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Environnement

Publié le 08 jan 2024Lecture 5 min

Conséquences du réchauffement climatique sur l’épidémiologie des maladies vectorielles - Élévation des températures, précipitations : à quoi faut-il s'attendre ?

Cyril CAMINADE, Abdus Salam International Center for Theoretical Physics, Trieste (Italie), chercheur honoraire à l’Université de Liverpool (Angleterre)

Les maladies dites à transmission vectorielle concernent les maladies provoquées par des virus, bactéries et parasites qui sont transmises à un hôte par un insecte vecteur (moustique, tique, puce, poux, etc.). La peste, le paludisme, la dengue et la borréliose de Lyme sont des exemples de maladies vectorielles affectant l’homme, mais nombre d’entre elles touchent aussi les animaux et les plantes. Historiquement, ces maladies ont joué un rôle prépondérant, touchant empires, armées et populations civiles. Si le fardeau de ces maladies vectorielles affecte principalement les populations tropicales, le changement climatique combiné au mouvement des biens et des personnes redistribue les cartes.

Changement climatique, biodiversité, écosystèmes et maladies   Le réchauffement climatique est sans équivoque : l’augmentation des températures moyennes de l’air et des océans, la fonte généralisée des glaces et l’élévation du niveau marin sont des faits avérés. Les extrêmes météorologiques s’intensifient : vagues de chaleur, événements précipitants extrêmes, intensification des cyclones tropicaux. Ces changements ont des effets directs sur notre santé, mais ils affectent aussi d’autres systèmes comme les systèmes écologiques, la biodiversité, l’accès à l’eau, la sécurité alimentaire et l’économie. L’urbanisation, la destruction d’habitats naturels de la faune sauvage, le mouvement d’animaux et de populations humaines favorisent l’émergence de zoonoses ; la pandémie récente de Covid-19 en est un exemple criant(1). Une étude récente montre que plus de la moitié des maladies infectieuses ou allergiques affectant l’humanité ont été aggravées par des aléas climatiques(2). La grande proportion de ces maladies infectieuses, dites « climato-sensibles », sont principalement vectorielles et hydriques comme le choléra et de nombreuses maladies diarrhéiques.   Maladies vectorielles, variables climatiques et facteurs d’importance   Les maladies vectorielles nécessitent trois conditions : (1) un agent pathogène (bactérie, virus ou parasite) est transmis mécaniquement ou biologiquement par (2) un vecteur, le plus communément un arthropode hématophage, à (3) un hôte vertébré. Les arthropodes sont ectothermes, ils ne régulent pas leur température interne et sont assujettis aux variations de températures extérieures. Les précipitations ont un impact sur les gites larvaires disponibles et la température affecte leur survie, leur taux de morsure, ainsi que la période d’incubation extrinsèque (temps requis post-repas sanguin pour que le pathogène se développe dans le vecteur). La majeure partie des maladies vectorielles tropicales sont transmises à hautes températures jusqu’à un certain seuil où la mortalité du vecteur l’emporte, limitant ainsi le risque de transmission(3). De nombreux autres paramètres affectent la transmission de maladies vectorielles : les méthodes de contrôle, les tests diagnostiques et les traitements potentiels disponibles, le mouvement des biens et des personnes, l’utilisation des sols, les comportements, la robustesse des services de santé, la vulnérabilité et la susceptibilité des populations exposées. L’évolution des pathogènes et des vecteurs, qui peuvent se manifester par de la résistance antibiotique ou aux insecticides, est aussi un paramètre clé.   Tendances récentes   Le réchauffement climatique a causé une redistribution des espèces à l’échelle globale. En règle générale, de nombreuses espèces ont déjà migré vers les pôles et à plus haute altitude(4). Les moustiques ne font pas exception à la règle, une étude récente montre que les Anophèles, vecteurs du paludisme, se sont déplacés en latitude et en altitude au cours du XXe siècle(5). Sur de plus longues distances, l’augmentation des échanges de biens et de personnes, a facilité la dispersion de vecteurs hématophages(6). Le moustique tigre, Ae. albopictus, originaire d’Asie, a été introduit en Albanie vers la fin des années 1970. Ce vecteur compétent d’arboviroses comme la dengue, le chikungunya, la fièvre jaune et le Zika, pond des œufs résistant à la sècheresse et est très bien adapté au milieu urbain. Son introduction en Europe a été facilité par le commerce des pneus usagés dans des containers. Depuis son introduction, il s’est répandu rapidement en France métropolitaine, profitant du trafic routier et des conditions climatiques favorables : hivers plus doux et allongement de la saison estivale. Aedes albopictus est actif tôt le matin et en fin d’après-midi, ses piqûres sont une nuisance et peuvent occasionner des réactions allergiques importantes. Il est maintenant présent dans 71 départements français, et continue de s’étendre vers le Nord. Les tendances récentes sont inquiétantes : Aedes albopictus est responsable de 66 cas autochtones de dengue dans le Sud de la France en 2022, et de 3 cas autochtones à Paris en 2022-2023(7). La borréliose de Lyme est la maladie vectorielle la plus répandue en France. Elle est principalement transmise par la morsure de la tique du mouton (Ixodes ricinus). Une morsure infectieuse va occasionner un érythème migrant, qui peut être suivi, quelques mois plus tard, par des troubles articulaires, neurologiques ou même cardiaques. Les groupes d’âge les plus touchés sont les enfants de 5 à 9 ans et les seniors de 70 à 79 ans. Ixodes ricinus est abondante en zone forestière et zone herbacée au printemps et quelques fois en automne, et pose un risque pour la santé des randonneurs et des professionnels travaillant en milieu sylvestre et agricole. De nombreuses études ont montré la progression des tiques du type Ixodes vers le Nord et en altitude : États-Unis, Canada, Scandinavie, Alpes, Carpates. Les cas de borréliose de Lyme sont en augmentation en France depuis 20 ans : une incidence de 71/100 000 habitants a été rapportée en 2022, contre une moyenne de 53/100 000 entre 2009 et 2017(8). D’autres maladies, comme l’encéphalite à tique, sont aussi en augmentation. Le virus du Nil Occidental est une arbovirose transmise par les piqûres des moustiques du genre Culex. Il peut être transporté sur de longues distances par des oiseaux qui sont le réservoir principal du virus. Les chevaux, comme l’homme, sont des culsde-sacs épidémiologiques, ils ne peuvent pas retransmettre le virus à un moustique. Cette maladie est souvent asymptomatique pour l’homme, mais peut être grave pour les individus recevant une greffe d’organe ou une transfusion. Le changement climatique récent, en particulier des hivers plus doux et des étés plus chauds, semble avoir favorisé sa propagation en Europe.   Scénarios futurs   Le 2nd rapport du GIEC conclut que « les risques de maladies d’origine alimentaire, hydrique et vectorielle sensibles au climat devraient augmenter, quel que soit le niveau de réchauffement, sans adaptation supplémentaire (confiance élevée). En particulier, le risque de dengue augmentera avec l’allongement des saisons et l’élargissement de la répartition géographique en Asie, en Europe, en Amérique centrale et du Sud et en Afrique subsaharienne, ce qui pourrait mettre en danger des milliards de personnes supplémentaires d’ici la fin du siècle (confiance élevée)(9).

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