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Profession, Société

Publié le 25 nov 2013Lecture 9 min

Un tri téléphonique plus performant permettrait-il de réguler le flux des urgences hospitalières ?

E. DAUSSAC, Responsable SMUR pédiatrique SAMU 31, Hôpital des enfants, Toulouse
On assiste depuis une ou deux décennies à une augmentation régulière du nombre de patients se présentant aux urgences pédiatriques, responsable d’un engorgement, qui est majoré lors des épidémies, mais également d’un nombre croissant d’appels téléphoniques. Nous avons analysé les diverses solutions de réponse téléphonique en France et hors frontière pour tenter de répondre à cette question. Nous rapportons également ici notre activité de régulation faite par des pédiatres au sein du SAMU de Toulouse. 
Le pédiatre : spécialiste le plus sollicité au téléphone   Les médecins libéraux, généralistes et pédiatres, jouent un rôle très important au quotidien dans la réponse aux appels téléphoniques des patients. Plusieurs articles mettent en évidence ce rôle de la médecine libérale, mais aussi les écueils de cette activité « parasite » et son impact sur la gestion des patients au cabinet, avec le risque de voir s’opérer un « glissement de tâche » vers une secrétaire plus ou moins habilitée à cette activité. Lors de la fermeture des cabinets ou, en cas d’indisponibilité, ces praticiens ont souvent recours aux numéros d’urgence pour assurer la permanence de soins (PDS) de leur patientèle. Les services d’urgences pédiatriques jouent également un rôle important dans la réception des appels. Plusieurs enquêtes d’analyse d’appels ont mis l’accent sur certains points : – la réception de l’appel n’est pas exclusivement faite par un médecin ; – cette activité vient s’ajouter à l’activité de soin strict, elle se fait souvent sans réel protocole de gestion de l’appel, souvent sans registration de l’appel, sans dossier médical. Cela conduit au risque de minimiser l’interrogatoire, dont le rôle est pourtant essentiel lorsque l’on pratique la « médecine à distance » sans visuel sur le patient. Dans la majorité des structures, le personnel, qu’il soit médecin dans son cabinet ou aux urgences, ou personnel paramédical, n’est pas formé, du moins dans la formation initiale, à cette activité.   Quel type de gestion des appels téléphoniques ? La littérature anglo-saxonne révèle une approche différente de la gestion des appels téléphoniques. En effet, après l’apparition des « infirmières trieuses » dans les services d’urgence, se sont mis en place des centres de tri téléphonique, souvent gérés par des « nurses », dont la formation initiale comporte un module de diagnostic clinique. Ces professionnels sont ensuite formés à la prise d’appels téléphoniques dans beaucoup de domaine, et la pédiatrie y a pris sa place. Le tri téléphonique a lieu dans des « centres de tri », reliés ou non aux services d’accueil d’urgences pédiatriques. Le personnel infirmier s’appuie sur des protocoles précis de conduite d’interrogatoire et d’évaluation de gravité. Plusieurs études semblent montrer que ce tri téléphonique a conduit à une diminution des arrivées aux urgences. Aux États-Unis, certains de ces centres sont gérés par les compagnies d’assurance médicale qui ont tout intérêt à réduire les actes médicaux pratiqués. Toutefois, quelques études s’interrogent sur la qualité des protocoles utilisés pour le tri, très nombreux sur le marché et n’aboutissant pas forcément à la même décision finale. En France, la pratique du « tri infirmier » est largement utilisée à l’admission des patients au niveau des centres d’urgences, mais n’est pas encore entré dans les moeurs du tri téléphonique, en raison sans doute des contraintes liées à la définition de la régulation « acte médical pratiqué au téléphone ». Cependant, l’association Courlygones de l’agglomération lyonnaise a mené une expérience intéressante visant à tester une plate-forme de réponse téléphonique pédiatrique en dérivation du Centre de réception et de régulation des appels (CRRA) du SAMU lyonnais. Ainsi, après évaluation par le médecin régulateur du caractère vital ou urgent d’un appel nécessitant un déclenchement de moyens, l’appel est transféré vers une infirmière dont le but est de donner des conseils de gestion de certaines situations fréquentes en pédiatrie : fièvre récente, traumatisme crânien peu sévère ou diarrhée. Cette équipe montre le degré de satisfaction des appelants, le recours à des soins non urgents plus cohérents dans le cadre de l’offre de soins, et un rôle éducatif important.   La réception et la régulation des appels Les SAMU et leur CRRA sont depuis leur création, le lieu de réception des appels. Initialement, cela concernait les appels considérés comme « urgents », mais ils sont devenus les recours téléphoniques principaux en dehors des heures d’ouverture des cabinets médicaux. ● La régulation médicale est particulièrement bien encadrée par des recommandations de bonne pratique de la HAS concernant « la prescription médicamenteuse par téléphone dans le cadre de la régulation médicale » (février 2009), puis « les modalités de prise en charge d’un appel de demande de soins non programmés dans le cadre de la régulation médicale » (mars 2011). Il est clairement précisé que la régulation téléphonique en France est un acte médical pratiqué au téléphone, de façon exclusive à toute autre activité, aboutissant à diverses réponses possibles que sont : – le conseil médical ; – la prescription médicamenteuse téléphonique ; – l’orientation vers une consultation non programmée ; – l’envoi de moyens tels une ambulance, des secours non médicalisés ou une équipe médicale (SMUR), ceci dans le but de dispenser le « juste soin » tout en contribuant à l’optimisation des ressources collectives. La décision est consignée sur un dossier médical et sa réalisation est suivie dans le temps. ● Des associations de permanence de soins téléphoniques issues de la médecine libérale sont venues souvent s’adosser physiquement ou techniquement aux CRRA des SAMU. Ces associations ont pour objectif d’assurer la permanence des soins non programmés. Ils assurent, en fonction de l’organisation propre, la réception et le traitement des appels classés « non urgents » aux heures de fermeture des cabinets libéraux (le plus souvent la nuit, de 20 h à 8 h) et les week-ends. Certaines associations assurent une régulation H24, semaine et week-ends. Ils sont en lien avec les effecteurs sur le terrain (les médecins de garde), dont il faut rappeler que la participation « sur la base du volontariat » laisse des zones de territoire incomplètement pourvues en recours médical, en particulier dans la période dite « de nuit profonde » après minuit.   L’expérience du SAMU 31 Le SAMU 31 est depuis 1976, associé à une équipe de « pédiatres- SMURistes » qui s’est investie dans la régulation des appels pédiatriques. Ainsi, une grande partie des appels est transférée vers le pédiatre du SMUR pédiatrique, au moins lorsqu’il est disponible. L’équipe du SMUR pédiatrique comporte 5,3 équivalents temps plein médical, avec une équipe complète (médecin + puéricultrice) H24, et un second pédiatre en jours et heures ouvrables autorisant la poursuite de l’activité de régulation. La nuit et les weekends, les appels transférés vers le pédiatre sont ceux pressentis urgents par les auxiliaires de régulation médicale (ARM) du SAMU, et ceux concernant les petits nourrissons de moins de 3 mois ; les autres appels dits de « permanence de soins pédiatriques » étant assurés par l’association de permanence de soin « Régul 31 ». Une analyse des appels concernant les enfants sur une période de 9 mois entre le 1er janvier et le 30 septembre 2011 a été réalisée. Le tableau indique la décision prise à l’issue de l’appel. L’investissement de l’équipe du SMUR pédiatrique a plusieurs intérêts. La connaissance de la spécificité pédiatrique, associée à la maîtrise de la médecine préhospitalière sont deux facteurs essentiels pour optimiser cette activité difficile de régulation. La proximité technique du centre 15, la maîtrise du déclenchement des secours, le suivi des dossiers, la pratique de revue de mortalitémorbidité commune avec les équipes adultes sont des atouts pour réduire les risques et améliorer la qualité de la régulation. La présence forte de pédiatres au sein d’un SAMU permet de former les acteurs de la régulation que sont les ARM, les médecins régulateurs adulte, les médecins régulateurs de la permanence des soins (PDS). L’outil élaboré par la SFP, grâce au Pr Chevalier et au Dr Snadjer, « Pédiatrie par téléphone : aide à l’orientation », adapté à un support informatique a également été mis à disposition de l’équipe du SAMU 31, et complété par des items.   Conclusion La réception des appels téléphoniques est l’affaire de tous. L’investissement assez original des pédiatres du SMUR à la régulation au SAMU 31 est sans doute à encourager, du moins pour les structures disposant d’une solide équipe dédiée au SMUR pédiatrique. On pourrait aussi imaginer que les pédiatres de structures pédiatriques de taille suffisante pourraient s’impliquer dans cette régulation médicale après formation initiale et déploiement d’outils adaptés. D’autres pistes peuvent être étudiées, telles que la participation de puéricultrices formées au conseil médical pour améliorer la fluidité des appels, sous couvert d’une régulation médicale préalable, comme l’a expérimenté l’équipe lyonnaise. Comme l’ont pointé un certain nombre d’articles, une meilleure lisibilité de l’offre de soins disponible, relayée par les médecins libéraux eux-mêmes, serait utile (disponibilité des maisons médicales de garde, par exemple), ainsi qu’une véritable éducation à la santé des familles leur permettant de gagner de l’autonomie devant des situations médicales non urgentes. Enfin, une régularisation des zones de territoire désertées par les gardes médicales semble être une nécessité première.

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