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Cas cliniques

Publié le 28 jan 2009Lecture 6 min

Un torticolis pas si banal…

P. CAVALLI, M. TARDY, L. ABID - Service de Pédiatrie, Centre hospitalier général de Firminy
Marion, fillette de 3 ans, sans antécédent, est amenée par sa mère aux urgences pédiatriques pour un torticolis évoluant depuis 15 jours.
Histoire clinique Le torticolis a débuté un soir au retour de chez sa nourrice où elle aurait fait une chute (la maman avait remarqué ce soir-là une pâleur inhabituelle de l’enfant et un hématome du pavillon de l’oreille gauche). Deux jours plus tard, devant la posture inhabituelle de son enfant, elle consulte son médecin traitant qui diagnostique une pharyngo-laryngite et prescrit une corticothérapie par bétaméthasone pendant 3 jours. Devant la persistance du torticolis au bout de 8 jours, elle consulte un ostéopathe dont les manipulations cervicales, douces, s’avèrent inefficaces. C’est dans ce contexte que nous recevons la fillette aux urgences pédiatriques au bout de 2 semaines d’évolution du torticolis. Examen clinique À l’examen général, Marion est fébrile à 38,5 °C, mais elle n’a présenté ni frisson, ni cyanose, ni marbrure. C’est d’ailleurs la première fois que la fièvre est objectivée : elle n’a pas été prise pendant ces 15 derniers jours. L’enfant présente un torticolis gauche réductible et une pâleur cutanée. L’examen ORL retrouve une angine érythémato-pultacée bilatérale, les tympans étant normaux, les aires ganglionnaires cervicales libres. L’examen neurologique est normal. En particulier, on ne retrouve pas de syndrome cérébelleux ni de signe d’hypertension intracrânienne. La palpation des épineuses cervicales n’est pas douloureuse et on retrouve une contraction exagéré du sterno-cleïdo-mastoïdien gauche. Le reste de l’examen clinique est sans particularité.   Figure 1. Clichés cervicaux de face (a) et de profil (b). On ne note pas de ruptures de courbure du rachis cervical ni d’épaississement des parties molles. Examens complémentaires initiaux Les clichés cervicaux (figure 1), réalisés devant la notion initiale de traumatisme, sont normaux. Le bilan biologique montre un syndrome inflammatoire (encadré). Bilan Biologique NFS : – Hb : 12,3 g/dl – GR : 4,5 M/mm3 – GB : 12 100/mm3 (75 % de PNN) – Plaquettes 339 000/mm3 CRP : 93 mg/l puis 153 mg/l 24 h après Procalcitonine : 0,73 mg/ml Glycémie : 5,3 mmol/l Ionogramme sanguin (mmol/l) : Na : 140 ; K : 3,9 ; Ca : 2,55 ; bicarbonates : 24 ; urée : 1,6 Créatinine : 34 μmol/l Protides : 71 g/l   Quelles sont vos hypothèses diagnostiques ? Discussion diagnostique À ce stade, le diagnostic reste incertain entre une suppuration ORL méconnue, une spondylodiscite ou un traumatisme cervical coexistant fortuitement avec une angine. • Après prélèvements bactériologiques (sang, urine, gorge), un traitement antibiotique parentéral par ceftriaxone + métronidazole est instauré, dans l’hypothèse d’une infection ORL compliquée. L’examen par le médecin ORL, les clichés radiologiques et l’échographie cervicale effectuée par un radiopédiatre ne montrent pas de signe en faveur d’une suppuration ORL. L’antibiothérapie est modifiée : ceftriaxone + vancomycine à visée antistaphylococcique. Un collier cervical semi-rigide est mis en place. • La scintigraphie osseuse montre une hyperfixation tardive se projetant au niveau des vertèbres cervicales C1 – C2 (figure 2), mais ne permet pas de trancher entre l’hypothèse traumatique et la spondylodiscite. C’est l’IRM cervicale qui apporte le diagnostic de certitude (figure 3), confirmant un aspect de spondylodiscite cervicale C1–C2, sans épidurite ni signe d’atteinte médullaire.   Figure 2. Scintigraphie cervicale :clichés tardifs d’incidence antérieure et postérieure montrant une hyperfixation non spécifique se projetant en regard de l’espace axo-atloïdien.  Figure 3. IRM cervical en coupe sagittale T1 avec injection (a) et en T2 avec agrandissement (b). On note un hyposignal de l’odontoïde en T1 avec rehaussement périphérique lié à l’injection de gadolinium ainsi qu’un léger hyper signal T2. Évolution L’apyrexie est rapidement obtenue au bout de 48 heures, les douleurs cervicales diminuent et le torticolis régresse au bout de quelques jours permettant à la fillette de faire du tricycle dans le couloir. Le syndrome inflammatoire biologique diminue. Au niveau bactériologique, les hémocultures et l’ECBU reviennent négatives. Le prélèvement de gorge montre une flore variée banale. Nous retenons donc le diagnostic de spondylodiscite cervicale axoatloïdienne avec une probable porte d’entrée ORL sans qu’aucun germe n’ait été objectivé. La durée de l’antibiothérapie a été de 6 semaines (2 semaines IV puis 4 semaines per os) avec maintien du collier cervical pendant toute la durée du traitement.   Commentaires La spondylodiscite est une atteinte infectieuse des disques intervertébraux. Elle est plus fréquente, comme toutes les infections ostéoarticulaires, chez l’enfant que chez l’adulte. Elle peut survenir préférentiellement sur terrain d’immunodépression (déficit immunitaire, diabète, corticothérapie), mais pas nécessairement. La contamination se fait par voie hématogène à partir d’une porte d’entrée infectieuse, le plus souvent ORL ou cutanée, parfois depuis un site opératoire (chirurgie récente). La localisation la plus fréquente est lombaire, l’atteinte d’un disque cervical étant exceptionnelle. Le retard diagnostique est fréquent en raison d’une symptomatologie parfois fruste et non spécifique.   Diagnostic On distingue plusieurs présentations cliniques selon l’âge : • nourrisson : lyses osseuses aboutissant à une cyphose, secondaires à une septicémie ; • petit enfant 1 à 4 ans : démarche guindée, boiterie, refus de la station assise, douleurs abdominales dans un contexte fébrile ; • Grand enfant de plus de 4 ans : tableau similaire à celui de l’adulte, avec : – fièvre (souvent peu élevée) ; – douleur rachidienne avec recrudescence nocturne et raideur constante ; – signes possibles de compression médullaire ou radiculaire (stade évolué). • La biologie montre un syndrome inflammatoire non spécifique (leucocytose, élévation de la CRP et de la procalcitonine). Les prélèvements bactériologiques sont capitaux, afin d’identifier le germe responsable : plusieurs hémocultures, prélèvement de porte d’entrée (cutanée, ORL, ECBU…). Il est cependant fréquent qu’aucun germe ne soit identifié. • La ponction discale radio-guidée est discutée selon les équipes. Certains la préconisent uniquement en cas d’absence d’amélioration sous antibiotiques. • Le bilan radiographique comprend initialement des radiographies simples, qui montrent le pincement discal, puis l’érosion des plateaux vertébraux et, plus tardivement, une ostéophytose condensante. • La scintigraphie osseuse peut fournir une orientation. • L’IRM est actuellement l’examen de choix pour affirmer le diagnostic, visualiser la gravité et les complications éventuelles.   Traitement Le traitement associe : • une bi-antibiothérapie prolongée (2 semaines IV, puis 4 semaines per os) visant prioritairement le Staphylocoque et Kingella kingae (ce bacille à gram négatif est actuellement le deuxième germe le plus fréquemment retrouvé dans les infections ostéo-articulaires en pédiatrie) et secondairement adaptée à l’antibiogramme. • Une immobilisation rigide par collier ou par corset pendant toute la durée de l’antibiothérapie, au minimum. Des séquelles peuvent survenir, nécessitant une surveillance clinique et si besoin radiographique à distance. Elles vont des douleurs rachidiennes minimes à l’instabilité secondaire par tassements vertébraux, pouvant évoluer vers une cyphose définitive.  

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