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Accidents

Publié le 02 juil 2020Lecture 5 min

Épidémiologie et clinique des piqûres de scorpion chez l’enfant

Sébastien LARRÉCHÉ, Département de biologie médicale, hôpital d’instruction des armées Bégin, Saint-Mandé

Le nombre d’envenimations scorpioniques est estimé à plus d’un million chaque année et constitue un problème de santé publique dans certaines régions telles que l’Afrique du Nord ou le Mexique. Alors qu’elles sont le plus souvent responsables uniquement d’une symptomatologie locale, les piqûres de scorpion sont à risque de forme sévère, voire de décès chez l’enfant.

Scorpions et venins Apparus il y a 450 millions d’années, les scorpions constituent un ordre (Scorpiones) appartenant à la classe des arachnides au sein de l’embranchement des arthropodes. L’appareil venimeux ou telson est situé à l’extrémité du métasome (la « queue » du scorpion) et est constitué d’une vésicule renfermant deux glandes venimeuses reliée à un aiguillon. Ces glandes sont entourées d’une musculature striée squelettique permettant une injection volontaire du venin. Ce sont des animaux nocturnes, occupant des biotopes variés : tapis forestier, pierres, terriers mais aussi les milieux anthropisés. Sur plus de 2 300 espèces, seule une trentaine est susceptible d’entraîner une envenimation systémique. La plupart des genres réputés dangereux appartiennent à la famille des Buthidae : Androctonus (figure) et Leiurus en Afrique sahélo-saharienne et au Moyen-Orient, Buthus dans le pourtour méditerranéen et en Afrique du Nord, Parabuthus en Afrique australe, Hottentotta en Asie (notamment en Inde avec l’espèce H. tamulus), Centruroides du sud des États-Unis à l’Amérique centrale, et Tityus en Amérique du Sud. Seuls deux genres d’intérêt médical appartiennent à d’autres familles : le genre Hemiscorpius (famille des Hemiscorpiidae) et le genre Nebo (famille des Scorpionidae) présents au Moyen-Orient. Figure. Androctonus australis. Les venins des Buthidae sont riches en neurotoxines ciblant les canaux ioniques. Il en résulte une dépolarisation prolongée des neurones, avec libération massive de neuromédiateurs. La libération d’acétylcholine conduit à l’activa- tion du système autonome para-sympathique et du système somatique, tandis que la libération de catécholamines endogènes (noradrénaline, adrénaline) est responsable d’une activation du système orthosympathique. L’analyse transcriptomique des glandes venimeuses suggère l’existence en proportions variables d’enzymes (phospholipases, métalloprotéases, sérine protéases, hyaluronidase), de peptides antimicrobiens, d’inhibiteurs de protéases, de peptide potentialisant la bradykinine et de protéines riches en cystéine. Le venin d’Hemiscorpius lepturus se distingue par rapport à ceux des Buthidae par une faible concentration de neurotoxines compensée par une abondance d’enzymes. Épidémiologie du scorpionisme Plus de 1 200 000 envenimations scorpioniques surviennent chaque année tandis que les décès relatifs pourraient dépasser les 3 000 cas. L’incidence et la gravité potentielle sont plus marquées dans certaines régions : l’Afrique sahélo-saharienne et australe, le Moyen-Orient, l’Inde, le Mexique et le sud des États-Unis, le bassin amazonien. Les chiffres du scorpionisme sont probablement sous-estimés : les patients présentant des formes modérées sont le plus souvent pris en charge en dehors des circuits classiques, tandis que les plus sévères peuvent décéder avant d’atteindre une unité de soin. La plupart des études s’accordent sur le fait que les enfants sont moins souvent piqués que les adultes mais qu’ils sont plus à risque de développer une forme sévère. Les piqûres de scorpions surviennent le plus souvent la nuit et leur fréquence est plus importante pendant la saison chaude. En Amérique latine, les périodes pluvieuses sont associées à une augmentation du nombre de piqûres, du fait des déplacements plus fréquents des scorpions pour trouver des abris. En Afrique du Nord, les envenimations scorpioniques concernent principalement la zone rurale, à l’extérieur des habitations. À l’inverse, aux États-Unis, les piqûres surviennent le plus souvent à la maison. Une étude s’étant intéressée au scorpionisme américain domiciliaire a montré que les enfants étaient le plus souvent piqués dans le salon, tandis que le scorpion était souvent retrouvé sur le sol. En Amérique latine, le scorpionisme est aussi bien rural qu’urbain, et les enfants sont particulièrement concernés par les piqûres survenant au domicile. Au Brésil, l’incidence des piqûres de scorpion dans la population générale a triplé entre 2007 et 2017, survenant le plus souvent dans les centres urbains. Cette augmentation du nombre de cas semble liée à l’accélération de l’urbanisation dans certaines régions sans la création concomitante d’infrastructures sanitaires telles que le traitement des eaux usées ou le recueil des ordures ménagères. Le scorpionisme urbain est également devenu problématique dans plusieurs grandes villes d’Argentine, avec une vingtaine de décès d’enfants rapportés ces dernières années. Présentation clinique et évaluation de la gravité La gravité est conditionnée à la fois par l’animal (espèce, taille, composition et quantité de venin injecté) et par le patient (site de la piqûre, poids, âge, comorbidités, délai et qualité de la prise en charge). La piqûre des Buthidae entraîne une douleur locale intense, parfois associée à des signes inflammatoires (œdème ou érythème). Si l’animal n’a pas été vu, a fortiori en cas de douleur isolée, le diagnostic est difficile et doit être évoqué en zone d’endémie devant un enfant pleurant brutalement sans raison. La trace d’une piqûre doit être alors recherchée avec attention. Plus rares, les signes systémiques sont dus à la stimulation des voies parasympathique et sympathique, se traduisant respectivement par des syndromes muscarinique et adrénergique. Alors que les formes systémiques sont marquées par une dysautonomie quelle que soit l’espèce de Buthidae en cause, les genres Androctonus, Buthus, Leiurus, Mesobuthus, Hottentota, Tityus sont plus souvent responsables d’une atteinte cardio-circulatoire, tandis que les genres Centruroides et Parabuthus sont davantage associés à une excitation neuromusculaire. La classification de Khattabi permet d’apprécier la sévérité de l’envenimation, en distinguant 3 classes : la classe 1 correspond à une atteinte locale pure, la classe 2 à des signes systémiques correspondant à une dysautonomie ou à une excitation neuromusculaire, la classe 3 à une défaillance d’organe (tableau). L’envenimation par Hemiscorpius est dominée par une atteinte cytotoxique. La piqûre est peu douloureuse mais est à l’origine, 24 heures plus tard, d’une inflammation avec érythème et œdème, parfois compliquée de phlyctènes ou d’une nécrose. Une dysautonomie modérée est possible. L’atteinte systémique est surtout marquée par une hémolyse avec hémoglobinurie ou une insuffisance rénale aiguë. Il n’existe pas de test permettant en routine un diagnostic positif de scorpionisme et encore moins un diagnostic d’espèce responsable de l’envenimation. Le syndrome adrénergique peut se traduire par une hyperleucocytose, une hyperglycémie ou une hypokaliémie de transfert. Certaines anomalies biologiques sont associées à la mortalité : hyperleucocytose, throm- bocytose, insuffisance rénale, cytolyse hépatique, hyperglycémie, augmentation des CPK. Les examens paracliniques permettent le diagnostic précoce de l’atteinte cardiaque : anomalies électrocardiographiques, ascension de la troponine et du NT proBNP, diminution de la fraction d’éjection du ventricule gauche sur l’échocardiographie.

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