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Syndromes et maladies rares

Publié le 06 mar 2011Lecture 13 min

L’hormone de croissance biosynthétique : 25 ans déjà

M. COLLE, Bordeaux

L’hormone de croissance (GH) a constitué une avancée majeure dans le traitement des petites tailles. Son histoire bascule en 1985, au moment où l’on apprend concomitamment la responsabilité de l’hormone extractive dans la survenue de maladies de Creutzfeld- Jakob (MCJ) et la mise au point de la première hormone de synthèse. 

 
Un nécessaire retour en arrière C’est au début du XXe siècle qu’ont été acquises les connaissances concernant l’insuffisance de sécrétion de la GH. J. Babinski en 1900, puis Frölich en 1901 décrivent d’abord le « syndrome adiposo-génital », puis le « nanisme hypophysaire » est identifié par Lorain en 1911. De la description de la maladie à son traitement, il a fallu attendre un demi-siècle.   ● 1958-1963 : le temps des précurseurs. Les premières tentatives de traitement ont conduit à purifier la GH bovine, tout comme, depuis les années 20, on avait recours à une forme purifiée de l'insuline bovine pour traiter les patients diabétiques. Toutefois, les structures moléculaires étant différentes, cette tentative de traitement fut un échec. Avec les travaux de Li permettant l’extraction de la GH humaine (1938-1944), sa purification en 1948 et la détermination de sa structure en 1956, la première tentative de traitement par GH chez l’homme a été publiée en 1958 par Maurice Raben à Boston. Il avait été capable de purifier suffisamment de GH d'hypophyses de cadavres pour traiter un nain hypophysaire de 17 ans pendant 10 mois, et montrer que ces injections étaient efficaces et bien tolérées, ne produisant pas d'effets secondaires apparents.   ● 1963-1970 : première organisation de la distribution aux États-Unis. La GH n’était disponible qu’en quantités insuffisantes et il fallait en moyenne 30 hypophyses humaines pour assurer le traitement d’un enfant pendant un an : seuls les enfants souffrant de carence totale en GH étaient traités et l'arrêt du traitement était décidé lorsque l'enfant avait atteint une hauteur minimale. La première publication d’un résultat à long terme revient à Escamilla et Forsham en 1971, qui ont traité à partir du mois d’avril 1958 un jeune garçon de 10 ans pendant une durée de huit ans, ce qui a conduit ce nain hypophysaire à une taille adulte de 162,4 cm. En 1963, le NIH conçoit l'Agence nationale de l'hypophyse afin de mieux contrôler l'approvisionnement et la distribution de l’hormone de croissance ; plusieurs autres pays vont suivre en développant leurs propres organismes de contrôle.   ● 1970-1980 : l’« industrialisation » de la GH extractive. C’est ainsi qu’en France, P. Royer crée en 1972 une structure de soins qui sélectionne les enfants, collecte les hypophyses dans les morgues hospitalières, extrait et purifie l'hormone (à l'Institut Pasteur), la conditionne en ampoules et la distribue à l'hôpital (sous la responsabilité de la Pharmacie centrale des hôpitaux), le traitement étant remboursé par la Sécurité sociale, sans autorisation de mise sur le marché. Vers la fin des années 70, la société suédoise Kabi commence à acheter des hypophyses dans les hôpitaux européens pour la première exploitation commerciale de la GH sous le nom de Crescormon ®, suivie par Serono et Novo- Nordisk.   ● 1980-1985 : les débuts de la GH synthétique. C’est en 1979 qu’on réussit pour la première fois à « introduire » le gène de la GH humaine dans le génome de la bactérie Escherichia coli (encadré). En 1981, Genentech, après avoir collaboré avec Kabi, développe la première GH synthétique humaine recombinante (rhGH). La somatrem (Protropin® aux États- Unis) diffère légèrement de la GH naturelle par un acide aminé supplémentaire (méthionine). Plus tard, un procédé amélioré a été développé permettant la synthèse d’une hormone à 191 acides aminés, la somatropine. Plusieurs grandes multinationales se sont alors lancées dans la course à la production industrielle ; en France, le groupe Sanofi dépose en 1987 sa demande d’autorisation de mise sur le marché de Maxomat® parallèlement à la mise sur le marché de l’hormone de KabiVitrum et Eli-Lilly avant que d’autres autorisations soient accordées aux firmes Novo-Nordisk et Serono.   ● 1985 : l’annonce du drame de la maladie de Creutzfeld- Jakob (MCJ). Dans une lettre en date du 4 mars 1985, le Docteur R. King attire l’attention de la FDA sur le décès, par MCJ, d’un patient traité par GH pendant 14 ans. Ce médecin estimait qu’il existait peut-être une relation entre le traitement et la cause du décès, une hypophyse infectée ayant pu transmettre la maladie. Le 8 mars 1985, le NIH recommande l’information des praticiens sur la possibilité d’un problème, la recherche de cas similaires dans la population traitée par la GH et la suspension de tous les usages non thérapeutiques de l’hormone. Peu de temps après, deux autres malades antérieurement traités par une GH de même origine décèdent aux États-Unis, et le 19 avril 1985, le sort de l’hormone de croissance extraite d’hypophyses humaines était scellé, du moins aux États- Unis. On sait que, en France, la GH extractive de l’Institut Pasteur a été délivrée jusqu’en 1987. Le 8 mars 1985, le NIH recommande l’information des praticiens sur la possibilité d’un problème…   ● 1985-1988 : de l’hormone extractive aux hormones synthétiques. En France, une polémique débute concernant les fins commerciales des firmes pharmaceutiques, les hormones synthétiques arrivant – curieusement pour certains – exactement au moment de l’annonce des premiers cas de MCJ. Quand en 1987 le premier cas français est connu, l’hormone extractive, même traitée à l’urée, n’a plus de défenseurs et seule l’hormone synthétique sera distribuée à partir de 1988. On sait maintenant l’ampleur du drame de la MCJ en France qui a fait plus de 120 victimes.   ● 1988-1992 : une seule indication en France : le déficit en GH (GHD). Le GHD a d’abord été défini par une réponse de GH inférieure à 5 ng/ml à deux épreuves de stimulation hypophysaire, puis a été étendu ensuite à 10 ng/ml introduisant la notion de déficit partiel. Dans le travail rétrospectif publié par Coste et coll., la taille définitive de ces enfants traités pendant une période moyenne de 4,3 ans avec une dose de 0,4 unité/kg/semaine entre 1973 et 1993, était en moyenne de - 2 DS, gain relativement modeste compte tenu de la lourdeur du traitement et de son coût.   ● À partir de 1992 : une extension prudente des indications. Dès 1985, quand on a bénéficié de la GH synthétique, la question s’est posée de savoir si ce même traitement, substitutif pour les déficitaires en GH, pouvait permettre à certains enfants de petite taille, non déficitaires, de bénéficier d’une amélioration de la taille adulte ; c’est ainsi que, progressivement, de nouvelles indications ont été reconnues dans le syndrome de Turner (1992), certaines insuffisances rénales chroniques (1996), les RCIU (1997) puis les enfants nés de petite taille pour le terme (2004), le syndrome de Prader-Willi (2001) et le syndrome de Léri-Weill (2009).   Les enseignements tirés de 25 années de GH synthétique Déficit en GH (GHD) Les patients avec un GHD avéré doivent être traités le plus tôt possible après confirmation du diagnostic, de préférence 7 jours sur 7, aux doses (AMM) de 0,024 à 0,033 mg/kg/j avec pour objectifs principaux la normalisation de la taille au cours de l’enfance et l’obtention d’une taille adulte normale. Pour les enfants ayant un déficit complet en GH, le traitement est, de plus, susceptible de favoriser la constitution d’une masse osseuse et musculaire normale. Ce concept d’effets métaboliques de la GH conduira à la reconnaissance du bien-fondé du traitement chez l’adulte profondément déficitaire en GH. Les rares études de taille finale rapportent un gain statural moyen de + 1,1 à 1,5 DS amenant ces enfants à une taille finale moyenne de - 1,6 à - 1,4 DS. En pratique, l’évaluation à long terme des résultats est difficile du fait de la grande hétérogénéité des patients. Il est important de bien distinguer le traitement des déficits organiques, dont les résultats sont souvent satisfaisants, surtout s'il existe un déficit gonadotrope associé, des déficits dits idiopathiques, dans lesquels il y a un nombre non négligeable de retards simples de la croissance et de retards pubertaires, où une réévaluation des résultats est nécessaire.   Syndrome de Turner Le syndrome de Turner, caractérisé par une anomalie du nombre et/ou de la structure du chromosome X, entraîne constamment un problème de croissance. La taille adulte moyenne de ces filles varie de 142 à 147 cm selon les pays. L’indication du traitement par la GH exogène est fondée sur le renforcement de l’effet de la GH endogène. Chez ces enfants, une dose plus élevée que dans le traitement du GHD entraîne une augmentation significative de la vitesse de croissance. Le gain final moyen est de l’ordre de 4 à 9 cm par rapport à la taille projetée. L’efficacité du traitement dépend principalement de la précocité du traitement et de sa durée, mais aussi de la posologie utilisée, du retard de la maturation osseuse au début du traitement, du nombre d’injections hebdomadaires, des tailles parentales, de la taille de naissance, de l’âge au début de la puberté et de la modalité du traitement estrogénique. Le bénéfice du traitement chez ces patientes en termes de gain statural n’est plus guère contesté, mais le bénéfice en termes de qualité de vie n’a pas encore réellement été démontré.   Insuffisance rénale chronique (IRC) Environ la moitié des enfants atteints d’IRC ont un retard statural important par rapport aux enfants du même âge. Chez les enfants traités par GH, un gain statural significatif est observé la 1re année, moins net la 2e année ; on ne dispose pas de données sur les tailles adultes après traitement par GH. L’effet sur la croissance semble moins marqué lorsque les enfants sont dialysés. La réponse thérapeutique est inversement corrélée à la clairance de la créatinine au moment de l’instauration du traitement.   Retard de croissance à début intra-utérin (RCIU) Une AMM française a été donnée à Maxomat® (Sanofi) dans les RCIU en 1997 et une AMM européenne pour la majorité des hormones synthétiques à partir de 2004 pour les SGA (Small for Gestational Age). Un bébé peut être SGA pour des raisons pathologiques ou non, alors que le RCIU correspond à une croissance foetale anormale. Chez ces enfants, dans la majorité des cas, la croissance post-natale est marquée par une accélération leur permettant dès la fin de la 2e année de rattraper leur retard. Cependant, 10 à 20 % d’entre eux gardent un handicap statural avec une taille inférieure à - 2 DS par rapport à la moyenne de la population. Chez les enfants n’ayant pas rattrapé leur retard statural à l’âge de 3 ans, la constitution d’une série historique a établi que les tailles adultes des enfants non traités, dont la taille avant la puberté est < - 2,5 DS sont très nettement en dessous de la zone normale. La taille adulte est d’environ 158 cm chez le garçon et 146 cm chez la fille. L’objectif du traitement par GH est d’induire une accélération de la vitesse de croissance pour permettre une vitesse de croissance de rattrapage, afin de normaliser la taille le plus rapidement possible et d’améliorer la taille définitive. Les différents essais thérapeutiques ont permis de montrer un gain statural définitif variant de 3 à 11 cm, d’autant meilleur que le traitement a été commencé tôt pendant la période prépubertaire. Un effet dose a été clairement démontré durant les premières années de traitement, avec une accélération de la vitesse de croissance plus forte chez les sujets traités avec des doses plus importantes que celles utilisées dans l’insuffisance somatotrope.   Syndrome de Prader-Willi Il s’agit d’une maladie génétique rare (1/10 000 à 1/25 000 naissances), caractérisée chez le nourrisson par une hypotonie et des difficultés alimentaires, auxquelles font suite chez l’enfant et l’adulte une obésité massive avec boulimie. Les autres manifestations comportent des éléments dysmorphiques plus ou moins caractéristiques et un retard mental de sévérité variable. La plupart des enfants sont de petite taille et présentent des anomalies de la composition corporelle (augmentation de la masse grasse, diminution de la masse maigre) plus marquées que dans l’obésité commune où la masse maigre est relativement conservée. Le traitement par GH permet une accélération de la vitesse de croissance et un rattrapage, qui est en moyenne de 1,8 DS après 4 ans de traitement. On note aussi une amélioration de la composition corporelle avec une diminution de la masse grasse et une augmentation de la masse maigre, qui reste diminuée par rapport à la normale, et une augmentation de la densité osseuse. Il est rapporté également une amélioration de l’agilité et des performances musculaires.   Syndrome de Léri-Weill La dyschondrostéose ou syndrome de Léri-Weill concerne des personnes de petite taille présentant certaines particularités osseuses (anomalie de Madelung) et chez lesquelles, depuis quelques années, une anomalie du gène SHOX (porté par les chromosomes sexuels)* peut parfois être objectivée. Cela a conduit les autorités de santé à reconnaître dans cette situation la justification de la prise en charge d’un traitement par hormone de croissance. Or, on admet que 2 à 3 % (et même plus pour certains) des petites tailles idiopathiques présenteraient une anomalie du gène SHOX !… On n’est pas loin dans cette indication de la reconnaissance du bien-fondé du traitement par hormone de croissance de certaines petites tailles idiopathiques.   Les progrès à venir ● Une forme retard de GH. Depuis une dizaine d’années, plusieurs formes retard sont arrivées jusqu’aux essais cliniques chez l’enfant. Pour le moment, leur tolérance locale n’a pas été satisfaisante pour permettre une mise sur le marché. Il s’agirait d’un progrès significatif, à condition que l’injection hebdomadaire ne soit pas plus douloureuse que l’injection quotidienne.   ● L’individualisation des traitements. Les recommandations d'utilisation de la GH dans les fiches d’information thérapeutique sont relativement stéréotypées. Grâce à la pharmacogénomique, qui vise à étudier l'interaction entre l'ensemble des gènes et un médicament une fois absorbé, on connaîtra mieux les facteurs de prédiction de la réponse au traitement, et cela permettra une adaptation à chaque patient, selon sa propre sensibilité.   ● L’association à d’autres molécules. Dans le cadre d’essais cliniques, on étudie l’influence de la freination de la puberté par les analogues de la LH-RH, le ralentissement de la calcification des cartilages de croissance par les inhibiteurs de l’aromatase et le renforcement de la stimulation de la croissance par l’IGF-1 synthétique.   ● L’ouverture des indications à d’autres causes de petite taille. Pour le moment, le coût de l’hormone de croissance (12 000 à 15 000 € par année de traitement), ainsi que l’inconstance des résultats dans les situations de petite taille idiopathique, font que les autorités de santé n’ont pas accepté le principe du traitement par GH dans cette situation.   ● Le service rendu en termes de qualité de vie. De nombreuses études n’ont pas réussi à démontrer la constance de l’amélioration de ce paramètre avec le gain de centimètres. La méthodologie est difficile et la souffrance de la petite taille, qui reste de l’ordre de l’intime, n’est pour le moment pas accessible à la quantification statistique.  

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