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Infectiologie

Publié le 31 mar 2023Lecture 7 min

Les enjeux de la prévention des infections au cours de la première année de vie

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

Bronchiolite, grippe, gastroentérites aiguës à rotavirus, infections à pneumocoque, associations de « malfaiteurs » virus-bactéries sont fréquentes et souvent sévères chez le très jeune enfant. Une saison hivernale atypique caractérisée par un rebond inédit et brutal, au caractère parfois imprévisible des pathologies infectieuses après la pandémie Covid-19... Comment optimiser la prévention dans ce contexte ?

Le confinement et l’application des mesures barrières pendant cette période de pandémie à SARS-Cov-2, ont eu un impact sur le profil épidémiologique des pathologies infectieuses pédiatriques. Après une baisse de la plupart d’entre elles en 2020, on a observé une recrudescence de leur incidence, une sévérité variable (souvent augmentée) et une survenue non prévisible dans l’année : principe de la dette immunitaire(1). Plusieurs phénomènes ont probablement contribué à cette situation : la vulnérabilité aux infections des enfants non encore confrontés aux différents agents pathogènes du fait de mesures barrières (population naïve), la diminution de la protection maternelle par une plus faible transmission d’anticorps aux nouveau-nés, des co-infections entre virus et bactéries, les uns faisant le lit des autres, une pénurie d’antibiotiques et des retards vaccinaux. Des retards de la vaccination VPC13 et hexavalent de plus de 15 jours ont été observés après le confinement dans 13 à 30 % des cas pour la 1re  et la 2e dose(2). Toujours d’après le réseau PARI, le pic d’incidence du VRS est sans précédent, arrivé avec 6 semaines d’avance, d’une intensité et d’une sévérité inhabituelles. Pendant le pic de 2022, 65,4 % des triples tests (VRS, grippe, SARS-Cov-2) se sont avérés positifs au VRS (68,3 % chez les enfants de moins d’1 an). Plus de la moitié des hospitalisations concernait les 0-2 ans(3). Le même phénomène est observé dans les autres pays européens. Le pic d’incidence de la grippe a lui aussi été précoce, très brutal et bien plus élevé que les années précédentes(4). Les sérotypes en circulation étaient le H3N2 (80 %), le H1N1 (15 %) et le virus B (5%)(5). L’incidence importante de la grippe et du VRS explique (en partie) celle élevée des infections à streptocoque A (angine et scarlatine). De même, la recrudescence des infections invasives à streptocoque A pourrait résulter, au moins en partie, d’un rebond post-mesures barrières chez des enfants dont le système immunitaire n’a pas été au contact des souches de SGA qui circulent habituellement(6). Ces infections sont fréquemment des surinfections d’infections respiratoires virales. La HAS recommande de vacciner contre la grippe les enfants de 2 à 17 ans, en utilisant de préférence le vaccin nasal, mieux accepté dans cette population. Enfin depuis début 2023, le réseau ACTIV PARI a mis en place des tests de routine périanaux auprès des pédiatres libéraux. Il apparaît que le rotavirus fait une arrivée lente en ce début d’année avec un démarrage retardé.   Pneumocoque, bientôt des vaccins de 3e génération Entre 2014 et 2020, il y a eu 345 cas par an d’infections invasives à pneumocoque (IIP) (52 % de méningites et 48 % de bactériémies sans méningite), responsables de 3,4 % de mortalité(7). Si la mise à disposition du vaccin VPC7 (1re génération) en 2000 n’a pas eu de répercussion notable sur l’incidence des IIP en France (contrairement à d’autres pays), celle du VPC13 en 2009 (2e génération) les a réduites de moitié. Toutefois depuis janvier 2015, on enregistre une remontée des IIP avec la persistance du sérotype 3 contenu dans le VPC13 et l’émergence de sérotypes non vaccinaux (en 2021 : 18 % de 24F ; 10,7 % de 10A; 8,5 % de 15B et aussi le 23B et le 33F)(8,9). Les moins de 2 ans sont les plus touchés, avec 1,73 cas/100 000 enfants en 2021(8). D’après le rapport annuel de l’ECDC de 2018, il y avait 7,7 cas d’IIP pour 100 000 habitants France. Plusieurs vaccins pneumo-cocciques conjugués (VPC) de 3e génération sont à différents stades de développement ou d’approbation par les autorités européennes. Les deux plus avancés sont le VPC15 et le VPC20. Le VPC15 couvre les sérotypes du VPC13 (1, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 9V, 14, 18C, 19F, 19A, 23F) auxquels s’ajoutent le 22F et le 33F. Fin 2022, il a obtenu une autorisation de l’Agence européenne du médicament (EMA) chez l’enfant de plus de 6 semaines(10). Plusieurs études de phase III en pédiatrie ont montré une réponse immunitaire non inférieure au VPC13 pour les séro-types communs (avec une réponse supérieure pour le séro-type 3 dans l’étude américaine selon un schéma vaccinal à 3 doses + 1 dose de rappel) chez le nourrisson né à terme et chez le prématuré, ainsi qu’un bon profil de tolérance(11-13). Il devrait être disponible en France d’ici quelques mois. À noter que les sérotypes 22F et 33F à haut potentiel de virulence sont impliqués dans une moindre mesure dans les IIP chez les moins d’1 an d’après les données EU ECDC 2018(14). Le VPC20 a en plus du VPC13 les sérotypes 8, 10A, 11A, 12F, 15B, 22F et 33F(15). Non disponible en France, il a été approuvé chez l’adulte par l’EMA en février 2022(16). Une demande d’autorisation est en cours chez l’enfant mais aucune étude de phase III n’est encore publiée. En attendant la publication des résultats de l’essai VPC13 versus VPC20 (schéma 2+1), un communiqué de presse indique que l’objectif de non-infériorité est atteint pour 19 sérotypes sur 20 un mois après le rappel de la 3e dose (16/20 après la 2e dose) et une réponse OPA similaire (17). Étant donné le rôle des séro-types additionnels dans les IIP chez l’enfant, ce nouveau vaccin sera probablement intéressant. Quoi qu’il en soit, en attendant l’arrivée d’une nouvelle génération de vaccins, il faut déjà veiller à optimiser la couverture vaccinale, à réduire les retards vaccinaux et, en cas de changement vaccinal, à assurer une implantation très rapide et un rattrapage possible entre VPC.   L’énorme retard de la vaccination rotavirus Alors qu’en France en 2021 seulement 5 % des nourrissons étaient vaccinés contre le rotavirus, ce germe hautement contagieux qui touche 98 % des moins de 2 ans, est la 1re cause de diarrhées graves et vomissements avec déshydratation avant 1 an(18). Chez les moins de 1 an, 42 % des passages aux urgences et 45 % des hospitalisations sont dus à une gastroentérite aiguë à rotavirus (GEA-RV). Le premier contact (voire le second) est responsable de l’infection la plus sévère ; elle survient le plus souvent avant l’âge de 2 ans(19). Les formes les plus graves touchent majoritairement les milieux défavorisés(familles nombreuses)(20). La vaccination est le moyen de prévention le plus efficace contre l’infection à rotavirus sévère(21). Elle est recommandée par les organismes de santé publique au niveau mondial. Deux vaccins oraux vivants atténués sont disponibles en France : l’un monovalent RV1 est administré en 2 doses, l’autre pentavalent (RV5) en 3 doses ; ils peuvent être administrés dès l’âge de 6 semaines et avant 6 mois pour le monovalent et avant 8 mois pour le pentavalent. Ils sont efficaces sur les six combinaisons génotypiques représentant plus de 95 % des souches circulantes dans notre pays. Ils sont remboursés chez tous les nourrissons et peuvent être administrés en même temps que les autres vaccins pédiatriques(22). Une métaanalyse Cochrane de 2021 sur les essais contrôlés randomisés montre sur les formes sévères et les GEA toutes causes, une bonne efficacité vaccinale des deux vaccins. Dans les pays à faible mortalité, la vaccination prévient près de 95 % des formes sévères à 1 an ou à 2 ans(22). Elle a aussi démontré son efficacité vaccinale et sa sécurité chez les prématurés. Dans les différents pays européens, elle réduit le fardeau de la maladie sur le système de soins quel que soit le niveau de couverture vaccinale et les inégalités sociales face à la maladie(23-24). Elle est bien tolérée. On estime entre 25 et 101 cas pour 100 000 enfants par an d’invaginations intestinales aiguës (IIA) spontanées hors vaccination, avec un pic d’incidence autour de 6 mois. Le nombre additionnel d’IIA post- vaccinales est de 1 à 6 cas pour 100 000 enfants par an (25-27). Ce risque est transitoire, l’IIA survenant 3 à 7 jours après la 1re dose (plus rarement après le 2e)(28). Des conseils donnés aux parents permettent de repérer et prendre en charge rapidement les rares cas d’IIA survenant les quelques jours suivant la vaccination. Parmi la centaine de pays qui ont adopté les vaccins RV avec de bonnes couvertures vaccinales, aucun n’a arrêté son programme de vaccination confirmant que le risque d’IIA était faible, transitoire et facilement repérable. L’incidence globale des IIA a même diminué significativement et de façon persistante dans certains pays comme le Royaume-Uni chez les 0-36 mois (RR : 0,86 ; p < 0,001)(29).  

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