Caen) explique pourquoi la mise en place d’une surveillance systématique est aujourd’hui nécessaire.
Que peut-on dire du fardeau que représente la bronchiolite à VRS dans la population pédiatrique ?
Astrid Vabret > Pour ce qui concerne la France, nous avons les données de l’étude BRONCHIOPIC(1) qui s’est intéressée aux enfants de moins de 5 ans sur la période 2010-2018 et a été réalisée à partir des données du PMSI. Ce travail ne concerne donc que les enfants de cette classe d’âge, mais il ne faut pas oublier que le VRS infecte l’ensemble de la population et qu’elle représente également un fardeau chez les séniors et les immunodéprimés. Chez le nourrisson, il s’agit d’une infection quasi-obligatoire puisque 90 à 100 % d’entre eux rencontrent le VRS à cet âge. Si nous revenons aux moins de 5 ans concernés par cette étude, le VRS est à l’origine d’environ 50 000 hospitalisations par an, 70 % des enfants admis à l’hôpital ayant moins de 1 an, ce qui représente, dans cette tranche d’âge, 22 à 28 % de l’ensemble des causes d’hospitalisati on. Parmi les enfants admis à l’hôpital, seulement 3 % sont dirigés vers les soins intensifs. Dans les pays riches comme le nôtre, la mortalité est faible (10 à 15 cas par an), mais elle est importante dans les pays à faibles ressources. Il ressort également de cette enquête que 87 % des enfants hospitalisés sont nés à terme et en bonne santé. Jusqu’à maintenant la prévention de l’infection à VRS se focalisait sur les enfants à risque, mais il apparaît qu’ils ne représentent qu’une petite proportion de ceux qui développent une forme grave de bronchiolite à VRS. Cette donnée est importante car elle change notre vision de ce que pourrait être la prévention de la bronchiolite dans la population générale.
Le fardeau étant majeur avant 3 mois, puis avant 6 mois, les investigateurs ont voulu savoir si la date de naissance de l’enfant influait sur le risque. Il apparaît en effet que ce sont les enfants nés entre septembre et décembre qui ont un risque accru de contracter une forme grave, ce qui n’annule pas le risque pour les autres. Enfin, le VRS est responsable d’otites moyennes qui représentent un fardeau supplémentaire en médecine ambulatoire.
Quelles sont les conséquences des périodes épidémiques sur l’organisation hospitalière et la consommation de soins en ambulatoire ?
Astrid Vabret > Les épidémies de bronchiolite entraînent une désorganisation hospitalière, notamment parce que les réanimations pédiatriques sont peu nombreuses (environ 40 en France). De plus, les services de pédiatrie ne sont pas très importants en termes de capacité d’accueil, raison pour laquelle ils arrivent rapidement à saturation. Ces éléments font qu’il existe dans tous les hôpitaux un plan bronchiolite avec mise à disposition de lits supplémentaires et d’infirmières. Ces plans sont programmés dans le temps car habituellement les épidémies surviennent entre novembre et mars. Si la désorganisation a été particulièrement marquée en 2021 c’est que, du fait des confinements et des gestes barrières, deux petits pics ont été enregistrés, l’un au printemps et l’autre en septembre, à des moments où ils n’étaient pas attendus et les services pas préparés. Il est probable que ces pics épidémiques retrouvent prochainement leur périodicité.
On enregistre également au cours des épidémies une augmentation de la prescription d’antibiotiques souvent inappropriée et avec un poids écologique potentiellement lourd. Il existe également des conséquences sociétales mal évaluées liées aux arrêts de travail, en particulier des mamans. La deuxième parti e de l’étude BRONCHIOPIC, qui est en cours, devrait amener des réponses plus précises sur cette question. Enfin, l’hospitalisation des nourrissons induit une charge psychologique sur les parents et la fratrie, qui déstabilise les familles pendant plusieurs mois. Mais l’impact de la bronchiolite ne se limite pas aux périodes épidémiques. Les infections à VRS entraînent une augmentation de l’utilisation des ressources de santé dans les 5 années suivantes, et plus particulièrement au cours des deux premières années.
À quoi est due cette augmentation de la consommation de soins au cours des cinq ans après l’infection ?
Astrid Vabret > On sait que ces enfants sont plus à risque de présenter une respiration sifflante récurrente après une infection à VRS, un signe qui peut être assimilé à de l’asthme. Ce phénomène n’est pas observé chez les enfants un peu plus grands et, pour l’heure, aucun lien de causalité direct n’a été établi entre l’infection et le wheezing. Le plus souvent, il disparaît dans les deux ans après l’épisode aigu mais il peut persister jusqu’à 5 ans.
Dans quelle proportion de bronchiolites du nourrisson le VRS est-il en cause ?
Astrid Vabret > Le diagnostic de VRS peut se faire par des tests anti géniques rapides (TROD pour tests rapides d’orientation diagnostique) qui sont utilisés par certains réseaux, comme le réseau pédiatrique d’Ile-de-France. Au CHU, nous utilisons des tests moléculaires. Aucun de ces tests n’est pris en charge par la Sécurité sociale et il n’est actuellement pas recommandé de faire un diagnostic viral devant un tableau de bronchiolite. Les pratiques sont donc hétérogènes sur le territoire français et nous n’avons que des données locales pour répondre à votre question. Au CHU de Caen, nous pratiquons un « multiplex respiratoire », test moléculaire à la recherche d’un ou plusieurs virus (VRS, grippe, Covid, para-Influenzæ, rhinovirus/entérovirus, coronavirus, métapneumovirus, etc.). Nous avons publié une étude(2) réalisée avec la cohorte Guérande qui était un PHRC national sur la prise en charge de la bronchiolite des nourrissons se présentant aux urgences. Dans les prélèvements respiratoires hauts réalisés chez ces enfants, la présence du VRS a été détectée dans 98 % des cas. Les co-infections sont cependant fréquentes et au moins un ti ers d’entre eux étaient infectés par un autre virus, notamment un rhinovirus.
Sur quel(s) réseau(x) s’appuie(nt) la surveillance du VRS en France ?
Astrid Vabret > Il existe un réseau virologique hospitalier géré par le Centre national de référence des virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur et aux Hospices civils de Lyon. Son organisation est basée sur le volontariat et ne défi nit pas une stratégie diagnostique commune. Le réseau OSCOUR des urgences établit pour sa part un diagnostic par codage, plusieurs codes plus ou moins précis pouvant correspondre à une bronchiolite à VRS (syndrome viral respiratoire, bronchiolite, bronchiolite à VRS, etc.). Enfin, le réseau SOS Médecins ne se base que sur la clinique. Il n’existe donc pas de surveillance systématique des infections à VRS comme il en existe pour la grippe ou le Covid.
Ces réseaux permettent toutefois de prédire l’arrivée de l’épidémie qui ne se diff use pas de façon synchrone sur l’ensemble du territoire.
Aux États-Unis, le CDC a annoncé la mise en place d’une surveillance systématique et l’OMS s’oriente dans la même direction, de sorte que le VRS va devenir le 3e virus surveillé après la grippe et le Covid. La France va également s’y conformer et cette vigilance vis-à-vis du VRS sera probablement coordonnée par les centres de références et Santé Publique France. Une réflexion est en cours sur l’élargissement de la déclaration des cas au VRS sur le modèle du portail SI-DEP comme cela a été fait pour le Covid.
À votre avis, faut-il systématiquement réaliser une recherche de VRS chez un enfant se présentant aux urgences avec un tableau de bronchiolite ?
Astrid Vabret > Je remarque qu’en 2022 nous ne possédons toujours pas de données fi ables sur l’épidémiologie du VRS et que nous ne pourrons pas délivrer un traitement adapté tant qu’un diagnostic étiologique ne sera pas réalisé systématiquement. D’autant que dans les infections virales, si un traitement existe, il est nécessaire d’intervenir tôt. Or, certains industriels développent des anti corps monoclonaux, des vaccins à ARN et des anti viraux dirigés contre le VRS dont nous disposerons prochainement. En conséquence, je suis favorable à ce qu’un diagnostic viral systématique soit réalisé à l’hôpital pour que nous puissions orienter les traitements et juger de leur efficacité. Les pédiatres sont également mobilisés sur cette question.
C’est aussi de cette façon que nous pourrons évaluer l’efficacité des moyens de prévention dont nous disposons et de ceux dont nous disposerons demain.
Pensez-vous qu’il faut également encourager le diagnostic en médecine ambulatoire avec des TRODs ?
Astrid Vabret > Oui, bien sûr, il faut inclure en particulier les pédiatres et les médecins généralistes dans les régions où la densité de pédiatres est faible. Sans oublier les réseaux, comme celui d’Ile-de-France qui est très bien organisé. Il faut aussi mieux informer les parents.
Si une prévention est possible, à quels enfants s’adresse-t-elle ?
Astrid Vabret > Il y a plusieurs façons de prévenir l’infection à VRS : soit avec des anti corps monoclonaux, soit par la vaccination des femmes enceintes ou celles des tout petits. Dans la mesure où, comme je le disais, la plupart des enfants hospitalisés pour une infection à VRS sont nés à terme et en bonne santé, les mesures de prévention pourraient concerner tous les enfants d’une classe d’âge pour les protéger de la primo-infection, en sachant que nous avons environ 750 000 naissances par an en France.
Propos recueillis par C. LAMBERT
Avec le soutien institutionnel de Sanofi
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