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Vaccinologie

Publié le 27 déc 2009Lecture 15 min

Vaccination « autour de la grossesse » : de la mère au nouveau-né

D. PINQUIER, Institut Hospitalo-Universitaire, Rouen

La période périnatale, au carrefour de plusieurs professions, est un exemple de démarche globale. Les pédiatres pourraient y jouer un plus grand rôle auprès des jeunes parents en leur recommandant de mettre à jour leurs vaccinations. Cette action sera étendue à la fratrie, aux adolescents, aux femmes en âge d’avoir des enfants et à l’ensemble de la famille, tout comme pour l’ensemble des personnes en contact de très jeunes nourrissons selon les recommandations actuelles du calendrier vaccinal. Cette démarche concourt à apporter au futur nouveau-né une protection indirecte pour certaines infections en attendant de pouvoir, à son tour, être protégé par la vaccination.

 
Convaincre de l’intérêt de la vaccination Les vaccins sont des outils essentiels de prévention des maladies infectieuses, même si la disparition de certaines maladies a modifié la perception du rapport bénéfice- risque des vaccins et peut conduire à se questionner quant à l’utilité de mettre à jour ces vaccinations. La mobilisation des professionnels ne pourra être efficace qu’avec une opinion publique réceptive. Pour ce faire, il faut répondre à plusieurs exigences : informer, éduquer, convaincre et associer à la vaccination un message de prévention du risque infectieux dans une démarche globale pour les parents eux-mêmes et pour leurs enfants. Les parents deviennent ainsi des acteurs à part entière de la prévention vaccinale pour leurs enfants après avoir été sensibilisés à l’intérêt de mettre à jour leurs vaccinations. La mobilisation des professionnels ne peut être efficace qu’avec une opinion publique réceptive. De nombreux rendez-vous vaccinaux potentiels existent notamment autour de la naissance : – la période pré-conceptionnelle avant tout projet parental ; – à l’occasion d’une grossesse ; – la naissance ; – le séjour en maternité ; – premières semaines du post partum Ces occasions doivent être mises à profit pour sensibiliser et informer les patients de l’importance de la mise à jour des vaccinations de l’ensemble de la famille et de l’entourage proche du futur nouveau- né. Cette action ne peut se concevoir, pour être efficace, que de façon globale, en intégrant à la vaccination de l’enfant, les rappels vaccinaux de l’adulte, les recommandations pour les jeunes ou futurs parents et les vaccinations des professionnels au contact de très jeunes nourrissons non encore protégés(1) (tableaux 1 et 2). La coordination des différents acteurs « ville-PMI-hôpital » est nécessaire à cette période qui constitue un moment privilégié de sensibilisation autour de la mère, son enfant, la famille et l’entourage (2). Période préconceptionnelle avant tout projet parental : le rôle du médecin de famille Ne pas être immunisée contre la rougeole, la varicelle et la rubéole avant une grossesse peut faire prendre des risques à la mère et au futur nouveau-né. Éviter les embryopathies La rubéole et la varicelle au cours de la grossesse comportent un risque d’embryofoetopathie. Il est donc primordial de préparer l’arrivée du nouveau-né(3-5). ● La rubéole congénitale, conséquence de l’infection du perpartum, est une affection redoutable pour le foetus. Le risque de complications est particulièrement élevé pendant les premiers mois de gestation. Les données récentes sont encourageantes et en faveur d’une faible circulation du virus de la rubéole, avec en 2006 aucun cas déclaré de rubéole congénitale. Ces résultats reflètent l’adhésion aux recommandations vaccinales associant la vaccination Rougeole- Oreillons-Rubéole (ROR) chez le nourrisson et le rattrapage de la vaccination des mères non immunisées dans le post partum en maternité. ● La varicelle. Les risques de la varicelle chez la femme enceinte sont, d’une part, la survenue d’une embryopathie (2 % des infections du post partum), surtout autour de 13-20 SA et, d’autre part, dans le peripartum (48 heures avant ou dans les 5 jours après la naissance), le risque de varicelle néonatale gravissime pouvant conduire au décès. En France, la vaccination contre la varicelle est recommandée pour les enfants de plus de 12 ans et les adultes ayant échappé à la maladie dans l’enfance, afin de les protéger d’une forme grave et d’éviter la panique que suscite la survenue d’une varicelle dans l’entourage d’une femme enceinte. La mère immunisée va de plus transmettre à son nouveau-né des anticorps qui le protégeront pendant les premières semaines.   Les bouffées épidémiques de rougeole en France Être immunisé, c’est circonscrire les épidémies, limiter la diffusion et espérer faire disparaître la maladie( 6). La France s’est engagée dans un plan de lutte et d’élimination de la rougeole. La rougeole, tout comme la varicelle, peut provoquer des pneumonies et encéphalites chez la mère pendant la grossesse. La vaccination avant tout projet de grossesse a pour but d’immuniser la mère, mais aussi de protéger indirectement le nouveau-né. D’une part, l’immunisation des mères et de l’entourage familial va interrompre la diffusion intrafamiliale de la maladie, d’autre part, la mère immunisée va, par le biais d’une transmission d’Ac protecteurs en fin de grossesse, conférer à son nouveau- né une immunité passive transitoire.   La coqueluche dans l’entourage, un danger pour le nourrisson non immunisé Il faut vacciner les adultes, jeunes parents, professionnels de la santé et de la petite enfance, pour protéger les très jeunes nourrissons( 7-10). Maladie très contagieuse, la coqueluche ne se transmet plus d’enfant à enfant, mais entre adultes, et des adultes vers le nourrisson. La coqueluche chez les très jeunes nourrissons justifie une hospitalisation et peut mettre en jeu le pronostic vital. Les Ac d’origine maternelle ne confèrent pas une protection suffisante à l’enfant. La recrudescence des cas de coqueluche observée est le fait de la persistance de la circulation de la bactérie et de la diminution progressive de l’immunité acquise (8 à 10 ans), que ce soit après la maladie naturelle ou après la vaccination. Faute d’une pratique suffisante des rappels chez les adolescents et les adultes, un réservoir naturel de la maladie s’est constitué, source de la contamination des très jeunes nourrissons non ou incomplètement vaccinés. L’enfant ne peut acquérir une immunité suffisante qu’après avoir reçu les trois premières doses de vaccin coqueluche qui, compte tenu du retard fréquemment observé, rend le nourrisson très vulnérable avant l’âge de 6 mois. Pour la coqueluche, la source de contamination retrouvée est le plus souvent intrafamiliale. La source de la contamination retrouvée est le plus souvent intrafamiliale ; c’est dire l’importance des rattrapages vaccinaux des parents ou futurs parents, mais aussi de toutes les personnes susceptibles de s’occuper de l’enfant : grands-parents, frères et soeurs plus âgés ayant échappé aux rappels coquelucheux, ou assistantes maternelles. Chez l’adulte, cette vaccination pourra être effectuée à l’occasion d’un rappel décennal avec un vaccin quadrivalent dTPca à dose réduite en anatoxine diphtérique, offrant une meilleure tolérance. Depuis 2004, une politique de prévention vaccinale indirecte dite « stratégie du cocooning » (vacciner les grands pour protéger indirectement le nourrisson) a été mise en place pour enrayer cette transmission intrafamiliale de la coqueluche. Cette démarche a été renforcée par une campagne de rattrapage des rappels manqués de l’enfant et de l’adolescent jusqu’à 16-18 ans, suivie de l’introduction d’un rappel supplémentaire chez l’adulte à l’âge de 26-28 ans et complétée par la mise à jour des vaccinations des professionnels au contact de très jeunes nourrissons et qui n’ont pas reçu de vaccination contre la coqueluche au cours des 10 dernières années à l’occasion d’un rappel décennal dTP.   Pendant la grossesse Médecin de famille, obstétriciens et sages-femmes se doivent de dépister les situations à risque et de planifier la mise à jour des vaccinations de l’ensemble des membres de la famille, au mieux avant la naissance(1,2). La stratégie du cocooning sera poursuivie et la vaccination contre la grippe saisonnière en période épidémique pourra être discutée dans les situations à risque(10,11). Pour la coqueluche, l’information sur l’importance de mettre à jour la vaccination de l’entourage sera renouvelée : père, fratrie et personnes en charge de la garde du futur nourrisson. La « stratégie du cocooning » consiste à vacciner les grands pour protéger indirectement le nourrisson. Les situations à risque pouvant bénéficier d’une prévention vaccinale seront recherchées(1,2). La déclaration de grossesse, l’entretien du 4e mois, les consultations de suivi seront autant d’occasions de relayer l’information. Parmi les acteurs, les sages-femmes, au carrefour de plusieurs professionnels de santé, sont des relais incontournables dans cette démarche, tout comme les obstétriciens et les médecins traitants. Trois situations seront individualisées en vue d’une prévention vaccinale en maternité après la naissance : – le dépistage des femmes enceintes non immunisées pour la rubéole ; – la prévention de la transmission materno-foetale du virus de l’hépatite B ; – l’identification des situations à fort risque d’exposition à la tuberculose.   ● Hépatite B La prévention de la transmission du virus de l’hépatite B de la mère à l’enfant lors de l’accouchement est articulée autour d’un dépistage sérologique de l’antigène HBs au 6e mois de grossesse (décret n°92-143 du 14/02/1992) associé à la sérovaccination du nouveau- né à la naissance. Cette stratégie est justifiée par le risque très élevé de transmission verticale du virus de la mère infectée à son enfant. En l’absence de sérovaccination, la contamination du nouveau-né est de l’ordre de 70 à 90 % avec un risque élevé d’évolution vers une hépatite chronique et ses complications (cirrhose et cancer primitif du foie).   ● Tuberculose Pour la prévention de la tuberculose, la politique vaccinale à été modifiée avec une suspension de l’obligation vaccinale de tous les enfants entrant en collectivité (décret n°2007-1111 du 17/07/2007) au profit d’une recommandation forte pour les situations à risque définies dans le calendrier vaccinal : enfants nés en pays d’endémie, devant y séjourner plus d’un mois d’affilée ou dont l’un au moins des parents est originaire de ces pays, enfants ayant des antécédents familiaux de tuberculose, enfants résidant en Île-de-France ou en Guyane, enfants en situation défavorable les exposant au bacille tuberculeux.   À la naissance Vacciner les enfants nés de mères porteuses de l’Ag HBs est une mission des pédiatres de maternité et des sages-femmes (12,13). Cette démarche repose sur l’efficacité de la sérovaccination (85 à 90 % des cas). Les immunoglobulines (100 UI) doivent être administrées le plus tôt possible, dans les 12 heures, avec une vaccination pratiquée en un site d’injection différent. Un schéma à 2 doses administrées à 1 mois d’intervalle suivi d’une 3e dose à 6 mois est nécessaire chez le nouveau-né (schéma 0, 1, 6 mois). Pour le nouveau-né prématuré de moins de 32 SA ou de poids de naissance < 2 kg, un schéma comprenant une dose supplémentaire à 4 doses est recommandé (0, 1, 2, 6 mois). L’efficacité de cette stratégie devra être évaluée par la recherche de l’antigène HBs et le titrage des Ac HBs, à partir de l’âge de 9 mois et si possible 4 mois après la dernière dose vaccinale. En maternité, un rôle renforcé des puéricultrices ● Prévention de la tuberculose. L’interrogatoire recherchera dans l’entourage du nouveau-né toute situation clinique évocatrice de tuberculose chez l’adulte qui constitue la source de contamination essentielle des jeunes nourrissons( 1,2). La vaccination BCG par voie intradermique est fortement recommandée chez les enfants exposés à un risque élevé de tuberculose dès la maternité. Avant 3 mois, les nourrissons seront vaccinés sans test tuberculinique préalable. Toute décision de vaccination contre la tuberculose en maternité sera précédée par la recherche de situations ou d’antécédents qui pourraient faire craindre une altération constitutionnelle ou acquise de l’immunité (consanguinité, VIH...). En effet, les déficits immunitaires congénitaux ou acquis, notamment dus au VIH, constituent une contre-indication définitive à la vaccination BCG. En cas de doute sur un déficit immunitaire ou sur une contamination mère-enfant par le VIH, la vaccination sera suspendue tant que la preuve d’absence d’infection de l’enfant par le VIH n’aura pas été faite. La surveillance de ces enfants doit être très stricte.   ● Prévention contre la rubéole. La mère non immunisée contre la rubéole sera vaccinée dans le post partum, avant le retour à domicile, l’allaitement ne constituant pas une contre-indication à la vaccination. La sagefemme, qui depuis 2005 par de nouveaux textes législatifs a vu son rôle conforté dans la prévention vaccinale, est l’acteur clé de la lutte contre la rubéole congénitale.   ● Prévention contre la coqueluche. Pour la mère qui n’est pas à jour de sa vaccination contre la coqueluche, elle lui sera proposée dans le post partum immédiat, le plus tôt après l’accouchement. L’allaitement n’est pas une contre- indication. Chez l’adulte, le délai minimal séparant une vaccination dTPolio de l’administration d’un vaccin dTCa-Polio peut être ramené à 2 ans. Les vaccinations de l’entourage familial seront vérifiées et les conseils de prévention vaccinale renouvelés pour le père, la fratrie, l’entourage proche et toute personne en charge de la garde du futur nourrisson pendant les 6 premiers mois de vie. La vaccination est d’ailleurs le plus souvent bien acceptée quand elle est proposée dans le post partum et justifiée par la protection du jeune enfant.   ● Prévention de la grippe. Cette stratégie de prévention indirecte par la vaccination de l’entourage des nourrissons est également importante dans la prévention de la grippe saisonnière, qui entraîne chez les jeunes nourrissons des taux d’hospitalisation proches de ceux des adultes les plus fragiles. Elle est bien acceptée par l’entourage ; en offrant à la famille et à son entourage la possibilité de se faire vacciner à la maternité, on peut espérer une bonne couverture vac- cinale autour des très jeunes nourrissons à risque. Il a d’ailleurs été démontré tout récemment le bénéfice de la vaccination des mères contre la grippe saisonnière et de son impact protecteur vis-àvis de la grippe pour elle et son enfant dans les 6 premiers mois (14,15).   Après la sortie de maternité La vaccination du nourrisson sera initiée dès l’âge de 2 mois (2). Il pourra être proposé un rendezvous dans les 15 jours après la naissance pour la mère et son enfant. L’initiation précoce des vaccinations pourra être ainsi abordée chez des parents sensibilisés et les vaccins débutés précocement pour la coqueluche, la diphtérie et la prévention des méningites à Hæmophilus influenzæ de type b (Hib) et à pneumocoque. Pour ce premier rendez-vous vaccinal du nourrisson, on ne tiendra compte que de l’âge civil et l’utilisation du vaccin hexavalent, qui combine la vaccination pour DTPCaHib et HB, est à encourager pour les parents qui souhaitent protéger leur enfant contre l’hépatite B dès l’âge de 2 mois, associé au vaccin conjugué anti-pneumococcique administré en deux sites différents. Dans le même ordre d’idée, les vaccinations des autres enfants de la fratrie seront à nouveau vérifiées, tout particulièrement pour l’Hib et le pneumocoque, selon les recommandations du calendrier vaccinal. En effet, pour ces deux vaccins conjugués, un impact sur portage naso-pharyngé des enfants vaccinés existe et son effet protecteur indirect visà- vis des non vaccinés est démontré. Un effet protecteur vis-à-vis des très jeunes nourrissons peut être également attendu. Enfin, une réflexion sur les modalités de garde et les risques de la collectivité devra être abordée à l’approche des épidémies saisonnières de bronchiolites et de gastroentérites   Conclusion La sensibilisation des parents est une étape essentielle de réussite et d’adhésion à la prévention vaccinale. Le médecin de ville est en première ligne pour évaluer le statut vaccinal des patients et coordonner la politique vaccinale de manière globale pour l’ensemble de la famille. La protection individuelle acquise avec le vaccin nécessite des rappels réguliers pour maintenir une protection durable et réduire la diffusion de certaine maladie. De nombreuses occasions existent pour sensibiliser les parents et l’entourage des jeunes nourrissons. Les pédiatres au coeur de la relation parents/enfants pourraient y jouer un plus grand rôle. Si nous accompagnons mieux les parents dans leur rôle d’éducation, nous pouvons espérer en faire des acteurs à part entière de la prévention vaccinale pour leur enfant. Pour la pratique, on retiendra • Protéger la femme en âge de procréer par la vaccination, c’est éviter certaines embryofoetopathies graves (rubéole, varicelle). • La transmission passive d’anticorps par la mère immunisée apporte à l’enfant une protection temporaire les premiers mois pour certaines maladies (tétanos, rougeole, varicelle…). • La stratégie dite du cocooning devra être bien expliquée aux futurs parents et les différents rendez-vous potentiels autour de la naissance seront mis à profit pour recueillir l’adhésion des parents avant l’arrivée du nouveau-né. • La vaccination de tout l’entourage est à promouvoir pour la coqueluche et la grippe saisonnière en attendant que le jeune nourrisson soit en âge d’être protégé à son tour par la vaccination. • L’action auprès des jeunes parents devra être étendue par la mise à jour de l’immunisation de la fratrie et de l’entourage selon les recommandations actuelles du calendrier vaccinal. • Cette démarche autour de la naissance pour être efficace doit être globale et nécessite la coordination de nombreux acteurs.  

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