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ORL et Stomatologie

Publié le 14 déc 2006Lecture 11 min

Avancées dans la prise en charge de la surdité

M. DEKER, d'après un entretien avec Ch. DUBREUIL (CHU Lyon-Sud, Pierre-Bênite)
Pour mesurer les progrès réalisés dans le domaine de la surdité depuis 20 ans, il faut revenir sur la situation des années 1980. Nous disposions alors des implants cochléaires mais ils étaient dévolus au traitement  des surdités profondes et s’adressaient, à priori, aux enfants mais aussi aux adultes. On disposait également de prothèses auditives conventionnelles de type analogique. En 20 ans, les choses ont considérablement évolué, à tel point que l’on peut imaginer dans un avenir très proche pouvoir pallier toutes les surdité chez l’enfant comme chez l’adulte, quels que soient leur type et leur sévérité.
  Des prothèses de plus en plus sophistiquées et miniaturisées Les prothèses sont devenues numériques, beaucoup plus sophistiquées et miniaturisées. Elles permettent aujourd’hui de traiter les pertes auditives affectant soit les fréquences graves, soit spécifiquement les fréquences aiguës, de manière sélective. Les appareils, beaucoup plus petits, sont plus acceptables d’un point de vue esthétique. Ils peuvent être insérés dans le conduit auditif externe ou en contour d’oreille, mais ils sont si petits qu’on ne les voit pas. Les embouts que l’on place dans l’oreille pour certains types de surdité qui n’affectent que les aigus laissent passer les graves et n’amplifient que les aigus. Ces appareils sont très bien supportés et ne présentent plus le désagrément des appareils des générations précédentes qui obstruaient complètement le conduit auditif, amplifiaient aussi bien les graves que les aigus et ne corrigeaient pas spécifiquement la perte auditive réelle du patient, si bien que les patients étaient très insatisfaits. Actuellement, l’appareillage auditif au moyen des appareils numériques permet de corriger tous les types de surdité légère moyenne et sévère.   Implants d’oreille moyenne : d’énormes progrès Lorsque la surdité est plus importante (moyenne à sévère), l’appareillage conventionnel peut être insuffisant. Des progrès considérables ont été réalisés dans ces types de surdité depuis environ 8 ans. Il existe aujourd’hui des implants d’oreille moyenne. Les premiers implants d’oreille moyenne étaient des transducteurs fixés sur la chaîne des osselets, dont le but était d’amplifier le mouvement de cette chaîne. Si, par exemple, le mouvement de cette chaîne est de 1 Å lorsque l’on parle, grâce à cet appareillage auditif, le mouvement peut être amplifié par deux ou trois. Le patient aura une impression d’écoute bien meilleure, sans subir l’inconfort de l’appareillage auditif externe, notamment le phénomène Larsen, les intolérances cutanées et les soucis esthétiques. Jusqu’à présent, ces appareillages comportent un processeur externe amovible avec un micro et une batterie logés dans une sorte de bouton qui s’aimante à travers la peau au processeur et sa bobine qui, eux, sont invisibles puisque implantés sous la peau. Le bouton masqué par les cheveux est invisible, mais peut l’être chez l’homme ou peut parfois tomber sous l’effet d’un choc. La nouveauté, réside dans un appareillage d’oreille moyenne totalement implantable. Le mécanisme est le même mais tout est implanté sous la peau. Il fallait pour cela mettre au point des batteries suffisamment puissantes pour pouvoir être rechargées de l’extérieur et durer plusieurs années, et un micro suffisamment puissant pour qu’il puisse capter à travers la peau toutes les informations du monde sonore. C’est chose faite ; il existe depuis 1 an un implant appelé Otologics® qui répond à ce cahier des charges ; une centaine de malades ont déjà été implantés dans le monde. Les résultats sont à peu près identiques sinon meilleurs que ceux des prothèses conventionnelles pour des surdités moyennes sans en avoir les inconvénients. Le challenge dans les années à venir consistera à miniaturiser encore plus la batterie et le microphone, le microprocesseur et le transducteur. Aujourd’hui, les batteries ont une durée de vie potentielle de 6 à 10 ans ; il faudrait qu’elles durent entre 10 et 15 ans. Le patient recharge sa batterie au moyen d’un chargeur transcutané pendant 15 à 20 minutes quotidiennes ; la charge dure 24 à 36 heures. L’avenir appartient donc aux prothèses miniaturisées implantables sur la chaîne des osselets. Pour l’instant, ces prothèses ne sont mises en place que dans certains centres français car elles sont homologuées CE mais n’ont pas de remboursement par la Caisse d’assurance maladie. Les implants d’oreille moyenne ont encore d’autres applications, notamment chez  certains enfants souffrant d’une agénésie de l’oreille moyenne ; ils ont une ébauche de pavillon, pas de conduit et des osselets malformés. Chez ces enfants, il est possible d’insérer ces implants d’oreille moyenne, en shuntant complètement la chaîne des osselets malformés et en plaçant directement l’implant à l’extrémité de la chaîne des osselets, c’est-à-dire au niveau de l’étrier qui est encore mobile ou sur la fenêtre ronde. Il suffit d’une amplification minime car la cochlée est saine. Il en est de même chez certains patients, multiopérés des oreilles, n’ayant plus aucun osselet ou des montages prothétiques ou ossiculaires peu fonctionnels et dont le tympan est fermé. Dans ces surdités importantes (environ 60 dB de perte), les appareillages conventionnels doivent être très puissants, ce qui entraîne  des phénomènes de Larsen et une très mauvaise tolérance. Là encore, on peut mettre en place un appareillage d’oreille moyenne, malgré l’absence d’osselets ; les implants seront placés directement au contact de la fosse ovale ou de la fenêtre ronde. Cela veut dire que tous les patients qui sont des échecs de la chirurgie d’otite chronique pourront bénéficier de cette technique (à condition que l’oreille soit asséchée et fermée).   Implant Otologics®.     Surdités totales unilatérales : du plus simple au plus sophistiqué Certains patients, victimes d’une malformation héréditaire ou d’une séquelle d’infection virale ou de traumatisme (fracture du rocher), ont perdu totalement ou presque l’usage d’une des deux oreilles. Ils sont particulièrement handicapés dans le bruit (réunions, restaurant, ambiance festive…). Plusieurs nouveautés apportent des solutions chez ces sujets. La première consiste à capter le message du côté sourd pour l’envoyer sur l’oreille saine qui va recevoir ce message ; c’est facile puisqu’il suffit d’une puissance très faible, l’oreille controlatérale entend normalement ou presque. Deux types de procédés sont envisageables : – on peut insérer un « pilier », sorte de vis en titane, dans l’os au-dessus et en arrière du pavillon de l’oreille sourde (masqué dans les cheveux) ; une fois le pilier ostéointégré, au bout de 2 mois environ, on clipe sur ce pilier, qui fait saillie hors de la peau sur une hauteur de 2-4 mm, un appareil auditif qui, par conduction osseuse ou transcrânienne, envoie l’information du côté sourd vers le côté sain par un simple mécanisme vibratoire. Ce système permet au patient de bénéficier d’une audition binaurale ; le fait d’entendre des deux côtés, améliorera sa compréhension dans un environnement bruyant. Ce procédé n’est cependant pas idéal du point de vue esthétique ; – l’autre solution consiste à utiliser un système CROS aérien (contralateral routing of signal) qui permet de dérouter le signal du côté sourd vers le côté sain. Le système utilise des appareils auditifs apparemment conventionnels  en contour d’oreille qui sont placés de chaque côté, du côté sourd et du côté sain ; cependant, du côté sourd, il s’agit seulement d’un appareil émetteur-récepteur, qui reçoit  les informations auditives et les transmet du côté sain, par des ondes radio (type FM). C’est un système dit WI-FI. L’avenir est encore à la miniaturisation de ce système, une transmission blue-tooth…   Même les surdités bilatérales très asymétriques sont appareillables Le procédé du système CROS peut être mis à profit chez les patients souffrant d’une surdité bilatérale, très profonde d’un côté, moindre de l’autre, mais inaccessible aux moyens conventionnels. Le côté sourd est muni d’un système récepteur émetteur comme précédemment ; du côté moins atteint, l’appareillage comprend non seulement le système WI-FI mais en plus un microphone, un amplificateur et un processeur afin d’améliorer l’audition de la meilleure des deux oreilles. Il s’agit du système BiCROS, qui permet d’améliorer la réception du son dans les meilleures conditions possibles, en particulier dans le bruit.   Les indications des implants cochléaires s’élargissent Jusqu’à présent, l’implant cochléaire était réservé aux surdités profondes. Or, de nombreuses personnes n’ont pas une surdité profonde, mais ne sont pas appareillables de manière conventionnelle, ni même par les implants d’oreille moyenne, d’où l’élargissement des indications dans l’implantation cochléaire. À présent, les critères d’éligibilité ont été élargis : moins de 35 % d’intelligibilité avec un appareillage auditif conventionnel à une puissance de 60 dB est une indication d’implant cochléaire. L’implant cochléaire s’adresse non seulement aux surdités qui affectent toutes les fréquences mais on est allé plus loin dans deux directions, chez l’enfant et chez l’adulte. • Chez l’enfant, on est capable, grâce à un plan de dépistage précoce mis en place dès 2005 dans presque toutes les maternités de France, de dépister les enfants porteurs d’une surdité profonde, soit environ 3 enfants pour 1 000 naissances. Le diagnostic est confirmé dès la première année de vie et l’enfant peut être implanté dès l’âge de 1 an. Cela signifie que ces enfants pourront avoir un développement de langage normal. Demain, on pourra sans doute implanter ces enfants des deux côtés, afin qu’ils aient une audition stéréophonique, pour mieux développer leur compétences linguistiques et scolaires ; cela pose un problème budgétaire pour financer ce programme d’implantation ; les essais réalisés par certains centres sont prometteurs. • Chez l’adulte ayant une surdité très importante, l’absence de fréquences aiguës rend l’appareillage conventionnel même numérique inutilisable ; en revanche, les graves peuvent être relativement conservés chez ces patients. Si l’on implante avec un implant cochléaire classique, on risque d’abîmer les cellules ciliées restantes codant pour les sons graves localisées à l’apex de la cochlée. En revanche, les cellules qui codent les informations aiguës sont situées à la base de la cochlée. On a donc imaginé une prothèse électroacoustique qui comporte deux parties : l’une va stimuler de façon acoustique, comme les prothèses conventionnelles, les cellules codant pour les fréquences graves ; l’autre prothèse faite d’un porte-électrode relativement court, insérée dans la cochlée, stimulera les cellules qui codent les fréquences aiguës. Il est possible, au moyen des séquences audiométriques, de déterminer à quel niveau se trouvent les cellules lésées afin de stimuler sélectivement de façon électrique uniquement celles codant pour les fréquences aiguës. Les fréquences graves qui sont conservées seront stimulées de manière acoustique.   Demain, il n’y aura plus de sourds ! Le champ des implants cochléaires s’est donc notablement élargi dans ses indications, permettant de surcroît des implantations bilatérales et de suppléer aux cas où les moyens conventionnels sont inutilisables. Cela veut dire que, dans l’avenir, il n’y aura plus de sourds. On est capable d’implanter dès l’âge de 1 an les  enfants sourds profonds, de proposer des prothèses auditives, y compris et surtout aux personnes âgées, d’autant que nous disposons de prothèses numériques très performantes et de toute une gamme d’implants pour répondre aux différents types de surdité acquise ou congénitale. Le gros problème restera celui de l’enfant dépisté tardivement, vers l’âge de 3-4 ans, qui ne tirera pas autant de bénéfice qu’un enfant implanté précocement, et celui des personnes âgées, développant une surdité totale consécutive à une fracture du rocher par exemple. En effet, les moyens financiers nécessaires pour répondre à la totalité des demandes sont tels que l’on privilégie  naturellement l’implantation du sujet jeune, au détriment des plus âgés.  Propos recueillis par

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