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Génétique

Publié le 05 déc 2022Lecture 7 min

Médecine génomique en oncologie pédiatrique - De la recherche de prédispositions héréditaires au traitement personnalisé des cancers, quels défis à relever en pratique clinique ?

Sophie JULIA*, Emmanuelle RIAL-SEBBAG**, Sandrine DE MONTGOLFIER*** - Service de génétique médicale, hôpital Purpan, CHU de Toulouse

Les explorations génomiques constitutionnelles et tumorales font désormais partie de la prise en charge des enfants atteints de cancer et offrent des perspectives thérapeutiques prometteuses. Cependant, ces approches bouleversent les pratiques médicales : les équipes se trouvent confrontées à des situations particulièrement complexes concernant l’interprétation et la communication aux familles des résultats génomiques. À partir d’un projet de recherche pluridisciplinaire (GeneInfoKid) financé par l’INCa (coordination : S. de Montgolfier), nous rendrons compte dans cet article des enjeux rencontrés en clinique portant sur l’information des enfants/adolescents et leurs parents, l’obtention du consentement éclairé, le conseil génétique et les relations entre clinique et recherche.

L’entrée dans une nouvelle ère, le diagnostic génétique Le développement des techniques de séquençage de l’ADN dans les années 1980 et le lancement du programme de génome humain ont permis l’identification d’un nombre croissant de gènes liés à des pathologies génétiques. La pratique de la génétique médicale s’est développée et structurée en France avec la création de la spécialité de génétique médicale et les filières de soin maladie rare. Aujourd’hui, les techniques permettent le séquençage de panels de gènes liés à une pathologie, voire du génome ou de l’exome en entier. La génétique dans la pratique clinique répond à certains enjeux de santé publique en fournissant dans le meilleur des cas des informations sur le diagnostic d’une pathologie, des orientations de son traitement, les risques de prédisposition et les moyens de prévention. En France, le plan France Médecine Génomique 2025 (https://pfmg2025.aviesan.fr/) permettra d’améliorer l’accès au diagnostic génétique. L’oncogénétique est réglementée par les lois de bioéthique et guidée par les recommandations de bonnes pratiques des groupes de travail en oncogénétique. Le groupe Génétique et Cancer de la Société française des cancers de l’enfant (SFCE) oeuvre à l’amélioration des connaissances sur les syndromes de prédisposition et la prise en charge des patients. Les dossiers complexes sont discutés en réunion de concertation pluridisciplinaire nationale d’oncogénétique pédiatrique, afin d’adapter la surveillance selon les recommandations. Cependant, de nombreux défis (techniques, organisationnels, éthiques, juridiques, sociaux et économiques) restent à surmonter pour assurer la bonne intégration de la génomique dans le système de santé.   Les explorations génomiques au coeur de la prise en charge des enfants atteints de cancer Les cancers pédiatriques (tumeurs solides et leucémies) surviennent dans un contexte de prédisposition dans 7 à 10 % des cas et une quarantaine de prédispositions ont été individualisées. Identifier une prédisposition génétique au cancer permet d’adapter le traitement, préciser la surveillance et proposer un conseil génétique aux apparentés. Jusqu’à présent, la consultation d’oncogénétique n’était proposée que lorsqu’une prédisposition était suspectée1. Cette consultation, se tenait généralement à distance des traitements, avec des familles préparées et demandeuses. En raison des implications pour l’enfant et sa famille, la prescription de tests génétiques nécessite la délivrance d’une information spécifique, un accompagnement psychologique, une temporalité appropriée afin que les patients (en fonction de leur âge) et leurs parents puissent prendre une décision en connaissance de cause. “Dans ces situations d’urgence, les informations sur la génétique viennent se télescoper au parcours de soin” Or les analyses génétiques sont maintenant proposées en routine et prescrites par les pédiatres chez la plupart des enfants atteints de cancer (thérapies ciblées ou inclusion dans un essai clinique en fonction de caractéristiques génétiques, recherche de donneur pour la greffe). Dans ces situations d’urgence, les informations sur la génétique viennent se télescoper au parcours de soin dans un contexte particulier de diagnostic ou de rechute.   Donner une information en contexte d’incertitude Ces explorations qui associent le séquençage de l’ADN tumoral et constitutionnel, conduisent à découvrir de plus en plus d’anomalies génétiques dont la signification clinique reste encore mal connue et pour lesquelles les recommandations de suivi doivent être évaluées. Les équipes médicales se trouvent ainsi confrontées à des situations complexes concernant l’interprétation et la communication aux familles des résultats génomiques2. Ce d’autant que la plupart des pédiatres ne sont pas sensibilisés aux enjeux de la génétique (contenu de l’information à délivrer, recueil du consentement, conseil génétique, demandes de diagnostics prénataux et diffusion de l’information aux apparentés). Ils sont parfois réticents à aborder les notions de génétique, certains ne se sentent pas suffisamment qualifiés pour prescrire ce type de test et accompagner les familles. La collaboration avec l’équipe de génétique est alors essentielle pour interpréter et communiquer les résultats génomiques aux familles. Prenons le cas d’un enfant de 11 ans pris en charge pour un médulloblastome de la fosse postérieure métastatique. Suite au séquençage tumoral, un va riant pathogène du gène ELP1 est identifié et retrouvé en constitutionnel. Or, les connaissances liées à ce gène sont encore préliminaires. Doit-on élargir l’enquête chez les apparentés ? Quelles informations leur apporter ? Quelle surveillance leur proposer ? Les parents qui espéraient de l’analyse génétique, un traitement adapté, sont confrontés à la question d’une prédisposition familiale. Comment les préparer à l’éventualité de ce résultat et leur permettre de choisir d’avoir ou non ce retour comme indiqué dans la loi de bioéthique ? Ces explorations peuvent également révéler des informations inattendues non directement en lien avec la pathologie. Prenons le cas d’un médulloblastome, chez une fillette dont l’analyse a révélé une variation incidente dans le gène BRCA1 prédisposant au cancer du sein et de l’ovaire. La causalité de ce variant reste très incertaine3, car les gènes BRCA ne sont pas associés à une augmentation du risque de cancer de l’enfant et le spectre tumoral ne comprends pas le médulloblastome. Faut-il communiquer ces résultats chez un enfant en l’absence de mesure de prise en charge immédiate ? Comment protéger l’enfant d’informations non pertinentes ou non demandées tout en tenant compte de l’intérêt des apparentés qui pourraient être concernés ?   Protéger le droit de l’enfant à un avenir ouvert Le droit règlemente la pratique des tests génétiques chez l’enfant. Le consentement doit être recueilli par écrit selon la loi, mais en pratique se pose souvent la question de qui doit le signer et quelle place laisser à l’enfant dans ce processus. En vertu du respect des principes fondamentaux en droit et en bioéthique, l’enfant doit être acteur des décisions qui pourraient affecter son intégrité physique ou psychique. Ceci implique d’expliquer les enjeux du test de manière adaptée à l’âge de l’enfant, et de répondre aux préoccupations des parents. Il convient donc de considérer la vulnérabilité des parents séparément de celle de l’enfant. Les parents semblent majoritairement favorables à ces nouvelles techniques. Néanmoins, la compréhension de l’information génétique et de ses implications est une étape sensible de l’utilisation en pédiatrie des analyses génomiques ; et notamment lorsque ce séquençage est proposé dans le cadre de projet de recherche clinique chez des enfants ou adolescents atteints d’un cancer, en rechute ou réfractaire. Ces familles, déjà fragilisées par l’annonce d’un diagnostic de cancer, sont-elles en mesure d’appréhender l’enjeu des résultats ? Ont-elles le choix ? Et est-il réaliste de penser qu’elles puissent exprimer leur droit de savoir ou de ne pas savoir ? Passerelle entre la génétique somatique et la génétique constitutionnelle Rappelons que la génétique tumorale ou somatique consiste à analyser le génome des cellules cancéreuses pour détecter des mutations survenues spécifiquement dans la tumeur (non héréditaire) et que la génétique constitutionnelle concerne le patrimoine génétique d’un patient. L’analyse des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’un individu doit se prescrire dans le cadre d’une consultation génétique. Or, avec l’analyse par séquençage des tumeurs, la frontière est de plus en plus ténue. Cette analyse est prescrite par l’oncologue ou l’anatomopathologiste et ne requiert pas de consentement spécifique étant couverte par le consentement aux soins. Pourtant, ces explorations peuvent révéler des prédispositions familiales aux cancers ou d’autres données incidentes, dont la découverte n’a pas été anticipée. La loi de bioéthique révisée4 prévoit dorénavant un cadre juridique clair pour les analyses génétiques somatiques en les dotant d’une définition5 et en les intégrant comme une information biologique couverte par le seul consentement oral aux soins. Seules les analyses génétiques constitutionnelles6 sont soumises au consentement éclairé donné par écrit7 par les parents8. La loi nouvelle vient également préciser les modalités d’information et de consentement pour la possible révélation, à l’occasion d’un test génétique, d’informations incidentes constitutionnelles9. Au vu du contexte décrit précédemment, il est possible de s’interroger sur les modalités de l’information que devront donner les professionnels de santé à propos de ces données incidentes. De plus, ce texte ne prévoit pas de dispositifs particuliers dans le cadre des mineurs. “La collaboration est alors essentielle pour interpréter et communiquer les résultats génomiques aux familles”

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