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Environnement

Publié le 08 jan 2024Lecture 5 min

Cas cliniques - À propos de 8 cas (étrangement) groupés de malaises…

Benjamin AZÉMAR, Saint-Denis (La Réunion)

Le 06/10/2023, aux urgences pédiatriques de Saint Denis (La Réunion) où passent en moyenne 35 enfants par jour pour des motifs dits médicaux, survint un phénomène étrange : entre 9 h 30 et 16 h, 8 adolescents ont été pris en charge pour un « malaise » ou un motif approchant, représentant ainsi le tiers des patients accueillis pendant cette tranche horaire. Il s’agit très probablement d’un simple concours de circonstances ; mais, à une époque où la santé mentale fait beaucoup parler, on peut légitimement s’interroger sur la capacité des adolescents (du moins certains d’entre eux) à réagir à leur environnement, leur corps tirant alors une sorte de « signal d’alarme » pour arrêter le train en marche.

En cette saison, à la Réunion, l’été austral approche et les températures remontent : elles restent tout à fait supportables, mais les organismes et les comportements nécessitent parfois un peu de temps pour s’adapter. Les vendredis qui précèdent les vacances de la Toussaint sont l’occasion pour les établissements scolaires, et notamment les collèges, d’organiser des épreuves de cross en plein air qui sont à la fois un cours d’EPS (éducation physique et sportive) et un moment de compétition festive, regroupant parfois plusieurs établissements. Même si tous les adolescents n’en perçoivent pas le caractère festif de la même manière.   Discussion   Une telle série a avant tout quelque chose d’amusant. Et pourtant, rien n’est inventé ! À l’échelle collective, la coïncidence a conduit l’équipe des urgences à en savoir plus. Au cours de la journée, le Samu – Centre 15 a donc été contacté pour s’interroger : il s’est avéré que le phénomène était d’une ampleur plus grande encore, avec parfois plusieurs jeunes concernés simultanément au même endroit, les régulateurs essayant d’éviter les consultations aux urgences quand cela était possible. Il semble qu’un effet potentialisateur des personnes entourant les adolescents, et notamment de certains parents prévenus, ait joué pour certains patients de cette série : le transport par les équipes d’intervention devenait indispensable en raison d’un cercle vicieux anxieux (et anxiogène), alors même que les équipes du Samu essayaient de tenir un discours rassurant. Fort heureusement, le cadre hospitalier et le temps ont fini par apaiser ceux qui en avaient besoin. Dans un deuxième temps, un médecin référent de l’Éducation nationale a également été contacté afin d’échanger sur ces cas groupés : des messages clés concernant une bonne nutrition (plus de la moitié de nos patients étaient concernés), une bonne hydratation (même si cette donnée n’a pas été recueillie ici), et une bonne gestion des conditions météo, ont ainsi pu être passés dans certains établissements scolaires, en vue notamment des échéances sportives suivantes. Pour ce qui est de la prise en charge du malaise vagal, pas de surprise, mais de nombreuses questions méritent d’être soulevées. La réalisation d’un ECG reste recommandée par l’European Society of Cardiology (ESC)(1), à plus forte raison en cas de malaise à l’effort ; mais cela expose au risque de « faux positif », en faisant découvrir, par exemple, une variante de la normale (irrégularité respiratoire, bloc incomplet droit, ondes T négatives dans les dérivations précordiales gauches), qui sera pris à tort pour une anomalie, entraînant des consultations supplémentaires et des inquiétudes inutiles. Plus pernicieux encore : la plupart des ECG réalisés en milieu hospitalier sont pré-interprétés par l’appareil lui-même, faisant apparaître de manière parfois impropre la mention « ECG anormal » ; dans la mesure où nous sommes souvent amenés à remettre à la famille les comptes rendus des examens réalisés, il convient de prévenir que l’appareil se trompe, afin d’éviter que la découverte a posteriori de cette mention ne vienne saborder tout le travail de réassurance mis en œuvre lors de la prise en charge ! L’orientation de ces patients en aval des urgences est également un point qui mérite d’être soulevé, avec un risque de banalisation, parfois légitime mais qui peut se heurter à l’inquiétude (pas toujours formulée) du patient ou de ses parents. La question la plus fréquemment soulevée est celle de l’orientation vers un cardiologue ou un cardio-pédiatre : pour des problèmes évidents de disponibilité, ce type de consultation devrait être réservé aux patients présentant des signes de gravité (antécédent personnel ou familial lourd, présentation atypique, anomalie clinique ou électrique) ou des épisodes récidivants avec retentissement. Mais par définition, le malaise vagal n’a pas une origine cardiaque, et il convient donc de ne pas entretenir les familles dans l’idée que « le problème vient de là ». Et même s’il est parfois tentant d’expliquer qu’il n’y a « pas de problème » puisqu’il s’agit d’un phénomène physiologique, il faut garder en tête qu’un tel malaise peut révéler autre chose, notamment chez les adolescents, et particulièrement en cas de formes récidivantes : trouble anxieux (parfois purement somatoforme), harcèlement, maltraitance, etc. Si le recours à un psychologue ou un psychiatre peut être mal accepté, surtout s’il est proposé trop tôt, d’autres solutions peuvent être proposées, en fonction des disponibilités locales : pédiatre formé à la médecine de l’adolescent, et/ou structure type maison des adolescents, par exemple. Et si les circonstances ne permettent pas une telle orientation dès les urgences, en raison d’une trop grande inquiétude somatique de la fa mille ou d’une charge de travail trop importante, la proposition d’une « consultation post-urgence » en milieu hospitalier, voire en ville (si une bonne coordination est possible), peut être intéressante pour affiner l’évaluation de l’adolescent et de son environnement.   Conclusion   Le malaise vagal est un motif de consultation relativement fréquent aux urgences pédiatriques, certaines circonstances pouvant se prêter à une certaine forme d’émulation collective. Le mécanisme sous-jacent est le plus souvent physiologique, et la détection des facteurs favorisants permet de mettre en place des mesures de prévention. L’interrogatoire, l’examen et l’ECG permettent d’écarter la plupart des diagnostics différentiels. Même si la réassurance initiale reste de mise, il faut savoir dépister les situations nécessitant une évaluation plus poussée, en prenant en compte notamment l’environnement familial et scolaire de l’enfant (ou de l’adolescent), ainsi que d’éventuels symptômes anxieux.  

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