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Pédiatrie générale

Publié le 08 mar 2011Lecture 10 min

Du lait maternisé au lait pour nourrisson

M. VIDAILHET, Nancy

Un bref rappel historique montre la situation dramatique dans laquelle se trouvait un enfant quand il ne pouvait être allaité par sa mère, avant la mise au point des laits modernes pour nourrisson. Les progrès ont été remarquables, aboutissant à l’élaboration de laits de plus en plus sûrs et capables d’assurer une croissance et un développement normal aux enfants ne pouvant être allaités. 

 
Le petit de l’homme dépend de l’allaitement maternel, et ce, pendant une durée de plusieurs mois. En son absence, la mortalité était considérable jusqu’à l’avènement récent de laits spécifiques obtenus à partir de lait de vache (LV) et de mieux en mieux adaptés. Ces laits ne devraient être utilisés que lorsque la mère ne peut ou ne veut pas allaiter. En effet, s’ils sont capables d’assurer les besoins nutritionnels de l’enfant jusqu’à 6 mois, ils n’assurent pas la même protection que le lait maternel visà- vis des infections et d’autres pathologies de l’enfant et de sa mère. Ils ne remplacent pas le sein dans les relations affectives mèrebébé. Ils peuvent même être dangereux quand le niveau d’hygiène, la qualité de l’eau et le niveau économique ne permettent pas d’assurer leur utilisation sans risque.   Rappel historique (1-3) Depuis l’Antiquité, en cas d’allaitement impossible, on avait recours à des nourrices mercenaires. Les nourrices partageaient souvent leur lait entre plusieurs enfants. Au XVIIIe siècle, la mortalité des enfants en nourrice était très élevée, mais variait en fonction du milieu. En 1780, à Paris, elle était de 170 ‰ dans les familles riches, de 250 ‰ quand le placement dépendait du bureau des nourrices, et de 381 ‰ dans les familles pauvres. On avait parfois recours à des laits animaux complétés par des bouillies et des panades. Cela était habituel dans les hospices d’enfants trouvés, où la mortalité y était considérable : 800 ‰ à Paris à la fin du XVIIIe siècle. En 1865, un progrès important survient avec la mise au point par Von Liebig d’une formule faite pour moitié de lait de vache et pour moitié de farine de blé, de malt et de bicarbonate de potassium. Ensuite, les progrès dans la connaissance de la composition des laits (énergie, macronutriments), dans les méthodes de conservation (évaporation et sucrage) et, à l’ère pastorienne, dans l’hygiène, la propreté, l’usage de la pasteurisation et de la stérilisation, vont entraîner une multiplication des formules lactées. Mais ces formules sont très imparfaites, les diarrhées sont fréquentes et sévères, et parfois à l’origine de « toxicoses » mortelles. Les pathologies carentielles (scorbut, rachitisme, anémies) sont fréquentes. Après 1945, les laits proposés restent rudimentaires, partagés entre laits en poudre demi-écrémés, resucrés (saccharose et/ou dextrine- maltose) jusqu’à 4 mois et laits en poudre entiers après cet âge. Il en résulta une surenchère dans la précocité de la diversification, qui est passée en quelques années de 4 mois en 1936 à quelques jours de vie après la guerre. En 1950, Sackett préconise des céréales dès le 2e jour, des légumes à J10, de la viande à J14 et des fruits à J17. À partir de 1960, on assiste à des adaptations partielles (améliorations touchant tel ou tel constituant du lait, acidification), puis à des modifications globales et à la mise sur le marché en 1970 de laits qualifiés de « maternisés ». À côté d’eux, se maintiennent des laits anciens et « partiellement adaptés ». Une quarantaine de laits sont disponibles, conduisant à un grand désordre, auquel mettra un terme l’arrêté de 1976 (4,5) (cf. encadré avec quelques dates clés de cette évolution).   a Maximum 2,6 pour lait maternisé. b Étude clinique préalable si ≤ 2. c Matière grasse. d Matière grasse totale. e Rapport linoléique/α-linolénique entre 5 et 15. f Acides gras polyinsaturés à longue chaîne. g Si n-3 ≤ 1 % des MGT et DHA ≤ n-6 ; si n-6 ≤ 2 % des MGT et ac. arachidonique ≤ 1 % des MGT. h En particulier DHA et ac. arachidonique. i 100 % pour lait maternisé. j Fructo- et galacto-oligosaccharides en quantités et pourcentages définis. k Oligosaccharides ramifiés spécifiques au lait de femme à propriétés fonctionnelles particulières. Du lait maternisé au lait pour nourrisson Naissance des laits « maternisés » L’acte de naissance des laits adaptés au nourrisson est l’arrêté du 1er juillet 1976 (4) qui, intégrant les connaissances acquises et les progrès de l’industrie laitière, impose une réglementation permettant d’assurer des apports nutritionnels adaptés et une sécurité sanitaire satisfaisante, et désigne ces laits comme « aliments lactés diététiques pour nourrissons » (ALDN). À l’intérieur de ce groupe, est individualisée la catégorie des « laits maternisés ». Ces laits sont plus proches du lait de femme, avec une limite supérieure des protéines plus basse (≤ 2,6 g/100 kcal au lieu de 3,5 g), une limite inférieure de leurs lipides plus haute (≥ 4 g/100 kcal au lieu de 3), une limite supérieure du sodium plus basse (≤ 40 mg/100 kcal au lieu de 60) et le lactose comme seul glucide. Cet arrêté s’est appuyé sur les recommandations du Groupe de nutrition de la Société européenne de gastro-entérologie pédiatrique (ESPGAN)(5,6), mais sans retenir la vitamine D qui devra attendre 1992 pour être autorisée. Vingt mois plus tard, l’arrêté du 30 mars 1978 précise la composition des laits de suite. L’acte de naissance des laits adaptés au nourrisson est l’arrêté du 1er juillet 1976. Évolutions et harmonisations européennes En 1994, 1998 et 2008, de nouveaux arrêtés (7,8) traduisant en droit français des directives européennes et tiennent compte du progrès des connaissances. Ils définissent le nourrisson (0 à 1 an), interdisent les termes de « maternisés » ou « humanisés », précisent les compléments à apporter aux préparations à base de protéines de soja. Ils incluent les laits hypoallergéniques (HA) destinés aux enfants à risque allergique en leur attribuant la seule allégation « santé ». Toute une série de nutriments ou d’ingrédients sont introduits et/ou fixés dans des limites précises ; certains sont aujourd’hui obligatoires comme l’acide α linolénique, la vitamine D, le sélénium. D’autres sont autorisés sans caractère obligatoire car, malgré des arguments solides, la preuve clinique de leur nécessité n’est pas faite. Il en est ainsi de la taurine, des nucléotides, des acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPL_-LC), acide docosahexaénoïque (DHA) et acide arachidonique (AAR), des probiotiques (Bifidobacterium lactis, Lactobacillus GG et reuteri) et des prébiotiques (fructo-oligosaccharides [FOS] associés à des galacto-oligosaccharides [GOS]). En ce qui concerne les protéines, des méthodes nouvelles permettent de ramener leur teneur à celle du lait de femme, soit par fractionnement des protéines solubles et exclusion du « caséinoglyco- macropeptide », soit par augmentation du pourcentage d’α-lactalbumine. Les termes de laits « maternisés » ou « humanisés » ont été interdits par des décrets suivant les directives européenne. Les laits pour nourrissons aujourd’hui Leur nombre, une cinquantaine, est excessif. Cet excès tient au nombre de marques, chacune s’attachant à couvrir les différentes situations : nourrisson normal, prévention de l’allergie aux protéines du lait de vache (HA), correction de troubles fonctionnels (constipation, coliques, régurgitations simples, appétit excessif). En dehors des laits HA, les préparations pour nourrissons ne sont pas autorisées à alléguer d’effet thérapeutique ; les marques ont recours à des patronymes évocateurs tels que « transit », « confort », « bonne nuit », « satiété », « relais ». Lorsque le nourrisson paraît avoir un appétit excessif, on choisit un lait à pourcentage élevé de caséine, de dextrine-maltose, avec un amidon gélifié (sans dépasser la limite réglementaire de 2 g/100 ml), une teneur plus élevée en lipides. En cas de « coliques », on peut recourir à un lait comportant un probiotique ou acidifié par des bactéries fermentaires secondairement tuées, à teneur faible en lactose, à protéines partiellement hydrolysées. Lorsque l’enfant a des régurgitations simples, on peut choisir un lait comportant plus de caséine, de l’amidon gélifié. Enfin, en cas de constipation, des laits à 100 % lactose, à protéines solubles dominantes, voire partiellement hydrolysées, acidifiés ou comportant un probiotique ou des prébiotiques, sont proposés. Chez le nourrisson, on peut aussi vouloir utiliser le « meilleur » lait, le plus moderne, apparemment plus proche du lait de femme et paraissant avoir un intérêt par les compléments qu’il apporte. On aura alors recours aux laits enrichis en nucléotides, en taurine, en AGPI-LC, en proou prébiotiques, à teneur en protéines réduite. En dehors des laits HA, les préparations pour nourrissons ne sont pas autorisées à alléguer d’effet thérapeutique. ● Les autres préparations infantiles Il s’agit des préparations à base de soja, des préparations de suite, des laits de croissance et des aliments diététiques à fins médicales spéciales. Elles s’écartent du « lait pour nourrisson », sujet de l’article, et ne seront pas envisagées ici. Conclusion Les progrès réalisés dans la conception et l’élaboration des laits pour nourrissons ont été considérables. La réglementation en vigueur exige de ces laits qu’ils puissent assurer une croissance et un développement normal aux enfants ne pouvant être allaités. Ces progrès ont eu un impact majeur sur la morbidité et la mortalité infantiles. Pour autant, plusieurs faits sont à souligner : – quelles que soient leurs qualités, ces laits sont encore très éloignés du lait maternel et n’offrent pas les avantages de l’allaitement au sein ; – leurs insuffisances dans la protection anti-infectieuse les rendent inutilisables dans les pays où l’hygiène, la qualité de l’eau, les conditions économiques ne sont pas satisfaisantes, en raison de la morbidité et de la mortalité qui résulteraient de leur emploi ; – même lorsque l’environnement est satisfaisant, la morbidité infectieuse, digestive et respiratoire est plus élevée chez les enfants non allaités. Très récemment, des accidents exceptionnels mais dramatiques, dus à la persistance de bactéries (Enterobacter sakazakii) dans certaines poudres de lait, sont venus rappeler aux fabricants, comme aux utilisateurs, les précautions à respecter : pour les premiers, continuer à améliorer les qualités bactériologiques de leur lait ; pour les seconds, préparer les biberons juste avant l’emploi et ne conserver les laits reconstitués que le temps autorisé, à - 5°C ; – enfin, outre ses avantages sur les plans affectif et infectieux, l’allaitement a un effet protecteur de l’enfant vis-à-vis des allergies alimentaires, de la surcharge pondérale, du diabète de type 1 et, à plus longue échéance, d’un syndrome métabolique, et chez la mère, des cancers du sein et de l’ovaire.  

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