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Cas cliniques

Publié le 05 déc 2022Lecture 5 min

Une diarrhée peut en cacher une autre

Benjamin AZÉMAR, CHU Site Félix Guyon, Saint-Denis

Le petit Marvel, 2 ans et 2 mois, se présente aux urgences pédiatriques d’un hôpital francilien le 7 février pour des selles liquides et des vomissements.

D’après l’interrogatoire réalisé sur place, ces symptômes évoluent depuis 5 jours, sans fièvre, sans notion de contage dans l’entourage, et l’enfant n’a pas voyagé à l’étranger. Il n’a pas d’antécédent particulier, notamment en période néo natale. Il est noté une perte de poids récente assez importante, d’environ 2 kg. L’examen clinique retrouve une tachycardie à 160 battements par minute chez un enfant inconfortable, associée à des signes de déshydratation modérée (cernes, asthénie). Le tableau clinique et l’échec de l’hydratation orale fractionnée par soluté de réhydratation orale en raison des vomissements, conduisent à hospitaliser l’enfant pour hydratation par voie intraveineuse (IV). En hospitalisation, les symptômes digestifs s’améliorent nettement, ce qui permet d’interrompre rapidement l’hydratation IV : l’enfant sort donc et rentre au domicile le 8 février. Le compte rendu provisoire d’hospitalisation, réalisé rapidement grâce à une trame toute faite qui facilite grandement les tâches administratives en pleine période d’épidémie de gastroentérite aiguë, mentionne les éléments suivants : croissance staturo-pondérale normale ; découverte d’un goitre thyroïdien le 2 février en cours d’exploration. Avant la validation du compte rendu (mais après la sortie du patient), les résultats de cette « exploration » sont donc récupérés, et montrent les résultats suivants : TSH < 0,005 mUI/L (normale : 0,5-2) ; T4L > 77 ng/L (normale : 8-21). Quel est le diagnostic le plus probable ? Quels sont les examens complémentaires à demander pour confirmer le diagnostic ?   Diagnostic et évolution Les examens complémentaires demandés en deuxième intention retrouvent : anticorps anti-récepteur de la TSH (TRAK) > 40 UI/L (normale < 1,75) ; échographie thyroïdienne : goitre homogène hypervascularisé. L’enfant est revu rapidement en consultation d’endocrinologie pédiatrique. La reconstitution des courbes de croissance (figure 1, jusqu’à la flèche marquant l’hospitalisation) montre une accélération de la croissance staturale ayant débuté plusieurs mois auparavant, même si les données manquent ; et une accélération de la prise de poids autour de 2 ans avant une diminution nette, probablement en lien avec les signes digestifs évoqués plus haut. L’histoire ne dit pas si le carnet de santé avait été apporté lors de l’hospitalisation, ce qui aurait théoriquement permis de mettre d’emblée ces anomalies en évidence, même si la reconstitution systématique des courbes de croissance en hospitalisation est difficile en période épidémique, ce qui peut s’avérer regrettable. En plus de ses signes digestifs et auxologiques, Marvel présente également une exophtalmie modérée et une tachycardie sinusale bien tolérée, sans sudation excessive ni sensation de malaise. Le diagnostic retenu est donc celui de maladie de Basedow. Un traitement par carbimazole est débuté, et il faudra plusieurs mois pour obtenir l’euthyroïdie chez Marvel, comme en atteste la suite de sa croissance staturale. Figure 1. Courbes de croissance staturale et pondérale.   Hyperthyroïdie chez l’enfant La maladie de Basedow (Grave’s disease, figure 2) est la première cause d’hyperthyroïdie chez l’enfant. C’est une maladie autoimmune qui survient le plus souvent à l’adolescence ou à l’âge adulte, mais pas exclusivement. Les dernières recommandations françaises datent de 2018(1). Figure 2. Exemple d’orbitopathie. Le diagnostic est évoqué devant une association syndromique variable selon l’âge et la sévérité de l’atteinte : tachycardie, asthénie, goitre, sueurs, accélération du transit, perte de poids, accélération de la croissance, « regard brillant », voire exophtalmie. La confirmation de maladie de Basedow repose sur l’association d’un effondrement de la TSH et de la détection d’anticorps anti-récepteur de la TSH (ex-TRAK). L’échographie thyroïdienne, volontiers réalisée au diagnostic, retrouve un goitre homogène hypervascularisé de taille variable. Le suivi doit être confié à un spécialiste, endocrino-pédiatre idéalement. Les antithyroïdiens de synthèse (ATS) sont le traitement de première intention, à une posologie initiale de 0,4 à 0,8 mg/kg/j en une prise (max. 40 mg) pour le carbimazole, qui sera ensuite diminué à la dose minimale efficace pour maintenir le patient en euthyroïdie(2). Les éléments importants concernant les ATS, à rappeler régulièrement au patient et aux parents au cours de la prise en charge, sont : le risque de neutropénie : NFS avant le début du traitement, puis en cas de fièvre ou d’angine, pour adapter le traitement si les PNN passent sous les 1 000/mm3 ; le risque d’atteinte hépatique : bilan hépatique complet avant le début du traitement, puis en cas d’ictère, de troubles digestifs ou de prurit ; la nécessité de maintenir une bonne observance pendant plusieurs années (3 à 6 ans en moyenne) : c’est le meilleur facteur prédictif de rémission à long terme, alors même que l’enfant devient assez rapidement asymptomatique sous traitement. Afin d’accompagner l’éducation thérapeutique, le Centre de Référence des Maladies Endocriniennes Rares de la Croissance et du Développement (CRMERCD) de l’AP-HP met en ligne des documents d’information utiles pour les patients et leurs familles(3).     Conclusion Les dysthyroïdies de l’enfant sont relativement rares, et sont parfois évoquées à tort devant des symptômes peu spécifiques associés à des valeurs de TSH légèrement élevées ou abaissées(4). À l’inverse, ces pathologies ne doivent pas être ignorées en cas de symptômes spécifiques et/ou durables, la TSH étant alors le meilleur outil diagnostique en première intention. Parmi les signes d’appel pédiatriques, on retiendra notamment la cinétique de croissance staturale, susceptible de ralentir dans l’hypothyroïdie et d’accélérer dans l’hyperthyroïdie après quelques mois d’évolution : la surveillance des courbes auxologiques doit donc rester un élément incontournable de l’évaluation et du suivi de nos patients. Depuis 2018, il faut systématiquement utiliser les courbes de croissance de référence publiées par l’Inserm et disponibles en ligne(5). Celles-ci ont été intégrées dans les nouveaux carnets de santé, mais doivent également être préférées pour les enfants nés avant 2018 en cas de croissance douteuse ou de situation à risque (maladie chronique, puberté en avance ou en retard, etc.).

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