publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

L'œil du médecin d'adolescents

Publié le 06 mar 2022Lecture 10 min

Vaccination contre le SARS-CoV-2 chez l’adolescent

Roxane MEURILLON, Marie GUIRGUIS, Mariana MARIN, Unité d’accueil et de crise de l’adolescent (UACA), Centre Hospitalier Rive de Seine, Neuilly-sur-Seine

Marie, 16 ans, est hospitalisée en novembre 2021 en unité de médecine de l’adolescent (UMA) pour une tentative de suicide par ingestion volontaire médicamenteuse.

Les parents sont mariés et vivent ensemble. Ni Marie ni ses parents ne sont vaccinés contre le SARS-CoV-2 et ils ne l’ont pas eu. Marie est en première générale. Elle faisait du judo en club mais n’a pas pu reprendre à la rentrée car elle n’est pas vaccinée. Les parents sont opposés à cette vaccination. Malgré l’information donnée à Marie concernant le cadre légal autorisant, à son âge, une vaccination sans demander un consentement parental – et la possibilité de la vacciner pendant son hospitalisation –, elle a refusé. Roxane, 13 ans, est hospitalisée en décembre 2021 en UMA pour tristesse de l’humeur, idées suicidaires et scarifications. Le contexte familial est très conflictuel, ses parents sont mariés et vivent ensemble. Ces derniers posent un cadre très strict au domicile, limitant les sorties et contrôlant ses fréquentations. Roxane n’est pas vaccinée contre l’HPV, décision prise par la mère qui explique que retarder la vaccination impliquerait un premier rapport sexuel tardif. Elle n’est pas vaccinée non plus contre le SARS-CoV-2. Roxane souhaite se faire vacciner, mais sa mère s’y oppose en justifiant par le manque de recul (délai court de mise sur le marché), et les effets indésirables qui auraient été constatés notamment chez les jeunes. Roxane voulait s’inscrire à des cours d’handball, qui nécessitaient la présentation d’un pass sanitaire. Elle pense que le refus de vaccination anti-SARS-CoV-2 est un moyen pour sa mère d’exercer une limitation de ses sorties. En dépit de notre discours encourageant quant à cette vaccination, le refus des deux parents reste formel. La vaccination contre le SARS-CoV-2 chez l’adolescent : indications, schéma vaccinal, contre-indication, effets indésirables La vaccination contre le SARS-CoV-2 est ouverte à tous les adolescents de 12 ans et plus depuis le 15 juin 2021. Elle est recommandée mais n’est pas obligatoire. Elle est intégralement prise en charge par l’Assurance maladie, sans avance de frais(1). La vaccination complète donne accès au passe sanitaire. Depuis le 24 janvier 2022, le passe vaccinal remplace le passe sanitaire pour les personnes de 16 ans et plus. Les adolescents âgés de 12 ans et 2 mois à 17 ans doivent présenter un passe sanitaire (vaccinal) pour accéder aux lieux et événements où il est exigé (cinémas, salles de sports, piscines, restaurants, cafés, etc)(2). La vaccination des adolescents peut être réalisée dans un centre de vaccination, un cabinet de médecine libérale (généraliste ou spécialiste), chez un chirurgien-dentiste, en pharmacie, en cabinet infirmier ou de sage-femme, au laboratoire de biologie médicale, ou encore dans un service médical où ils sont suivis. Ils peuvent également être vaccinés au collège, au lycée ou sur leur lieu d’apprentissage (médecine du travail). À ce jour, deux vaccins sont disponibles et autorisés pour les adolescents âgés de 12 à 17 ans en médecine de ville : Comirnaty®de Pfizer et Spikevax® de Moderna. Il s’agit de vaccins à ARN messager (ARNm). Pour le vaccin Comirnaty® de Pfizer, une pleine dose (0,3 ml) contient 30 mg d’ARNm. Le 28 mai 2021, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a étendu l’autorisation aux adolescents âgés de 12 à 15 ans. Pour le vaccin Spikevax® de Moderna, une pleine dose (0,5 ml) contient 100 mg d’ARNm. La mise à jour des RCP du 23 juillet 2021 permet de descendre l’âge minimum de 18 à 12 ans. Ce sont deux vaccins sûrs et efficaces. Les études montrent une légère supériorité de Spikevax® en terme d’efficacité et des risques plus faibles de myocardite pour Comirnaty®, en particulier pour les personnes de moins de 30 ans. Dans l’attente de données complémentaires sur le risque de myocardites et des conclusions du PRAC (comité de pharmacovigilance de l’Agence européenne du médicament, EMA), et compte tenu de l’insuffisance de recul sur le risque de myocardite avec le vaccin Spikevax® (utilisé en demi-dose pour le rappel [50 μg]) en raison des effectifs limités inclus dans les essais, la HAS recommande, pour la population âgée de moins de 30 ans et dès lors qu’il est disponible, le recours au vaccin Comirnaty® qu’il s’agisse de primovaccination ou de rappel(3). Le schéma de vaccination des adolescents de plus de 12 ans est identique à celui de l’adulte. La primovaccination comprend deux doses à 3-4 semaines d’intervalle. La sérologie permet d’établir un antécédent d’infection par le SARS-CoV-2. Il est utile de réaliser un prélèvement pour une sérologie prévaccinale de façon concomitante à une première injection de vaccin. Si cette sérologie s’avère positive, une seule injection est suffisante pour les personnes immuno-compétentes pour une primovaccination complète. La sérologie prévaccinale est particulièrement conseillée chez l’adolescent. En cas d’impossibilité de respecter le délai après l’injection de la première dose de vaccin, la 2e dose peut être différée de quelques jours. Quel que soit le délai entre les deux doses, il n’est pas nécessaire de recommencer le schéma vaccinal dès le début. L’administration concomitante du rappel des vaccins contre la Covid-19 et du vaccin contre la grippe saisonnière est possible dès lors qu’une personne est éligible aux deux vaccinations, quel que soit l’âge. Les injections doivent être pratiquées sur deux sites différents. Si les vaccins contre la grippe et la Covid-19 ne sont pas administrés au même moment, il n’y a pas de délai à respecter entre les deux vaccinations. De façon générale, il n’est pas nécessaire de respecter un délai minimum entre un vaccin contre la Covid-19 et tout autre vaccin du calendrier vaccinal(4). La dose de rappel À compter du 28 décembre 2021, le délai entre la primovaccination et le rappel passe à 3 mois pour les personnes âgées de 18 ans et plus. Conformément à l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS), les adolescents âgés de 12 à 17 ans immunodéprimés et porteurs de comorbidités sont éligibles à la dose de rappel, selon les mêmes modalités que les adultes, c’est-à-dire dès 3 mois après la dernière injection ou infection à la Covid-19 si celle-ci est survenue après la vaccination(5). Myocardites et péricardites post-vaccinales Plusieurs études confirment l’augmentation du risque de myocardite et/ou péricardite notamment chez le garçon après la 2e dose de vaccin à ARNm. En France, dans le cadre du dispositif de surveillance renforcée des vaccins contre la Covid-19, EPI-PHARE (groupement d’intérêt scientifique ANSM-Cnam) a conduit une nouvelle étude de pharmaco-épidémiologie pour caractériser le risque de myocardite et de péricardite avec les vaccins ARNm chez les sujets âgés de 12 à 50 ans(6). Cette étude confirme l’existence d’un risque peu fréquent de myocardite et péricardite dans les 7 jours suivant une vaccination contre la Covid-19 avec un vaccin ARNm (Comirnaty® et Spikevax®) chez les personnes âgées de 12 à 50 ans, particulièrement chez les jeunes de 12 à 29 ans. Ce risque est plus élevé avec le vaccin Spikevax®. Cette étude confirme également l’évolution clinique favorable des cas de myocardite et péricardite suite à la vaccination. Aucun décès n’a été rapporté parmi les personnes hospitalisées pour une myocardite ou une péricardite suite à la vaccination. Contre-indication à la vaccination, commune aux deux vaccins autorisés, pour les adolescents : – antécédent d’allergie documentée (avis allergologue) à un des composants du vaccin en particulier polyéthylène-glycols et par risque d’allergie croisée aux polysorbates ; – réaction anaphylaxique au moins de grade 2 (atteinte au moins de deux organes) à une première injection d’un vaccin contre la Covid-19 posée après expertise allergologique. Recommandation médicale de ne pas initier une vaccination (première dose) : – syndrome inflammatoire multi- systémique pédiatrique (PIMS) post-Covid-19 ; – myocardites ou myo-péricardites associées à une infection par SARS-CoV-2. Situations de contre-indication temporaire à la vaccination contre la Covid-19 : – traitement par anticorps monoclonaux anti-SARS-CoV-2 ; – myocardites ou péricardites d’étiologie non liée à une infection par SARS-CoV-2, survenues antérieurement à la vaccination et toujours évolutives. NB : maladies concomitantes : la vaccination doit être reportée chez les personnes souffrant d’une maladie fébrile aiguë grave. La présence d’une infection mineure ou d’une fièvre modérée ne doit pas retarder la vaccination. Cadre médico-légal de la vaccination anti-SARS-CoV-2 Acte usuel versus non usuel L’article 372 du Code civil rappelle que les « père et mère exercent en commun l’autorité parentale », ce qui consacre le principe de coparentalité, même si les parents sont séparés. Le Code civil, art. 372-2, parle des actes usuels mais il ne définit pas cette notion d’acte usuel. En pratique, il s’agit d’actes « habituels » de la vie courante. Conformément à l’article 372-2 du Code civil : « chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne ». Ainsi, le père ou la mère est dispensé de prouver l’accord de l’autre parent pour un acte usuel. On définit en général l’acte non usuel comme un acte important, grave, inhabituel, qui rompt avec le passé ou qui engage l’avenir de l’enfant. L’accord des DEUX parents est nécessaire pour sa réalisation. Classiquement, les vaccinations obligatoires sont considérées comme des actes usuels et les vaccinations non obligatoires comme actes non usuels – donc nécessitant l’accord des deux parents. La jurisprudence est en train d’évoluer avec, par exemple, l’arrêt du 4 octobre 2019 du Conseil d’Etat concernant deux mineures vaccinées contre le papillomavirus humain sans l’accord de leur père qui annule la décision de la chambre disciplinaire nationale assimilant la vaccination en cause, non obligatoire, à un acte non usuel. Le caractère usuel ou non usuel va en fait dépendre, selon le Conseil d’Etat, du type de vaccination en cause, des caractéristiques du mineur concerné et, plus généralement, de l’ensemble des circonstances de fait et médicales entourant l’acte. Cette décision montre, a contrario, qu’une vaccination non obligatoire n’est pas systématiquement un acte non usuel. De telles nuances permettent de tenir compte de chaque situation, sans l’enfermer dans un raisonnement binaire entre obligatoire/non obligatoire et usuel/non usuel. S’il en résulte un certain flou, qui peut être source d’incertitude pour le praticien, c’est aussi une préservation de sa marge de manœuvre. Législation concernant le consentement et l’accord parental pour la vaccination contre le SARS-CoV-2 des adolescents en France Initialement, deux situations différentes étaient distinguées (note du 13/06/21) : les jeunes à haut risque de développer une forme grave de la Covid-19, du fait de ses antécédents, le consentement d’un seul parent était suffisant ; dans les autres cas : l’autorisation des deux parents était requise. La loi du 5 août 2021 modifie doublement le cadre de l’autorisation parentale en vigueur : d’une part, seule l’autorisation de l’un ou l’autre des titulaires de l’autorité parentale est requise pour la réalisation d’une vaccination contre la Covid-19 pour les adolescents de moins de16ans; d’autre part, un adolescent de 16 ans ou plus, qui le souhaite peut désormais se faire vacciner sans autorisation parentale. Tous les adolescents de 12 ans et plus qui se présentent pour se faire vacciner doivent être en possession du NIR (Numéro de Sécurité sociale) de l’un des deux parents, ou de leur propre NIR. Ce NIR doit être le même pour la 1re et la 2e injection. Si et seulement si le NIR ne peut être communiqué, ou lorsque l’adolescent de 16 ans ou plus souhaite se faire vacciner contre l’avis de ses parents, ou dans tout autre situation rendant impossible l’utilisation du NIR de l’un des deux parents ou celui de l’adolescent, la procédure de saisie dite « NIR d’urgence » peut être utilisée. La vaccination contre la Covid-19 prime, en dernier recours, sur l’exigence d’utiliser le NIR de l’un des deux parents. Pour les mineurs âgés d’au moins 12 ans confiés au service de l’Aide sociale à l’enfance, la vaccination peut être autorisée par le président du Conseil départemental, si les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale, invités à donner cette autorisation, n’ont pas répondu pendant un délai de 14 jours. S’agissant des mineurs d’au moins 12 ans suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou incarcérés, l’autorisation de les vacciner peut- être délivrée, dans les mêmes conditions : par le directeur interrégional de la PJJ lorsque le mineur fait l’objet d’une mesure de placement ; par le directeur interrégional des services pénitentiaires lorsqu’il est incarcéré. Pour les mineurs non accompagnés, l’autorisation peut être délivrée par le juge statuant en urgence. Bien que les enfants et les adolescents présentent des formes beaucoup moins graves de la Covid-19, la vaccination des 12-18 ans est conseillée par la communauté pédiatrique. Elle a un intérêt individuel et collectif et la balance bénéfice/risque de cette vaccination est jugée, à ce jour, favorable. La HAS estime que la vaccination des adolescents est à même de diminuer la circulation virale, de permettre aux adolescents de retrouver une vie sociale normale et de maintenir leur accès à l’éducation.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  •  
  • 1 sur 4