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Douleur

Publié le 29 mai 2011Lecture 9 min

La fibromyalgie existe-t-elle chez l’enfant ?

B. HORLÉ, Consultation de douleur chronique de l’enfant, Service de pédiatrie, CH de Brive-la-Gaillarde

La fibromyalgie est un syndrome douloureux musculo-squelettique chronique, bien connu chez l’adulte, même si le diagnostic est souvent fait tardivement. En revanche, en pédiatrie, le diagnostic est exceptionnellement évoqué et posé. Or, cette pathologie existe chez l’enfant et fait partie du diagnostic différentiel d’un tableau douloureux musculaire diffus. 

 
En 1985, dans la première publication sur le sujet, les auteurs remarquent que la fibromyalgie survient plus fréquemment chez la fille que chez le garçon (1). L’âge de survenue est variable, dès 7 ans pour les plus jeunes. Mais ce sont surtout les adolescentes qui sont rapportées fibromyalgiques. En fonction des publications, les auteurs estiment qu’environ 7 % d’enfants peuvent être fibromyalgiques, mais ce chiffre est très variable. Certaines consultations spécifiques de rhumatologie pédiatrique rapportent 7 à 40 % de patients fibromyalgiques parmi leurs nouveaux consultants (2). Afin d’avoir des chiffres plus précis, la sous-commission « Douleur » de la Société française de pédiatrie s’est fixée comme objectif de recenser le nombre des consultations/ unités ou centres spécifiques d’« évaluation et de traitement de la douleur de l’enfant ». Cela permettra de connaître le nombre d’enfants y consultant, leurs motifs de consultation, et nous donnera en conséquence plus de précision sur le nombre d’enfants fibromyalgiques en France. La fibromyalgie peut survenir tôt, dès 7 ans. Mais ce sont surtout les adolescentes qui sont touchées.   Diagnostic L’examen clinique doit inclure un examen de l’appareil musculaire La musculature squelettique est l’organe le plus lourd de notre corps et représente 40 % de notre poids corporel. Dans le cadre d’un syndrome douloureux musculosquelettique, le clinicien se doit d’inclure, dans son examen clinique, un examen précis des muscles. Dans le cadre de la fibromyalgie, il cherche par pression digitale des points douloureux. Ces derniers, au nombre de 18, sont localisés sur la figure 1.  Figure 1. Localisation des 18 points douloureux dans la fibromyalgie. Chez l’adulte fibromyalgique, au moins 11 points sur 18 sont douloureux. Chez l’enfant, les auteurs admettent la présence de 5/18 points douloureux pour pouvoir évoquer le diagnostic. Il est intéressant de noter que plus l’enfant est jeune, plus il présente de points douloureux : en-dessous de 10 ans, souvent 15/18 points sont présents, alors qu’au-delà de 10 ans, 14/18 points sont présents. La pression digitale exercée est de 4 kg/cm². Le patient fibromyalgique signale une douleur à partir de 2,58 ± 0,41 kg/cm². Le patient évalue la douleur sur une échelle EVA (échelle visuelle analogique) de 5,39 ± 1,54(2,3). Les médecins d’adultes peuvent s’aider pour le diagnostic clinique grâce au questionnaire FIRST (Fibromyalgia Rapid Screening Tool). Ce questionnaire peut être utilisé dès 18 ans ; il a été validé par rapport à des diagnostics rhumatologiques (ex. : arthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante), mais il ne l’est pas par rapport à des diagnostics neurologiques (ex. : la sclérose en plaques).   Les examens paracliniques sont normaux Aucun examen paraclinique n’est spécifique du diagnostic de fibromyalgie. Si les examens biologiques ou radiologiques sont faits, ils sont normaux. La normalité des examens paracliniques valide l’absence d’une pathologie inflammatoire- rhumatismale, orthopédique, neurologique ou cancérologique, et aide au diagnostic différentiel. Mais la réalité de la douleur reste pour autant présente. Les douleurs myofaciales sont un diagnostic différentiel, avec bilan normal, de la fibromyalgie : il s’agit d’un tableau douloureux musculaire plus localisé, avec présence de points déclencheurs sensibles à l’intérieur d’une bande palpable de fibres musculaires en tension, dont la palpation provoque une douleur référée caractéristique du muscle(4).   Prise en charge multidisciplinaire selon le modèle bio-psycho-social Un(e) enfant suspect(e) de fibromyalgie est un patient qui peut être adressé auprès d’une équipe multidisciplinaire travaillant dans une consultation/unité ou centre spécifique d’évaluation et de traitement de la douleur. La prise en charge passe d’abord par une communication claire ; celle-ci est le pilier de l’éducation thérapeutique indispensable dans cette affection chronique. Elle comprend plusieurs points et repose sur plusieurs principes : – une explication du diagnostic à l’enfant et à sa famille, en démystifiant la douleur. Il est important que l’enfant et ses parents comprennent « pourquoi cela fait si mal », alors que le bilan est normal – ensemble avec l’enfant, on établit un programme thérapeutique. On insiste sur le fait que l’amélioration sera lente et qu’il s’agit d’une affection bénigne ; – on peut conseiller aux parents certains ouvrages, notamment le livre de L.K. Zeltzer et coll. « Comprendre et vaincre la douleur chronique de votre enfant ». Ce dernier est un excellent support de base destiné aux familles d’enfants douloureux chroniques ; – on inclut dans la prise en charge la fratrie et les parents, car il faut qu’ils encouragent l’enfant à travailler les exercices de kinésithérapie en vue d’une autonomie maximale. Et dans la mesure où la prise en charge sera longue, eux aussi ont besoin d’être soutenus et entendus ; – une collaboration avec le médecin scolaire pour établir un PAI (projet d’accueil individualisé), afin de permettre à l’enfant une scolarité aussi proche de la normale que possible ; – une collaboration avec le médecin traitant et le kinésithérapeute qui prennent le relais à proximité du domicile ; – une association des traitements médicamenteux et non médicamenteux. Dans cette affection musculaire avec bilan normal, il est essentiel que le repos au lit ou au fauteuil roulant soit proscrit. Ce dernier aura pour conséquence d’entraîner à la longue une amyotrophie qui peut ellemême être source de douleur lors des mobilisations ultérieures.   Traitements médicamenteux • Parmi les traitements médicamenteux, c’est le tramadol, antalgique de palier II, qui a une efficacité prouvée. Prescrit à la dose de 2-8 mg/kg/j en 3-4 prises, il a un délai d’action de 2 h. Ce dernier est d’1 h si le tramadol est associé au paracétamol. En revanche, les AINS, les myorelaxants ou les traitements vitaminiques, certes souvent prescrits, n’ont aucun bénéfice prouvé. Même si la douleur dans la fibromyalgie peut être intense (EVA > 5/10), la morphine n’a pas d’indication. • Pour les patients présentant des paresthésies, les antidépresseurs tricycliques (AMM chez l’enfant : amitriptyline à dose progressive débutant à 0,3 mg/kg/j jusqu’à 1 mg/kg/j en 1 à 2 prise(s) de préférence le soir) ou les antiépileptiques (AMM chez l’enfant : gabapentine à dose progressive débutant à 10 mg/kg/j jusqu’à 30 mg/kg/j en 3 prises) peuvent être prescrits. Il est important de préciser aux patients que ces deux molécules ont un délai d’action long, de 7 à 10 jours, avant que l’on puisse juger de leur efficacité(5).   Traitements non médicamenteux L’amélioration repose surtout sur l’utilisation des traitements non médicamenteux.  Les méthodes physiques • L’application de chaud, plus rarement de froid (thermothérapie) ou le toucher-massage pratiqué par un professionnel de santé formé à cette méthode, induisent une détente des muscles. Le patient devient plus accessible dans la relation. Le toucher-massage permet notamment au patient douloureux chronique de sentir son corps comme étant aussi une source de sensations agréables. • La neurostimulation transcutanée externe (TENS) peut être prescrite chez l’enfant dès l’âge de 6 ans, s’il présente des paresthésies. Cette technique permet une diminution de la douleur et, en conséquence, une diminution des traitements antalgiques prescrits. Il permet à l’enfant de se prendre en charge lui-même pendant sa scolarité (figure 2). Le petit appareil est relayé à 4 électrodes qui sont à poser en regard des zones endolories. La TENS est préprogrammée et l’enfant choisit le programme qui lui délivrera l’intensité et la fréquence des décharges électriques lui procurant le plus de soulagement. Cet appareil peut rester en place de 30-60 minutes, plusieurs séances quotidiennes pouvant être réalisées. • La kinésithérapie, rééducation physique ou balnéothérapie, a prouvé son efficacité si elle est prescrite et utilisée sous forme de « coaching ». Une étude publiée en 2006 a démontré que 60 minutes de marche, de vélo ou de natation pratiquées 2-3 fois/semaine sur une période de 12 semaines, entraînent : – une diminution de la douleur et de la fatigue ; – une amélioration de la qualité du sommeil et de l’humeur(8). L’amélioration repose surtout sur l’utilisation des traitements non médicamenteux.  Les méthodes psychocorporelles • La relaxation, dont il existe différentes méthodes, a pour objectif d’apprendre un relâchement musculaire et d’engendrer par la suite une détente psychique. Dans le cadre de la prise en charge de la douleur, les bénéfices de la relaxation entraînent plutôt une réduction de la peur, voire de la dépression associées à la douleur, qu’un soulagement direct. • La distraction a pour but de détourner l’esprit d’une occupation ou d’une préoccupation négatives. Dans le cadre de la douleur, elle agit sur les composantes émotionnelles et sensorielles. Il y a deux types de distraction : – avec support : TV, musique, jeux vidéos, souffler des bulles, etc. ; – sans support : conte, chant, voyage imaginaire, etc. Elle peut se pratiquer à n’importe quel âge et même chez le nourrisson. C’est une méthode qui peut être réalisée par les parents. Beaucoup de parents l’utilisent sans même se rendre compte qu’il s’agit d’une distraction participant au traitement. • L’hypnose est une technique basée sur des phénomènes naturels qui amène le patient à se focaliser sur autre chose. Elle agit sur les composantes affective, sensorio- discriminative et émotionnelle de la douleur. Cette technique peut être apprise à l’enfant dès l’âge de 6 ans par un professionnel de santé formé, afin qu’il utilise l’autohypnose dans la gestion de douleurs aiguës ou chroniques, des troubles du sommeil ou du stress. • Les autres méthodes, comme les techniques orientales (yoga, taï-chi-chuan…) ou les arts thérapies (musique, danse, théâtre, arts plastiques…) ont un bénéfice prouvé dans la prise en charge de la douleur chronique et de la fibromyalgie (9).   La psychothérapie La consultation auprès d’un(e) psychologue permet d’évaluer la composante psychologique de la douleur, l’anxiété, voire la dépression, qui peuvent faire partie des signes cliniques de la fibromyalgie. Il s’agit également d’un moyen thérapeutique, sous forme de psychothérapie individuelle ou familiale, qui peut être utile dans le cadre de la prise en charge de l’enfant et de sa famille(10).  

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