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Douleur

Publié le 17 jan 2011Lecture 8 min

Les grandes avancées des 50 dernières années en pédiatrie : la prise en compte de la douleur chez l’enfant

D. ANNEQUIN, Unité fonctionnelle d’analgésie pédiatrique, Hôpital d'enfants Armand Trousseau, Paris

Dans les années 70, le thème de la douleur de l’enfant « n’existait pas » dans la pratique médicale. La douleur était considérée soit comme inexistante, soit sans conséquence néfaste pour l’enfant. Ce déni s’inscrivait dans une culture qui a longtemps valorisé la douleur. Rappelons que les douleurs engendrées par une maladie, la douleur chronique et celle provoquée par des gestes médicaux mal encadrés peuvent avoir des conséquences psychiques durables chez certains enfants. Même si la prise en charge de la douleur s’est progressivement imposée en médecine, il demeure une très grande variabilité dans les comportements. 

 
Un véritable « livre noir » retrace les actes invasifs ou chirurgicaux qui ont été couramment pratiqués sans la moindre anesthésie et « sans scrupule » chez l’enfant : fermeture du canal artériel du nouveau-né, amygdalectomie, adénoïdectomie, circoncision, sutures, paracentèse, endoscopies… Chez l’enfant, la douleur devait lui permettre de se forger le caractère pour mieux l'aider à affronter le « buisson d’épines » de la vie. Les vertus pédagogiques de la douleur infligée lors des châtiments corporels, ont largement été recommandées et codifiées par l'institution scolaire : le fouet, la férule, le martinet ont longtemps représenté des outils éducatifs essentiels. À l'échelle de la planète, il faut rappeler que la douleur demeure un moyen éducatif et pédagogique très répandu dans l'éducation des enfants. Cependant, les douleurs quotidiennes (bosses, coups, petites brûlures, etc.) demeurent nécessaires à l'enfant pour apprendre, intégrer les repères, les limites de son corps et de son environnement, mais aussi pour structurer son schéma corporel. En revanche, les douleurs de la maladie, celles provoquées par une ponction lombaire, une paracentèse n'ont jamais été maturantes. Toutefois, pour une vaccination, il peut être tout à fait légitime de ne pas utiliser de crème anesthésiante chez un enfant qui est en confiance et qui souhaite pouvoir affronter avec succès cette « épreuve ».   État des lieux Douleur aiguë Chez les enfants, la douleur provoquée par les soins, les actes médicaux, la chirurgie ou les explorations, représente la cause de douleur la plus fréquente. L’étude EPIPPAIN (1), réalisée dans 13 centres français de réanimation néonatale, a permis de colliger et d’analyser les conditions de réalisation de plusieurs milliers de gestes douloureux. Ainsi, 30 161 gestes de nature douloureuse et 30 814 gestes dits « inconfortables » ont été retrouvés chez ces 431 enfants. De grandes disparités intercentres ont été mises en évidence. Les modifications des pratiques bénéfiques aux enfants devraient pouvoir être précisées.   Douleur chronique et douleurs prolongées Il semble important d’attirer l’attention sur trois points :  La migraine, maladie d’origine génétique, est largement sous-estimée chez l’enfant, et touche 5 à 10 % des enfants de moins de 15 ans.  L’enfant handicapé : une équipe française (Hôpital San Salvadour, Hyères [83]) a été à l’origine de la première grille comportementale de la douleur chez l’enfant handicapé(2). D’autres grilles ont depuis été publiées. Néanmoins, ce type de douleur demeure très mal identifié. Les maladies neuromusculaires, les enfants porteurs d’ostéogenèse imparfaite, les maladies lysosomales, et beaucoup de maladies dégénératives donnent lieu à des douleurs continues souvent d’origine mixte (excès de nociception et neuropathique).  Les douleurs inexpliquées, les « somatisations », les équivalents dépressifs. Parmi les autres douleurs chroniques de l’enfant et de l’adolescent, se retrouvent des tableaux où les éléments dépressifs sont déterminants (3-5). Le recours à une prise en charge multidisciplinaire est alors obligatoire : les méthodes psycho-corporelles (relaxation, etc.) sont les plus efficaces (6). L’adolescent exprime plus facilement son mal-être vis-à-vis de son corps, et la sémiologie du douloureux chronique est souvent superposable à celle de la dépression : fatigue matinale, absentéisme scolaire, pensées « catastrophistes », repli social (jeux en ligne, etc.), troubles du sommeil. Ces tableaux peuvent donner lieu à des explorations sans fin, d’autant plus que les médecins consultés mettent l’hypothèse « somatisation » en toute fin de liste des diagnostics différentiels, et que les parents ou les adolescents réfutent toute part « psy » dans la genèse des troubles. « C’est la douleur qui me déprime et pas l’inverse », déclarent régulièrement ces adolescents. Derrière ce refus se retrouvent plusieurs types d’explication notamment : « Je suis responsable de ce qui m’arrive » « On va penser que je fais du cinéma », « Je suis fou ». Le terrain peut être « miné » lorsqu’il est impossible de parler ou de verbaliser (secrets de famille, alcoolisme parental, suicide, homosexualité, etc.). La douleur chronique requiert quasiment obligatoirement une prise en charge multidisciplinaire. Principaux problèmes Beaucoup de chemin a été parcouru en 25 ans. Mais malgré une amélioration des connaissances, malgré les incitations et les recommandations officielles, beaucoup d’enfants ne bénéficient pas d’une couverture antalgique suffisante.  La variabilité des pratiques Alors que beaucoup d’équipes ont modifié positivement leurs pratiques, d’autres « restent sur la touche ». Les bonnes pratiques apparaissent trop souvent « soignant- dépendantes ».  Pompe à morphine La variabilité des conditions d’utilisation du MEOPA (Mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote) en est particulièrement emblématique : tel médecin bloque son utilisation en invoquant des risques infondés (toxicomanie, etc.), tel autre garde la bouteille enfermée dans son bureau et l’utilise avec parcimonie, telle instance hospitalière bloque l’utilisation du MEOPA en invoquant des risques surdimensionnés de pollution pour le personnel, telle équipe des urgences pourtant familière de la méthode l’utilise de manière aléatoire (7), etc., alors que les données concernant la sécurité et l’efficacité du MEOPA sont particulièrement bien documentées et que des recommandations officielles existent. L’utilisation d’autres moyens antalgiques simples donne parfois lieu à des comportements aberrants (solutions sucrées bannies d’une maternité par une pédiatre non convaincue des effets antalgiques pour les effractions cutanées chez le nouveau-né ; réserve de morphine interdite par la surveillante d’un service d’urgence par crainte d’une agression, etc.). Les bonnes pratiques apparaissent trop souvent « soignantdépendantes ». La violence subie par les enfants En l’absence de couverture antalgique, l’enfant est immobilisé de force pour réaliser l’acte, le soin douloureux (8-10). Cette pratique ancienne du « passage en force » infligé aux enfants « pour leur bien » est encore régulièrement observée : sous prétexte de soins, d’actes « qui ne peuvent pas attendre », des violences sont commises sur les enfants. Tous les ingrédients (terreur, douleur) sont réunis pour fabriquer un traumatisme psychique et générer, chez certains, des comportements phobiques vis-à-vis des soins et des soignants. Au final, beaucoup de perdants, car ces pratiques néfastes à l’enfant provoquent également d’autres dégâts : chez les soignants (sentiment de disqualification professionnelle) et chez les parents (culpabilité de ne pouvoir rien faire). La non-utilisation ou le blocage de moyen antalgique peut maintenant engager la responsabilité des soignants et/ou des établissements de soin comme l’atteste une jurisprudence récente (11). Toutefois, il serait illusoire de laisser croire que tous les soins, tous les actes puissent se dérouler sans jamais recourir à une contention, mais il est clair que beaucoup de ces actes pourraient se faire beaucoup plus « pacifiquement » moyennant une réflexion, la mise en place d’objectifs précis (la contention représente un échec, elle ne peut être employée que de façon exceptionnelle après avoir utilisé plusieurs moyens antalgiques, etc.). La tolérance sociale vis-à-vis de l’absence de mise en place de moyens antalgiques est en train de changer. Faute de réactions collégiales et concertées des professionnels concernés, il est probable que l’accusation de « maltraitance » puisse être portée à l’encontre de structures, de services ou de professionnels qui n’auront pas actualisé leurs connaissances et leurs pratiques pour mieux contrôler la douleur de l’enfant. La non-utilisation ou le blocage de moyen antalgique peut maintenant engager la responsabilité des soignants et/ou des établissements de soin.   Les recommandations de bonne pratique de l’Afssaps sur les médicaments de la douleur de l’enfant Le ministère de la Santé a voulu, dans le cadre du troisième plan national de lutte contre la douleur, que l’Afssaps donne des recommandations concernant l’ensemble de la prise en charge médicamenteuse de la douleur de l’enfant. Le groupe d’experts a rédigé un argumentaire de 167 pages (327 références selon les critères de la « médecine basée sur les preuves »). Des recommandations de 13 pages synthétisent les principaux messages (encadré). Conclusion Grâce aux recommandations élaborées par l’Afssaps avec une méthodologie particulièrement rigoureuse, les professionnels de santé disposent de réponses précises et validées. Ces recommandations permettent de modifier positivement les pratiques antalgiques pédiatriques : désormais, il pourrait ainsi être reproché de ne pas appliquer ces bonnes pratiques.  

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