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L'œil du médecin d'adolescents

Publié le 03 mar 2021Lecture 7 min

Marie, 16 ans, découvre qu’elle est enceinte

Lucas BROUSSE, Carole HARBULOT, Sylvie JAHIER, Mariana MARIN, Unité d’accueil et de crises de l’adolescent (UACA), Centre hospitalier Rives de Seine, Neuilly-sur-Seine

Marie, 16 ans, est adressée dans l’unité de médecine de l’adolescent par le centre de planification et d’éducation familiale (CPEF) pour prise en charge d’une découverte de grossesse avec des pressions familiales pour une interruption volontaire de grossesse (IVG).

Marie a déjà été hospitalisée dans notre unité un an auparavant dans un contexte de tentatives de suicide répétées et de symptômes dépressifs. Il y avait des mises en danger avec des consommations de toxiques et des rapports sexuels non protégés avec plusieurs partenaires. Marie avait fait la demande d’une contraception orale, mais la prescription avait été reportée du fait de l’introduction récente de lamotrigine par le psychiatre référent qui la suivait en ville et du transfert prévu en pédopsychiatrie où son traitement thymorégulateur devait être réévalué. Après son arrivée en pédopsychiatrie, Marie est rapidement sortie contre avis médical et a arrêté son suivi, ainsi que tout traitement psychiatrique. Un an après, elle consulte donc au CPEF pour une nouvelle demande de contraception : la pose d’un implant est décidée, mais elle diffère le rendez-vous. Dans l’intervalle, en attendant le nouveau rendez-vous, Marie découvre qu’elle est enceinte. L’annonce au petit copain et aux quatre parents, est vécue comme difficile par la jeune qui décrit un accord unanime en faveur d’une IVG avec des discours banalisant le geste. Elle exprime son opposition et son souhait de poursuivre sa grossesse en menaçant de se suicider si elle était contrainte à l’avortement. Cette situation alerte les professionnels du CPEF qu’elle consulte pour une demande d’IVG à l’initiative et accompagnée par ses parents. La psychologue du CPEF nous l’adresse en hospitalisation pour offrir un espace serein de réflexion. Au décours des 10 jours d’hospitalisation, Marie confirme son intention de garder la grossesse et l’annonce aux parents lors d’un entretien familial. Quelles modalités pour la mise en place de la contraception chez l’adolescent ? L’accès anonyme et gratuit des mineures à la contraception est un droit qui, bien qu’inscrit dans la loi, rencontre encore dans la réalité de nombreux obstacles pour être appliqué. Le droit à l’IVG est présent dans la législation depuis 1974 et confirmé par la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et la contraception. Il est inscrit dans le Code de la santé publique (article L5134-1). Actuellement sont pris en charge à 100 % dans le cadre d’une procédure de dispense d’avance des frais : la première consultation de contraception (cotée CCP) ; une consultation de suivi (médecin-sage-femme), la première année d’accès à la contraception ; une consultation annuelle, à partir de la 2e année de contraception (médecin-sage-femme) au cours de laquelle sont prescrits une contraception ou des examens de biologie médicale en vue de sa mise en place ; les actes liés à la pose, au changement ou au retrait d’un dispositif contraceptif ; certains examens de biologie médicale (glycémie à jeun, cholestérol total, triglycérides) une fois/an si nécessaire ; les contraceptifs remboursables. L’ensemble du parcours est protégé par le secret. Si la mineure le demande, aucune mention de son identité ne sera divulguée et il ne sera pas fait mention des actes, consultations et contraceptifs sur les relevés de remboursement de l’Assurance maladie. Il est important de respecter la confidentialité, en particulier vis-à-vis des parents ; un temps sans les parents doit donc systématiquement être proposé lors de la consultation pour la prescription de la contraception. Cette prescription requiert d’user de pédagogie afin de présenter les différentes méthodes et leur fonctionnement, ainsi que d’être vigilant au contexte (consommation de toxiques, soutien familial, possibilité de violences sexuelles). Le bilan biologique préalable n’est pas obligatoire en l’absence d’antécédent, l’exploration des anomalies lipidiques et de la glycémie à jeun pourront se faire jusqu’à 3 à 6 mois après le début de la contraception. Si l’examen gynécologique dès la première consultation est déconseillé hors symptômes ou antécédents particuliers, la prise de poids, taille, tension artérielle et le calcul de l’indice de masse corporel (IMC) sont indispensables. Il est aussi important d’évoquer les infections sexuellement transmissibles (IST), leur diagnostic et leur prévention. En ce sens, il est possible de prescrire deux marques de préservatifs masculins remboursés à 60 % par l’Assurance maladie (Eden® et Sortez couvert !®). La contraception d’urgence doit aussi être présentée : quand l’utiliser et où se la procurer. Le lévonorgestrel (Norlevo® 1,5 mg) et l’acétate d’ulipristal (Ellaone® 30 mg) sont légalement disponibles sans ordonnance et leur délivrance est gratuite pour les mineures en pharmacie, dans les infirmeries scolaires et les CPEF. Les méthodes contraceptives indiquées chez l’adolescente sont variées. La pilule œstroprogestative de deuxième génération est recommandée en première intention (Minidril®, Adepal®, Trinordiol®, génériques) en dehors des rares cas de contre-indication absolue : antécédents thrombo-emboliques personnels ou familiaux, cardiopathie thrombogène, migraine avec aura, hypertension artérielle non équilibrée, maladie œstrogénodépendante, diabète avec complications vasculaires, lupus, hépatopathie active, porphyrie et hypercholestérolémie > 3 g/l. Il est important de noter que le tabac ne doit pas être considéré comme une contre-indication, même relative, aux œstroprogestatifs chez l’adolescente. En cas de contre-indication, il est possible de proposer une pilule microprogestative (Cerazette®) qui requiert une prise ininterrompue. En cas de difficulté d’observance, l’implant microprogestatif (Nexplanon®) ou le dispositif intra-utérin (DIU) sont parfaitement licites. Le démarrage de la contraception peut se faire au premier jour des règles pour être efficace d’emblée. Il est possible de la débuter à n’importe quel autre moment du cycle en la combinant à une méthode mécanique la première semaine : elle sera efficace dès le huitième jour. Cette seconde option, dite du « démarrage rapide » (« quick start »), est à favoriser chez l’adolescente afin de faciliter son adhésion et de réduire le nombre de grossesses non désirées. Afin d’inciter les praticiens libéraux à prendre le temps nécessaire pour une consultation d’initiation de la contraception, l’Assurance maladie prévoit une revalorisation tarifaire à 46 € pour les généralistes, pédiatres et gynécologues. La prise en charge à 100 % avec l’obligation d’exercer le tiers payant est possible pour les consultations, les explorations biologiques, la délivrance, la pose et le retrait de contraceptif, pour toutes les mineures, quel que soit leur âge. Le renouvellement d’une ordonnance de moins d’un an est possible pendant 6 mois par un(e) infirmier(ère) diplômé(e) d’état (IDE) ou un pharmacien. Quel est le cadre légal de l’IVG pour une adolescente ? • Cadre général de l’IVG : loi Veil de 1975, IVG jusqu’à 12 SA : remboursement partiel en 1982 ; IVG médicamenteuse en milieu hospitalier en 1990 ; délit d’entrave à l’IVG depuis 1993 ; loi de juillet 2001 : extension du délai de l’IVG de 12 à 14 SA ; IVG médicamenteuse en ville jusqu’à 7 SA (et 9 SA en établissement de santé) en 2004 ; prise en charge à 100 % depuis 2013 ; suppression du délai de réflexion obligatoire de 7 jours et les sages-femmes ont la possibilité de réaliser des IVG médicamenteuses depuis 2016. • Spécificités pour les mineures (article L2212-7 du Code de la santé publique) : un entretien psychosocial préIVG avec l’adolescente seule est maintenu ; le consentement de l’un des titulaires de l’autorité parentale est recueilli ; si la mineure désire garder le secret, le médecin doit s’efforcer, dans l’intérêt de celle-ci, d’obtenir son consentement pour que le ou les titulaires de l’autorité parentale soient consultés ; si le consentement n’est pas obtenu, l’interruption volontaire de grossesse, ainsi que les actes médicaux et les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l’intéressée ; dans ce cas, la mineure se fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix ; prise en charge à 100 % sans avance de frais et anonyme. • Effets du confinement : augmentation du nombre d’IVG hors délai légal (par IMG ou à l’étranger) ; augmentation des appels de détresse ; allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville jusqu’à la fin de la 9e SA (abrogation le 11 juillet 2020 et réintroduction de la mesure au moment du reconfinement de novembre 2020). • Projet de loi en cours(11) : allongement du délai de recours à l’IVG de 14 à 16 SA, particulièrement intéressant pour les mineures dont le recours à l’IVG est significativement plus tardif (les IVG entre la 12e et la 14e SA représentent 10,5 % des IVG réalisées par des mineures contre 5,3 % du total des IVG) ; suppression de la double clause de conscience législative qui vient en sus de la clause de conscience générale des professionnels de santé : portée symbolique plus que pratique ; ouverture de l’IVG chirurgicale aux sages-femmes jusqu’à la 10e SA afin de pallier le manque de praticiens formés ; suppression du délai de réflexion minimal de 2 jours après l’entretien psychosocial. Rubrique coordonnée par Renaud DE TOURNEMIRE, CHU Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt

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