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Cardiologie

Publié le 29 mar 2021Lecture 6 min

ECG : guide de survie pour ceux qui ont oublié quoi regarder au SAU

Claire BERTAIL-GALOIN, Unité médico-chirurgicale des cardiopathies congénitales, hôpital Louis Pradel, hospices civils de Lyon, Bron

L’électrocardiogramme (ECG) est un examen couramment utilisé aux urgences pédiatriques. Plusieurs études ont montré une discordance d’interprétation variant de 13 jusqu’à 58 % entre des urgentistes pédiatres et des cardiopédiatres(1-3). L’analyse séquentielle de cet examen est donc primordiale pour en faire la plus juste interprétation possible en fonction du contexte clinique.

Échelle du papier à ECG Avant de commencer l’analyse de l’ECG, il faut toujours vérifier au préalable que l’échelle du papier à ECG soit de 25 mm/s en abscisse et de 10 mm/mV en ordonnée. La fréquence cardiaque Elle est la première manifestation de variabilité chez l’enfant. En effet, la moyenne se situe entre 125 et 145 battements par minute (bpm) chez le nourrisson de 1 à 6 mois. Elle diminue progressivement pour atteindre la norme adulte de 80 bpm à la mi-adolescence. L’axe du coeur Il s’évalue en regardant la positivité ou la négativité de l’axe QRS dans les dérivations D1 et aVF (figure 1). Figure 1. Détermination de l’axe du cœur selon les dérivations frontales. L’axe droit du cœur (axe QRS négatif en D1 et positif en aVF) chez le nouveau-né reflète la prédominance du ventricule droit durant la vie fœtale. En effet, à la naissance, le ventricule droit est épais en raison de résistances vasculaires pulmonaires élevées in utero. Avec la baisse des résistances vasculaires pulmonaires, la pression dans le ventricule droit va progressivement diminuer pour atteindre celle de l’âge adulte vers l’âge de 6 mois, et l’axe du cœur va progressivement se dévier vers la gauche (axe QRS positif en D1 er aVF). L’onde P Elle représente la dépolarisation des oreillettes. Si le rythme est bien sinusal, le vecteur de dépolarisation se fait de la droite vers la gauche et du haut vers le bas. L’onde P doit être positive en D1, D2, aVF. Toute autre manifestation d’orientation de l’onde P suggère un rythme non issu du nœud sinusal. Le rythme du sinus coronaire fréquemment observé est un rythme accéléré naissant des cellules du nœud du sinus coronaire qui se comporte comme un pacemaker physiologique accessoire et n’a pas de valeur pathologique. L’onde P est négative en D2, D3, aVF et positive ou diphasique en D1, aVR ; l’espace PR est plus court que celui du rythme sinusal (figure 2). Figure 2. Alternance de rythme sinusal du sinus coronaire. Flèches : onde P négative ; astérisques : PR court. La morphologie de l’onde P est intéressante pour apprécier la taille des oreillettes. Une onde P ample, définie en D2 par une élévation > 3 mm chez le nourrisson jusqu’à 6 mois et > 2,5 mm chez le plus grand, signe un élargissement de l’oreillette droite. Cette situation peut se voir, par exemple, dans les communications inter-auriculaires. Tandis qu’une onde P élargie et bifide en D2, ou biphasique profonde en V1, évoque une dilatation de l’oreillette gauche. Cette situation peut se voir dans les rétrécissements ou fuites mitrales. L’espace PR La conduction atrio-ventriculaire est appréciée par l’espace PR. Cet espace PR est physiologiquement plus court chez l’enfant que chez l’adulte. Il est d’environ 100 millisecondes (ms) chez le nourrisson et le jeune enfant pour atteindre progressivement durant l’enfance la norme adulte de 150 ms. On classe les troubles de la conduction atrio-ventriculaire en bas et haut grades (figure 3)(3). Figure 3. De haut en bas, on observe un bloc auriculo-ventriculaire BAV 1, un BAV 2 Mobitz 1 (A) puis 2 (B) et en dernier un BAV 3(3). Les troubles de la conduction de bas grades regroupent : BAV type 1 = allongement permanent de l’espace PR ; il est asymptomatique et peut se voir lors du sommeil(4), chez les athlètes entraînés(5), et plus rarement, dans les maladies de Lyme et les myocardites(6) ; BAV type 2 Mobitz 1 (Wenckebach) = allongement progressif de l’espace PR jusqu’à une onde P bloquée ; il s’agit d’une variante de la normale et particulièrement chez les athlètes entraînés(5). Il est aussi souvent retrouvé après chirurgie d’une cardiopathie congénitale(7). Les troubles de la conduction de hauts grades regroupent : BAV type 2 Mobitz 2 = espace PR normal, mais onde P bloquée en 2 ou 3/1 ; BAV type 3 = dissociation AV complète avec un rythme régulier d’ondes P non corrélé au rythme régulier des QRS (fins ou larges en fonction de la localisation). Le QRS Le QRS correspond à la dépolarisation ventriculaire. Sa durée chez le nourrisson et l’enfant est plus courte que chez l’adulte de l’ordre de 80 ms. L’amplitude des ondes R diminue progressivement avec l’âge dans les précordiales droites alors que l’amplitude des ondes S augmente. Ceci est l’inverse dans les précordiales gauches. Les ventriculogrammes peuvent avoir un voltage important chez l’enfant et l’adolescent, ce qui explique que 15 % des enfants « normaux » ont des critères ECG d’hypertrophie ventriculaire gauche et seuls 20 % des enfants avec une hypertrophie ventriculaire gauche ont un ECG anormal. Une surcharge des cavités gauches peut être appréciée par l’indice de Sokolow (RV6 + SV1) > 30 chez le nouveau-né et > 45 après 1 an. L’inversion des ondes T en D2, D3, aVF, V4, V5 et V6, de grandes ondes R en aVF, une déviation axiale gauche et des ondes Q en V4, V5 et V6 sont aussi de bons indicateurs d’hypertrophie ventriculaire gauche. À l’inverse, les signes d’hypertrophie ventriculaire droite sont plus difficiles à mettre en évidence du fait de la prépondérance ventriculaire droite chez l’enfant, mais plusieurs critères peuvent être utilisés : de grandes ondes R dans les précordiales droites, de grandes ondes S dans les précordiales gauches, un ratio R/S anormalement élevé en V1 et bas en V6, la présence d’un bloc de branche droit incomplet (BBDi), en sachant qu’on retrouve près de 10 % de BBDi chez des enfants « normaux » et une déflexion anormale des ondes T. La présence d’une onde Q est normale en D2, D3, aVF, V5 et V6 chez le petit, puis en D1 chez le plus grand. Elle peut doubler d’amplitude entre la naissance et 6 mois et rester ample jusqu’à 5-6 ans (0,6 à 0,8 mV). L’espace QT L’espace QT représente la repolarisation ventriculaire. Il est âge et fréquence cardiaque dépendant. On utilise la formule de Bazett pour calculer le QT corrigé (QTc) préférentiellement dans les dérivations D2, V5 ou V6 si la FC est 130 bpm. Le QTc est compris entre 320 et 440 ms. Si ce dernier est anormalement élevé, il faut : éliminer une cause secondaire : médicamenteuse comme l’utilisation d’un macrolide, un trouble ionique (hypocalcémie, hypokaliémie, hypomagnésémie), une anomalie du système nerveux central ; enquêter sur une histoire familiale compatible avec un syndrome du QT long (mort subite, noyade, etc.) ; et contrôler l’ECG à distance. Le segment ST Il est situé normalement sur la ligne isoélectrique mais il existe une variante de la normale appelée repolarisation précoce qu’il ne faut pas confondre avec le syndrome de repolarisation précoce. En effet, la prévalence de la repolarisation précoce dans la population générale varie entre 1 et 9 % alors qu’elle est observée dans 15 à 42 % des cas de fibrillations ventriculaires récupérées. Cette repolarisation précoce est définie par une surélévation du point J ≥ 1 mm (0,1 mV) au-dessus de la ligne de base, concave et ascendante, avec un aspect d’empâtement de la partie terminale du QRS (slurring) ou sous la forme d’une petite bosse (notch) dans les dérivations inférieures et/ou latérales et/ou antérieures. Elle est plus fréquente chez les sujets noirs, de sexe masculin, jeunes et sportifs. Elle a tendance à disparaître à l’effort. Les critères de malignité sont les suivants : antécédent personnel de syncope, antécédent familial de mort subite inexpliquée, amplitude de l’onde J > 2 mm, une répartition étendue en inférieure et latérale, et un aspect de crochetage de l’onde J(8). L’onde T Elle est positive durant les 7 premiers jours de vie dans la plupart des dérivations puis devient négative toujours en V1, parfois en V2 et plus rarement jusqu’en V4 jusqu’à 12 ans. Elles sont toujours positives en V5 et V6. L’onde T peut être un marqueur d’hypertrophie ventriculaire droite ou gauche en fonction des données physiologiques évoquées ci-dessus. Conclusion La connaissance des variations physiologiques de l’ECG pédiatrique en fonction de l’âge est fondamentale pour éviter les erreurs d’interprétation.

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