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Infectiologie

Publié le 20 juin 2022Lecture 7 min

Infections invasives à méningocoques, imprévisibles et sévères

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

Les infections invasives à méningocoques (IIM) sont associées à un taux élevé de létalité et de graves séquelles. Elles touchent particulièrement les enfants et les adultes jeunes. D’évolution imprévisible, elles constituent une véritable urgence médicale. Elles sévissent partout dans le monde, y compris en France, avec des fluctuations selon les années. Des vaccins ciblant spécifiquement un sérogroupe existent ; ils sont utilisés en prévention ou en réponse à des flambées épidémiques.

Le méningocoque ou Neisseria meningitidis peut être responsable d’infections invasives(1), sous la forme d’une septicémie (20 %), d’une méningite (45 %) ou de l’association des deux (35 %). Il faut craindre la survenue en quelques heures d’un choc septique avec l’apparition d’un purpura nécrotique et ecchymotique rapidement extensif ; il s’agit du redoutable purpura fulminans(2). Les difficultés diagnostiques et l’urgence de la situation expliquent la gravité particulière des IIM. Le méningocoque appartient à la famille des Neisseriaceae comme d’autres hôtes du pharynx(3). Il a été identifié pour la première fois en 1887 par Weichselbaum dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) d’un patient atteint de méningite(2). C’est une bactérie diplocoque (en forme de « grain de café ») à Gram négatif, aérobie strict, à croissance extracellulaire et le plus souvent encapsulée. Fragile dans le milieu extérieur, elle est rapidement détruite par le froid et sur les surfaces de dessication(2). Du portage à l’infection invasive Neisseria meningitidis est un germe strictement humain, dont le seul réservoir connu est le rhinopharynx de l’homme(2). Sa transmission se fait par l’intermédiaire des gouttelettes de Flügge de l’oropharynx. Elle nécessite un contact étroit (moins d’un mètre) avec un porteur sain ou un malade : baiser, éternuement, toux et/ou promiscuité (partage de dortoir, couverts ou verres)(4). En réalité, l’infection invasive est un accident rare dans l’histoire naturelle du portage de méningocoque. Présent dans l’oropharynx, il peut n’engendrer aucun symptôme ou donner une simple pharyngite isolée(2). Selon les études, le taux de portage de Neisseria meningitidis dans la population générale est estimé entre 10 et 20 % ; celui-ci augmente en cas d’épidémie(4). Il augmente également au cours de l’enfance pour atteindre 25 % chez les 15-19 ans ; ensuite il diminue. Moins de 1 % des porteurs développent la maladie(5).  Les facteurs conduisant à une IIM sont encore mal connus. Il est probable que certains soient liés au germe lui-même et d’autres à l’hôte. Les facteurs clairement identifiés sont la promiscuité, le tabagisme, les infections virales respiratoires et certains déficits immunitaires(2,6).  Quoi qu’il en soit, la plupart des IIM surviennent chez des personnes en bonne santé ne présentant aucun facteur de risque identifiable(7). La maladie frappe particulièrement les nourrissons, les enfants et les adultes jeunes : 9,1 cas pour 100 000 habitants avant 1 an, 2/100 000 de 1 à 4 ans, 0,4/100 000 de 5 à 14 ans et 1,2/100 000 de 15 à 24 ans(8). Enfin, on observe une recrudescence d’IIM au moment des épidémies de grippe, celle-ci semblant favoriser les infections graves à méningocoque(9). Par ailleurs, tous les méningocoques n’ont pas la même virulence. Parmi la douzaine de sérogroupes connus, seuls six sont susceptibles d’engendrer une IIM. Ce sont les sérogroupes : A, B, C, W, X et Y(4). Une étude de 2010 souligne la particulière dangerosité des sérogroupes C et Y(10). En 2019, c’est le sérogroupe W qui a eu le taux de létalité le plus élevé (27 %) en France(8). La prévalence des IIM fluctue selon les années et les pays. Entre 2013 et 2018, la France a été un des pays européens les plus touchés (après le Royaume-Uni et devant l’Allemagne). Et le nombre de cas d’IIM W a été multiplié par 7 en Europe(11). En 2019, en France, celui-ci a augmenté de 56 % chez les enfants de moins de 5 ans ; et 71 % des IIM étaient dues aux sérogroupes C, W et Y(8).  D’une façon générale, une même souche est responsable d’une épidémie ; la dissémination est dite « clonale »(1). Un décès par semaine en France en 2019 L’IIM est une maladie grave. Les premiers symptômes, souvent non spécifiques, peuvent conduire à la mort en quelques heures. À ce stade, le diagnostic peut être difficile. La moitié des enfants ne sont pas hospitalisés à l’issue de la première consultation(12).  La présence d’un purpura fulminans augmente le risque de décès : 23 % avec purpura et 9 % sans purpura(8).  Les IIM sont parmi les infections à prévention vaccinale avec le plus fort taux de létalité : taux élevé (> 10 %) pour le tétanos et l’IIM ; taux intermédiaire (autour de 5 %) pour l’infection invasive à pneumocoque ; taux faible (< 1 %) pour l’hépatite A, la rubéole, la rougeole et la coqueluche(11). Les enfants paient un lourd tribut à la maladie ; en France, en 2019, le taux de létalité des IIM était de : 9 % chez les moins d’1 an, 6 % chez les 1-4 ans, 3 % chez les 5-14 ans et 4 % chez les 15-24 ans. Le sérogroupe W, particulièrement virulent, a été responsable de 45 % des décès liés aux IIM(8). On a dénombré au total 55 décès, soit plus d’un par semaine(8). Les IIM, sources de handicaps durables Les patients atteints d’IIM qui échappent à la mort ont un risque élevé de garder des séquelles physiques, neurologiques, psychologiques, invalidantes et impactant durablement leur qualité de vie(13). En effet, environ 20 % des survivants d’une IIM ont des séquelles à long terme(14). Les nécroses cutanées profondes nécessitant des greffes et les amputations multiples au pronostic fonctionnel très sombre, sont particulièrement à redouter(15). Encore une fois, les enfants sont les plus touchés(16). Selon une publication de 2018 : 8 % des enfants et 3 % des adolescents ou des adultes ont été amputés ; 55 % des enfants, 18 % des adolescents et 2 % des adultes ont eu une nécrose cutanée ; 19 % des nourrissons, 13 % des enfants, 12 % des adolescents et 8 % des adultes ont souffert d’une perte de l’audition(14). D’autres séquelles comme des déformations des membres, une atteinte rénale, des déficits moteurs, une épilepsie, des déficits visuels sont également observées(13).  Par ailleurs, les séquelles psychologiques et cognitives sont fréquentes : dépression, anxiété, troubles du comportement et émotionnels, troubles de l’apprentissage, troubles de la communication, stress post-traumatique, fatigue, impact péjoratif sur l’estime de soi et sur les compétences sociales. La qualité de vie reste altérée après plusieurs années(13,14,17).  Près d’un adolescent sur deux subit un impact négatif de la maladie sur ses performances académiques(18). Près de deux enfants sur trois présentent un stress post-traumatique alors que seulement 10 % d’entre eux sont diagnostiqués(18). Et parmi les 8-11 ans ayant eu une IIM sévère, 40 % ont un score de qualité de vie plus bas en termes d’autonomie que les enfants bien portants et 45 % en termes de fonctions motrices(19).  Si les enfants paient un lourd tribut à l’IIM, les familles et l’entourage des malades sont également impactés par la maladie : troubles émotionnels, anxiété, bouleversement de l’équilibre du foyer, dépression, stress post-traumatique(15).  Enfin, il ne faut pas négliger le fardeau administratif et économique lié à l’IIM : soins, rendez-vous multiples, accompagnements ; coût des dispositifs de compensation du handicap et des interventions paramédicales ; procédures administratives complexes(20). Améliorer le suivi des patients Au regard de l’importance des séquelles, le suivi des enfants après l’épisode aiguë d’IIM paraît insuffisant. Un malade sur deux ne bénéficie pas d’un suivi à la sortie de l’hôpital, cela même si sa qualité de vie est dégradée(17).  Dans une publication, V. de Portes propose une stratégie de suivi par étapes(21). À la sortie de l’hôpital, le patient a un examen clinique neurologique et fonctionnel, un test auditif et, en cas d’hypoacousie, une détection d’ossification cochléaire par IRM labyrinthique. Un mois après la sortie de l’hôpital, un examen neurologique et un test de l’audition (suivi d’une consultation d’audiologie en urgence en cas d’hypoacousie) sont à nouveau pratiqués. Une surveillance trimestrielle de la surdité est assurée toute la première année. D’éventuelles complications neurologiques sont recherchées et prises en charge : épilepsie (EEG), hydrocéphalie (surveillance périmètre crânien), déficit moteur, ataxie. Un an après la sortie, un nouveau bilan neurologique et fonctionnel est réalisé, ainsi qu’un test auditif et la détection d’une ossification cochléaire retardée. Selon la situation clinique, le suivi auditif est poursuivi tous les 6 mois pendant 3 ans. Une évaluation des compétences cognitives (intelligence, mémoire, attention et fonctions exécutives, vitesse de réaction), des facultés adaptatives, de la dépression (chez l’adulte) et/ou du comportement (chez l’enfant) et de la qualité de vie, est réalisée. Un soutien scolaire individualisé avec projet personnalisé de scolarisation est mis en place si nécessaire(21).  Au total, les IIM sont des maladies graves responsables de décès et de lourdes séquelles notamment chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes. La situation épidémique reste suivie avec attention pour détecter toute situation inhabituelle et évaluer l’opportunité d’une éventuelle stratégie vaccinale de routine ciblant les sérogroupes couverts par les différents vaccins existants(8). Avec le soutien institutionnel de 

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