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Rhumatologie - Os - Orthopédie - Traumatologie

Publié le 28 aoû 2020Lecture 7 min

Scolioses : comment bien apprécier l’évolutivité pour une prise en charge adaptée ?

Romain LAURENT, Service de chirurgie orthopédique et réparatrice, hôpital Trousseau, Paris

La scoliose est une déformation acquise de la colonne vertébrale que tout pédiatre, fréquemment en première ligne au moment du diagnostic, doit savoir reconnaître. Cet article a pour but d’aider le praticien dans sa prise en charge en répondant à ces questions : Quels éléments rechercher à l’examen clinique ? Quels examens complémentaires demander ? Comment bien apprécier l’évolutivité ? Quel recours à l’orthopédiste pédiatre et pour quels traitements ?

Examen clinique La scoliose est une déformation tridimensionnelle. La rotation vertébrale dans le plan axial se traduit par une gibbosité qui se recherche, bassin horizontal, en flexion du tronc. Les côtes et/ou les masses musculaires paravertébrales apparaissent asymétriques de part et d’autre de la ligne médiane. La différence de hauteur représente la gibbosité. Dans le plan frontal, l’équilibre du tronc est mesuré par la distance entre la ligne médiane et la verticale abaissée au fil à plomb depuis C7. On note aussi l’inclinaison de la ligne des épaules. Dans le plan sagittal, on évalue, au moins de manière subjective, l’aspect du dos dans le secteur thoracique : plat, creux ou en hypercyphose (figure 1). Figure 1. Caractéristiques cliniques de la scoliose. A : gibbosité thoracique droite. B : dos creux. C : gîte latérale gauche. La scoliose n’est pas une déformation douloureuse lors de l’enfance. Des douleurs quotidiennes, d’horaire inflammatoire, associées à une raideur du rachis orientent vers des diagnostics tumoraux, infectieux ou neurologiques à explorer par l’imagerie. L’examen neurologique est fondamental, car des pathologies périphériques ou centrales sont à l’origine de scolioses (syringomyélies, maladies de Friedreich, de Charcot). On recherche des anomalies des réflexes ostéotendineux, une asymétrie des réflexes cutanés abdominaux, un signe de Babinski, un déficit moteur ou sensitif. On interroge sur des troubles de la continence fécale ou urinaire, et on note d’autres déformations orthopédiques (pieds). L’examen cutané recherche des taches « café au lait », des nodules sous-cutanés (neurofibromatose), une hyperélasticité de la peau (syndromes de Marfan et d’Ehler Danlos) et des anomalies sur la ligne médiane du dos (anomalie médullaire sousjacente). Les pathologies du tissu élastique comportent des déformations de la paroi thoracique et une hyperlaxité articulaire. Les scolioses malformatives sont associées à des malformations d’autres organes souvent au premier plan. Examens complémentaires Le diagnostic de scoliose est confirmé par la radiographie du rachis en entier, debout de face et de profil. Les techniques récentes de stéréographies couplées à un capteur plan (Imagerie EOS™) permettent de réduire la dose de rayonnements ionisants. L’importance de chaque courbure est mesurée sur la radiographie de face par l’angle de Cobb. Sur l’incidence de profil, on mesure la cyphose thoracique et la lordose lombaire. La réalisation d’une IRM vertébrale et médullaire est indispensable dans les cas où la déformation est associée à un examen clinique anormal : courbure thoracique à convexité gauche ; anomalie à l’examen clinique neurologique ; raideur rachidienne ; douleurs rachidiennes, notamment nocturnes ; progression rapide de la déformation ; hypercyphose thoracique associée à la scoliose. Pronostic d’évolutivité L’âge de découverte des scolioses a été décrit comme premier facteur influençant leur évolution. Les scolioses infantiles sont diagnostiquées avant l’âge de 3 ans. La plupart, présentes dès la période néonatale régressent, mais 10 % environ progressent. Les scolioses « juvéniles 1 » sont découvertes entre 3 et 7 ans, les « juvéniles 2 », entre 7 et 11 ans et les « juvéniles 3 », entre 11 ans et le début de la puberté. Quatrevingts pour cent ont un risque d’évolution marqué. Les scolioses de l’adolescent sont diagnostiquées après le début de la puberté et progressent dans environ 20 % des cas. Duval-Beaupère a caractérisé l’évolution des scolioses en fonction de la croissance et défini trois phases au cours desquelles l’aggravation est linéaire, mais avec une vitesse différente. Après une période de relative latence, l’aggravation est rapide lorsque la croissance s’accélère au moment de la puberté. L’évolution ne s’arrête pas à la fin de la croissance, mais se poursuit au cours de la vie adulte, beaucoup plus lentement (figure 2). Figure 2. Diagramme de Duval-Beaupère. A, B, C : trois scolioses différentes à profil évolutif de gravité croissante. D : évolution stoppée de la scoliose « C » après mise en place d’un corset à 30°. La période clé au cours de laquelle une « petite scoliose » peut devenir catastrophique est la puberté. Des marqueurs radiographiques qui évaluent la maturation squelettique du rachis sont visibles sur le bassin. Le cartilage triradié, dit « en Y », visible au fond du cotyle, s’ossifie complètement 1 an environ après le début de la puberté. Le car tilage de l’aile iliaque laisse progressivement apparaître un noyau d’ossification qui fusionne en suite à l’aile. Au stade Risser 0, il n’y a pas de noyau d’ossification. Il apparaît au stade 1, environ un an après la fermeture du cartilage triradié. Le sommet du pic de croissance est à ce moment-là. L’ossification complète de l’aile iliaque et donc la maturation se terminent ensuite sur 3 années. Les ménarches sont en général concomitantes du stade Risser 2, et le stade Risser 5 signe la fin de la croissance staturale (figure 3). Figure 3. Signes radiologiques au bassin de la maturation du rachis. A : cartilage en Y ouvert (*), Risser 0. B, C, D : l’apparition du noyau d’ossification de l’aile iliaque est divisée en trois tiers. E, F : la fusion est divisée en deux moitiés. Chaque scoliose possède ses propres vitesses d’aggravation aux différents stades de la croissance (figure 2). Le pronostic d’évolutivité est approximatif et ne repose que sur un faisceau d’arguments. C’est la répétition de plusieurs examens cliniques et radiographiques qui affirme l’évolutivité. La progression de l’angle de Cobb de 5° entre 2 radiographies successives est le seuil retenu. Le rythme est planifié en fonction de la vitesse d’aggravation supposée : avant la puberté, une surveillance annuelle est suffisante ; au moment du pic de croissance pubertaire, tous les 4 à 6 mois maximum. Toute scoliose en période de croissance est présumée évolutive et doit être surveillée par des radiographies tous les 6 mois maximum. Traitements Traitement orthopédique Le seul traitement orthopédique efficace est le traitement par port de corset. Le but est d’arrêter, ou au moins de freiner, l’évolution d’une scoliose en période de croissance pour aboutir à une déformation mo dérée ayant le moins de conséquences possible à l’âge adulte. La kinésithérapie seule ne ralentit pas la progression des scolioses. Il ne s’agit que d’un traitement d’appoint. Le kinésithérapeute est un allié pour obtenir une bonne compliance au traitement, gage d’efficacité. Le début de ce traitement ne se conçoit qu’après avoir obtenu la preuve de l’évolution. Mais au-delà du stade Risser 3, il ne présente plus d’intérêt. Différents types de corsets existent : actif ou passif, hypercorrecteur ou non, à port continu ou nocturne. Le choix dépend de l’âge, du type de courbure et de l’habitude du prescripteur. La kinésithérapie est un traitement d’appoint. Traitement chirurgical Son but est de corriger la déformation et de la rendre stable dans le temps (figure 4). La chirurgie est indiquée sur des courbures thoraciques de plus de 50°. Elles entraînent un syndrome pulmonaire restrictif dont l’évolution au cours de la vie peut mettre en jeu le pronostic vital à long, voire moyen terme. La deuxième indication concerne les scolioses déséquilibrantes. Elles sont souvent en zone lombaire ou thoracolombaire et parfois d’intensité modérée. Elles s’aggravent à l’âge adulte et entraînent à moyen terme des dislocations douloureuses de la charnière thoracolombaire. Figure 4. Scolioses traitées chirurgicalement. A, B : scoliose thoracique droite de 70°. C, D : scoliose combinée à prédominance thoracolombaire déséquilibrante. La correction s’accompagne d’une arthrodèse instrumentée avec greffe osseuse. Des implants vertébraux sont solidarisés sur 2 tiges métalliques et mis en place par voie postérieure. Ce type d’interventions présente un risque neurologique estimé à 0,5 %, pouvant entraîner une paraplégie définitive avec des troubles sphinctériens. Les risques infectieux ne sont pas négligeables : 2 à 3 %. Cette correction-fusion ne peut être réalisée que vers la fin de croissance (Risser 1) afin de ne pas trop impacter la taille définitive du tronc. En pratique • La scoliose doit être dépistée lors de toute consultation médicale au cours de la croissance. • Sa découverte conduit à une évaluation du pronostic d’évolutivité. • La surveillance radio-clinique est annuelle avant la puberté et tous les 6 mois maximum dès le début de la puberté et jusqu’à la fin de la croissance. • Le seul traitement orthopédique efficace est le corset, commencé après avoir prouvé l’évolutivité. • Le traitement chirurgical est un constat d’échec du dépistage, de la surveillance ou du traitement orthopédique et doit être posé sur l’évaluation du pronostic évolutif.

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