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Rhumatologie - Os - Orthopédie - Traumatologie

Publié le 31 mai 2024Lecture 6 min

Connectivites, quand et comment y penser chez l’enfant ?

Brigitte BADER-MEUNIER, Rhumatologie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants malades, Centre de référence des rhumatismes inflammatoires, maladies auto-immunes systémiques et interféronopathies de l’enfant (RAISE), Paris

Les connectivites de l’enfant sont des pathologies auto-immunes rares. Elles comportent essentiellement le lupus systémique et la dermatomyosite que nous aborderons dans cet article. La sclérodermie systémique est exceptionnelle et ne sera pas abordée. Elles peuvent être révélées par des complications nécessitant un traitement urgent.

Le lupus systémique   Le lupus systémique à début pédiatrique (LSp) est rare et représente environ 5 % de l’ensemble des lupus systémiques. Le LSp est une pathologie sévère, avec des atteintes cliniques extrêmement polymorphes(1) nécessitant parfois un traitement urgent. Il survient à un âge médian de 12 ans, essentiellement chez la fille avec un sex ratio de 4 à 6, moins élevé que chez l’adulte. La caractéristique du LSp est sa gravité plus grande que chez l’adulte, due notamment à la fréquence beaucoup plus importante de survenue d’atteintes rénale et neuropsychiatrique sévères. Son diagnostic repose sur l’association d’atteintes cliniques évocatrices, d’une auto-immunité avec présence quasi constante de facteurs antinucléaires à taux significatif (≥ 1/160e ), associée essentiellement à une spécificité anti-DNA double brin ou anti-Sm (anticorps spécifique du LS), SSA, SSb ou RNP, et/ou de diminution du C3 et C4. Il existe de nombreux critères de classification de lupus, dont les récents critères de l’EULAR/ACR(2) (tableau). Les manifestations et la prise en charge du LS sont détaillées dans le Protocole national de soin (PNDS) « Lupus systémique » (mis à jour en 2024)(3).   Les atteintes rénales Les atteintes de rénales sont souvent révélatrices, présentes au diagnostic dans plus de la moitié des cas et au cours de l’évolution dans 50 à 80 % des cas(4). Il s’agit d’atteinte le plus souvent sévère, classée comme la néphrite lupique membrano proliférative focale ou diffuse, nécessitant en urgence d’un traitement immunosuppresseur afin d’éviter l’évolution vers des atteintes chroniques irréversibles conduisant à une insuffisance rénale terminale. Ces atteintes se manifestent par la présence de protéinurie et d’hématurie, parfois associées à une insuffisance rénale et/ou une hypertension artérielle. Toute suspicion de lupus systémique doit donc conduire à rechercher systématiquement une atteinte rénale par une bandelette urinaire ou un dosage du rapport protéinurie/créatininurie sur une miction. La biopsie rénale permet de porter le diagnostic de néphrite lupique.   Les atteintes neuropsychiatriques L’atteinte neuropsychiatrique est également plus fréquente chez l’enfant et parfois difficile à diagnostiquer surtout lorsqu’elle se traduit par des manifestations psychiatriques isolées, pouvant être inaugurales du LS. L’atteinte du système nerveux central est beaucoup plus fréquente que celle du système nerveux périphérique : méningite aseptique, accident vasculaire cérébral (AVC), syndrome démyélinisant, céphalées, mouvements anormaux, myélite. Dans une étude récente de 17 enfants avec un lupus neuropsychiatrique(5), les atteintes cognitives, retard psychomoteur d’apparition récente, hallucinations visuelles, auditives, tactiles, gustatives, troubles anxieux, troubles du sommeil (inversion du rythme nycthéméral), étaient fréquentes. Un syndrome dépressif, des troubles thymiques, des idées suicidaires et des tentatives de suicide, un syndrome confusionnel aigu ou une catatonie avec agitation étaient également présents. Il est donc particulièrement important d’évoquer un diagnostic de lupus devant un syndrome dépressif ou devant des troubles confusionnels d’apparition aiguë chez une adolescente. Les examens complémentaires ne sont pas toujours contributifs. L’IRM cérébrale peut être normale car les troubles sont liés à une atteinte de la microcirculation ou montrer des images peu spécifiques démyélinisantes. La ponction lombaire peut être normale ou présenter une élévation non spécifique de la protéinorachie ou d’une hypercellularité ; on note parfois l’existence de bandes oligoclonales. Un travail récent suggère que l’élévation de l’interféron alpha et des néoptérines dans le LCR serait un marqueur de neurolupus. Finalement, l’évaluation pédopsychiatrique par un psychiatre connaissant bien les pathologies inflammatoires, voire un test diagnostique aux corticoïdes à forte dose en milieu hospitalier apportent des éléments supplémentaires en faveur du diagnostic.   Les autres atteintes Les atteintes cliniques les plus fréquentes sont cutanées et articulaires. L’atteinte cutanée se manifeste le plus souvent de façon aiguë sous forme d’un rash malaire. Plus rarement, on observe des formes subaiguës (lésions annulaires, papulosquameuses) et des lésions spécifiques chroniques (lupus discoïde) (figure 1). Un phénomène de Raynaud peut également être présent. Figure 1. Manifestations cutanées du lupus systémique à début pédiatrique (LSp). A : lupus cutané aigu : rash malaire. B : ulcérations buccales. C : lupus cutané subaigu : lésions annulaires. D : lupus cutané chronique : lupus discoïde.   Les autres manifestations sont nombreuses et nécessitent parfois une prise en charge urgente : - cytopénie auto-immune (purpura thrombopénique auto-immun ou anémie hémolytique auto-immune surtout). Une lymphopénie est fréquente ; - atteinte digestive : pancréatite (corticothérapie urgente), ascite (sans syndrome néphrotique), diarrhée, occlusion, cholécystite, adénopathies abdominales ; - atteinte pulmonaire ou cardiaque ; - thrombose artérielle, veineuse ou capillaire dans le cadre d’un syndrome des antiphospholipides, parfois associé au LSp. Des complications sévères initiales ont été notées chez 40 % des enfants: néphrite lupique membrano proliférative, tamponnade cardiaque, pancréatite aiguë, myosite intestinale avec iléus, thrombose, gangrène des doigts, hémorragie alvéolaire, atteinte neurologique sévère, cytopénie auto-immune, syndrome d’activation macrophagique(1). Une autre particularité du lupus pédiatrique est l’existence d’une forme monogénique de lupus retrouvée chez environ 10 % des enfants. À titre d’exemple, les inter-féronopathies génétiques, le déficit en fraction précoce du complément C1q, C1r, C1s peuvent entraîner un lupus monogénique nécessitant un traitement ciblé. Dans certaines situations, il convient de discuter la réalisation d’une enquête génétique avec un centre expert. Ces lupus génétiques sont particulièrement évoqués en cas de lupus à début précoce, d’existence de cas familiaux, de survenue chez le garçon ou d’association à des atteintes syndromiques (des retards de développement psychomoteur, par exemple)(6).   Dermatomyosite juvénile   La dermatomyosite juvénile (DMJ) est rare et représente 85 % des myosites inflammatoires de l’enfant. Il s’agit d’une pathologie hétérogène, dont le démembrement est en cours grâce notamment à l’identification d’anticorps spécifiques des myosites. Elle survient à un âge médian de 5 à 7 ans(7). Le diagnostic est essentiellement clinique devant l’association d’un déficit musculaire et de signes cutanés typiques. Les manifestations et la prise en charge de la DMJ sont détaillées dans le Protocole national de soin (PNDS) « Dermatomyosite »(8). Les signes d’appel sont : 1) une atteinte musculaire : déficit proximal et élévation des enzymes musculaires essentiellement. Il est à noter que les enzymes musculaires sont normales dans environ 10 % des cas, ce qui n’élimine donc pas le diagnostic. La recherche d’autoanticorps spécifiques des myosites (anti-NXP2, anti-MDA5, anti-TIF1g, anti-Mi2) est positive dans 70 % des cas environ et constitue une aide à la classification des DMJ. La biopsie musculaire n’est nécessaire au diagnostic que dans des formes atypiques(notamment sans atteinte cutanée) ; 2) une atteinte cutanée : papules de Gottron, rash héliotrope, ulcération cutanée en regard des métacarpophalangiennes, des interphalangiennes proximales et/ou distales (figure 2). Les signes cutanés peuvent être discrets et à rechercher attentivement chez un enfant ayant un déficit musculaire d’apparition récente non expliqué (figure 2). Un phénomène de Raynaud peut être présent. D’autres atteintes peuvent être associées et doivent conduire à évoquer le diagnostic : pneumopathie interstitielle, arthrite ou rétraction articulaire, atteinte cardiaque ou digestive. L’atteinte digestive liée à une vasculopathie est particulière à la forme pédiatrique de dermatomyosite et nécessite une prise en charge en urgence, car elle peut se compliquer de perforations et d’hémorragies digestives. Figure 2. Manifestations cutanées de la dermatomyosite juvénile. A : rash héliotrope. B : télangiectasies des paupières. C : ulcérations du coude. D : papules de Gottron.   Quelques situations urgentes peuvent révéler une dermatomyosite juvénile : déficit musculaire sévère, forme paraplégique, troubles de la déglutition, ulcérations et/ou hémorragie digestive, myocardite, détresse respiratoire secondaire à la pneumopathie interstitielle ou à une paralysie des coupoles diaphragmatiques.   En conclusion   Le LSp et la dermatomyosite juvénile peuvent être révélées par des complications sévères. Leur prise en charge est souvent difficile et nécessite un avis rapide dans un centre expert.

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