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En direct des staffs

Publié le 03 jan 2023Lecture 5 min

Un passe-temps risqué

Benjamin AZÉMAR, CHU Site Félix Guyon, Saint-Denis

La rubrique « En direct des staffs » est ouverte à tout médecin d’un service de pédiatrie souhaitant partager avec les lecteurs de Pédiatrie Pratique les cas discutés dans son service et qu’il estime suffisamment intéressants et édifiants pour être portés à la connaissance de ses confrères.

Dans ce 1er cas, vous découvrirez les effets potentiels des pratiques sportives en confinement

Le 30 avril 2020, au cœur du premier confinement, Chuck, 16 ans, se présente aux Urgences pédiatriques pour des douleurs des cuisses et des mollets évoluant depuis plusieurs jours. Ces douleurs sont apparues dans les suites d’un effort musculaire intense : il dit avoir réalisé près de 300 squats (!) une dizaine de jours plus tôt, sur un temps assez bref. Dans ses antécédents, on retrouve une hospitalisation un an auparavant pour polyarthralgie aiguë fébrile des membres inférieurs, avec neuropathie périphérique, érythème noueux et syndrome inflammatoire biologique. Le bilan infectieux et auto-immun élargi était revenu normal, de même que la biopsie cutanée. L’évolution clinique et biologique avait été favorable sous amoxicilline-acide clavulanique et clarithromycine, ce qui avait fait conclure à une probable étiologie infectieuse non documentée. À l’arrivée aux urgences, il raconte que les douleurs des membres inférieurs ont été assez importantes dans les jours qui ont suivi son défi sportif, avec impotence fonctionnelle, et des urines foncées à plusieurs reprises, sans fièvre. Malgré les hésitations qui précèdent toute consultation médicale en cette période de début de pandémie, il finit par consulter son médecin traitant le 27 avril, soit environ une semaine après le début des symptômes. Le bilan sanguin réalisé en ville ayant mis en évidence un taux de CK (créatine kinase, anciennement CPK pour créatine phosphokinase) à 93 300 UI/L pour une normale < 200, Chuck a donc été adressé à l’hôpital une fois les résultats récupérés, trois jours plus tard. À noter, une échographie des masses musculaires a également pu être réalisée, ne retrouvant qu’un minime décollement myoaponévrotique à la partie postérieure du muscle vaste externe gauche. Un nouveau bilan biologique est donc réalisé aux urgences, qui retrouve heureusement une décroissance spontanée des enzymes musculaires, en rapport avec l’amélioration progressive de ses douleurs, et toujours pas de retentissement rénal (résultats : tableau ). L’adolescent est néanmoins hospitalisé en pédiatrie générale pour hyperhydratation par voie intraveineuse à des fins de néphroprotection, et explorations étiologiques devant une telle élévation du taux de CK. Diagnostic et évolution Chuck présente donc une rhabdomyolyse dans les suites d’un effort musculaire violent, sans insuffisance rénale secondaire. Le fait d’avoir une cause identifiée n’oblige théoriquement pas à rechercher une autre étiologie, mais l’élévation considérable du taux de CK et l’antécédent de polyarthralgie ont incité l’équipe médicale à la prudence : en complément du monitorage des enzymes musculaires, la recherche génétique d’un panel de maladies neuromusculaires a été effectuée, et s’est avérée négative. L’évolution en hospitalisation sera rapidement favorable sous hyperhydratation intraveineuse, avec une décroissance suffisante des taux d’enzymes musculaires à 48 heures pour permettre un retour à domicile (tableau). L’adolescent sera revu en consultation à 3 semaines, à 6 mois, puis à 18 mois de l’hospitalisation, et ne rapportera pas de nouvelle symptomatologie, même à la reprise d’une activité physique régulière – heureusement moins intense que celle qui avait précédé l’hospitalisation. Discussion Cette vignette clinique ne présente pas de difficulté majeure, tant sur le plan du diagnostic que de la prise en charge, mais incite à s’interroger sur certains dégâts collatéraux du confinement, et plus largement des situations sanitaires exceptionnelles. En premier lieu, un retard à la prise en charge non négligeable : la famille a vraisemblablement tardé à consulter malgré les douleurs intenses et persistantes, au cours d’une période où chacun était incité à limiter le recours aux structures de soin pour ne pas saturer le système de santé. Qui plus est, pour cet adolescent, l’hôpital le plus proche était aussi à cette époque l’hôpital de référence pour la prise en charge des cas de Covid sur l’île de la Réunion, et de nombreuses familles ont, à ce titre, limité au maximum leurs consultations, y compris dans le cadre du suivi de pathologies chroniques (diabète, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, épilepsie, etc.). A posteriori, ces appréhensions étaient infondées, voire irrationnelles : La Réunion a été très peu touchée par la première vague et les urgences pédiatriques ont vu leur fréquentation diminuer de manière drastique partout en France – même si elles se sont bien rattrapées depuis. Les conséquences sanitaires de ces consultations qui n’ont pas eu lieu, ou trop tard, sont encore aujourd’hui difficiles à évaluer, et viennent s’ajouter à celles des déprogrammations auxquelles beaucoup de patients ont eu à faire face. En deuxième lieu, l’oisiveté forcée des enfants et adolescents pendant la période de fermeture des écoles, partiellement compensée par la classe virtuelle et les devoirs en ligne (quand cela était possible), a probablement favorisé la pratique d’activités à risque, ou encore l’exposition à des « challenges » proposés régulièrement sur les réseaux sociaux, même si l’histoire ne dit pas si c’était le cas ici. Au-delà des difficultés scolaires et des troubles anxieux qui ont pu émerger de cette période d’oisiveté, on peut imaginer que d’autres aventures aussi piquantes que celle-ci ont émaillé les années Covid des enfants – et des soignants. Squat, ou « flexion sur jambes » : mouvement d’accroupi qui constitue un exercice polyarticulaire de force et de musculation ciblant les muscles de la cuisse (principalement quadriceps, adducteurs et ischio-jambiers) et les fessiers. Il sollicite aussi secondairement les mollets, les lombaires et les abdominaux. Source : Wikipedia. Si vous en avez vous-même une à raconter, n’hésitez pas à contacter l’équipe éditoriale de Pédiatrie Pratique !  

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