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Psychiatrie

Publié le 05 déc 2022Lecture 6 min

Santé mentale maternelle : de la dépression postpartum aux troubles psychiatriques chroniques

Caroline GUIGNOT, Lille, D’après la table-ronde 2 « Santé mentale maternelle, un enjeu pluridisciplinaire »

La santé psychique des mères étant un déterminant pour le devenir des enfants, la mise en place de dispositifs adaptés peut aider à accompagner ces femmes.

La dépression est une complication fréquente du postpartum (prévalence estimée 10 à 20 %) dont l’apparition est souvent insidieuse et les manifestations polymorphes, certaines dépressions prenant plutôt la forme de plaintes somatiques ou de mélancolie. Si elle peut se synchroniser en une symptomatologie résiduelle ou récidiver lors de grossesses ultérieures, elle expose surtout à plus court terme à un risque suicidaire important. Le dépistage de la dépression postpartum devrait donc être systématique. La maternité de l’hôpital Louis Mourier (AP-HP, Colombes) a mis en place cette disposition en mai 2020, en demandant aux sages-femmes de systématiquement proposer le questionnaire EPDS (Edinburgh Postnatal Depression Scale) aux femmes prises en charge, qui étaient invitées à le remplir : soit 10 questions concernant différents symptômes au cours des 7 jours précédents et un score coté de 0 à 30. La participation était globalement satisfaisante, celles pour qui ce n’était pas le cas ayant principalement oublié ou ayant été dans l’incapacité de le remplir (complications maternelles ou de l’enfant, difficultés liées à la barrière de la langue, femmes déjà suivies en psychiatrie, etc.). Au sein de leur file active, ils ont ainsi identifié 7,5 % de femmes qui avaient un score ≥ 13, suggérant un risque élevé de dépression incitant à consulter un spécialiste pour poser le diagnostic, et 12,6 % de ces mères présentaient un score compris entre 9 et 12, suggérant un risque modéré. Interrogées sur la démarche, les sages-femmes ont souvent déclaré découvrir l’outil, qui leur apparaissait rapide, utile et facilitant la discussion et la sensibilisation des femmes au risque de dépression postpartum. Cette démarche est utile pour resensibiliser les équipes à la problématique, ces dernières devant être aidées pour savoir comment le présenter, l’utiliser, et connaître la conduite à tenir lorsque le score est anormalement élevé. L’EPDS apparaît donc comme un outil pertinent pour conduire un tel dépistage, la collaboration des professionnels de périnatalité étant nécessaire pour suivre ensuite les femmes les plus vulnérables.   Accompagner les femmes ayant des troubles psychiatriques chroniques Une grossesse conduite pour une patiente présentant des troubles psychiatriques chroniques impose des moyens et des ressources supplémentaires afin que leur parcours se déroule en toute sécurité. En effet, les comorbidités psychiatriques s’avèrent fréquents en obstétrique, étant donné la fécondité élevée parmi les femmes atteintes : 50 % des schizophrènes et 63 % de celles qui ont un trouble chronique (dépressif, bipolaire, schizophrénique) seront mères. En postpartum, le risque de rechute de la maladie est augmenté et peut atteindre 66 % des femmes bipolaires et 50 % de celles qui sont schizophrènes. Parallèlement les grossesses sont globalement moins encadrées dans cette population (suivi et examens de dépistage moindres, moindre accès à l’EPP ou à la préparation à la naissance). Ces patientes taisent souvent leur affections psychiatriques auprès de la maternité car elles ont peur qu’on leur prenne leur bébé et qu’elles ne veulent pas être stigmatisées. Elles craignent également de faire du mal à leur enfant, elles réduisent souvent leur traitement psychotrope de façon non encadrée. Du côté des soignants, les psychiatres craignent les effets tératogènes des médicaments et ils connaissent mal les dispositifs existants pour aider ces femmes. Les sages-femmes, elles, connaissent mal les pathologies psychiatriques. S’ajoutent à ces problèmes, le manque de coordination et de ressources qui permettraient de favoriser une meilleure prise en charge. Pour anticiper les grossesses chez ces femmes, mieux les préparer et les informer, la Consultation d’information, de conseils et d’orientation des femmes suivies pour troubles psychiques (CICO) a été créée en 2011 à destination de celles qui sont enceintes, ou qui ont un désir d’enfant. Non sectorisée, elle est ouverte à la demande des PMI, maternités, médecins généralistes, psychiatres, gynécologues ou sages-femmes de Paris ou de région parisienne. Cette consultation unique menée par deux médecins, un pédopsychiatre et un psychiatre, vise à explorer les ressources de la famille et la connaissance de la maladie, pour mieux accompagner le projet d’enfant et la grossesse. Sont notamment abordées les diverses dimensions liées à l’anticipation de la conception, la stabilité de la maladie, l’efficacité et l’observance du traitement, sa compatibilité avec la grossesse et l’allaitement, ainsi que la disponibilité des proches de la patiente. Ce dispositif offre des recommandations d’accompagnement et de prise en charge, mais ne permettait pas d’assurer un suivi de leur application. En 2019, l’équipe a créé un parcours complexe coordonné, dans le cadre duquel les femmes sont désormais accompagnées par une infirmière de coordination qui suit la façon dont les recommandations sont perçues et comment elles sont mises en place sur le territoire auquel elles appartiennent. La CICO vise ainsi à créer le lien entre tous les acteurs et favoriser la cohérence du parcours, quelles que soient les structures impliquées (CMP, maternité, hôpital de jour en psychiatrie, unité kangourou, etc.).   Face aux situations aiguës compliquées La période périnatale est une période de vulnérabilité psychique. Un parcours de soins gradué est établi depuis les soins primaires jusqu’à l’hospitalisation pour accompagner les troubles pouvant se manifester au cours de cette période. Dans ce contexte, les équipes psychiatriques périnatales de liaison font notamment le lien entre la situation pré-et la situation postnatale et, dans ce cadre, relèvent l’enjeu parfois complexe d’apporter un avis spécialisé ponctuel pour des questions relevant de la psychiatrie, et se déployant sur un temps long. Parmi les situations difficiles relevées de leur intervention figurent les états d’agitation. Ces situations mettent en difficulté les professionnels qui peuvent à la fois être effrayés et impuissants, et manquent souvent de formation appropriée. Ces états d’agitation demandent une prise en charge immédiate en raison du risque de complications associées (blessures, fugues, etc.) pour le patient et l’équipe soignante. L’objectif de l’intervention de l’équipe est d’obtenir la collaboration de la patiente a minima par une attitude de désescalade combinant respect de son espace personnel, adaptation du langage corporel et verbal, reformulation de la plainte exprimée par la patiente, recontextualisation de la situation, sans fausse promesse, etc. Si nécessaire, des psychotropes de courte demi-vie (olanzapine, benzodiazépines, etc.) peuvent être utilisés en urgence. La contention ne peut être envisagée que si elle est justifiée, soit après échec des autres prises en charge, s’il existe un risque de fugue ou de blessure, et en association à un traitement. « La contention ne doit pas constituer le traitement, car c’est une situation traumatisante qui peut favoriser un état de stress post-traumatique », a insisté Marie-Laure Sutter-Dallay, Centre hospitalier Charles-Perrens, Bordeaux. Cette contention doit être prescrite par le médecin, êtretemporaire et conduire à une surveillance visant à documenter et réévaluer sa pertinence. Les périodes de décompensation psychiatrique constituent une autre complication aiguë dans laquelle les intérêts de la patiente et celle de l’enfant interviennent. Elles peuvent justifier des soins sans consentement, lorsque ces femmes n’ont pas conscience de leurs troubles mentaux ou du besoin impératif de soins. Elle impose une surveillance médicale constante ou régulière. La décision nécessite une décision du représentant de l’État et est prise par le directeur de l’établissement. La loi du 5 juillet 2011 qui s’y rapporte définit comme possible cette alternative pour ceux qui ne constituent pas un trouble grave à l’ordre public mais pour lesquelles des soins immédiats sont rendus nécessaires par l’évidence d’un « péril imminent », sans que des tiers concernés soient présents pour formuler la demande.

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