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Thérapeutique

Publié le 02 juil 2020Lecture 6 min

Corticostéroïdes inhalés et caries dentaires chez l’enfant

L. GEROUX*, G. BENOIST*, M-C. ORCEL*, J. NANCY**, S. ROMANO*** *Pédiatrie générale et HDJ Allergies & Asthme, CHU Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt **Odontologie, Maison de santé protestante, Bagatelle ***Cabinet de pédiatrie, Boulogne-Billancourt

En consultation de pédiatrie générale, la prévention et le dépistage de la carie dentaire chez le jeune enfant fait partie du suivi systématique. La prescription des corticostéroïdes inhalés est une éventualité fréquente en raison de la prévalence de l’asthme dans cette tranche d’âge. Si la candidose est l’effet secondaire local le plus connu de ce traitement, les interactions entre asthme/corticostéroïdes inhalés/carie dentaire sont moins connues des médecins.

D’après un poster présenté à la journée du Groupe de Pédiatrie générale de la Société française de pédiatrie (5 mars 2020, à l’Institut IMAGINE, Paris) Caries dentaires et corticostéroïdes inhalés : deux problématiques fréquentes pour le pédiatre Caries dentaires Les caries dentaires sont une problématique de santé publique dès la petite enfance. Leur prévaLence est variable selon l’âge et certains facteurs socio-économiques. On estime que dès l’école primaire, 30 % des enfants ont au moins une dent permanente cariée non soignée. Plusieurs facteurs susceptibles d’influencer la formation de la carie dentaire ont été décrits. La plaque dentaire se formant à la surface des dents est constituée d’un biofilm bactérien qui est le principal facteur cariogène local. La salive possède des propriétés antibactériennes grâce aux enzymes (lysozymes), aux immunoglobulines, au mucus et aux glycoprotéines qu’elle contient, elle joue un rôle de clairance bactérienne, de reminéralisation de l’émail et de régulation du pH buccal, qui participent à maintenir l’écosystème oral en équilibre. Il existe aussi une variabilité interindividuelle de la proportion de bactéries cariogènes au sein de la flore commensale orale, déterminante dans le processus carieux. Une transmission environnementale est également possible par l’entourage proche (baiser mère-enfant par exemple). Les facteurs de risque de carie dentaire sont principalement les habitudes alimentaires (notamment la fréquence [grignotage] et le moment de la consommation de sucres, la nature des sucres), la cario-susceptibilité dentaire (dysplasie des tissus durs dentaires, incompétence salivaire) et le niveau de recours aux actes de prophylaxie dentaires et aux soins précoces, mais également les comorbidités telles que les maladies systémiques et le handicap. Les caries exposent à des complications locorégionales comme l’ostéite, l’abcès, la cellulite ou la sinusite maxillaire. Elles ont également un retentissement général souvent sous-estimé : douleurs récurrentes avec troubles du sommeil, problèmes comportementaux (estime de soi) et difficultés d’apprentissage, troubles de l’occlusion (suite à la perte de dents) et retard de croissance (suite à des difficultés alimentaires). Corticostéroïdes inhalés (CSI) L’asthme est la première maladie chronique de l’enfant. Les CSI constituent le traitement de fond de 1re ligne de l’asthme dit persistant et sont donc très fréquemment prescrits. Ils ont un effet anti-inflammatoire local et diminuent ainsi la sensibilité des bronches aux agents irritants. Leur action s’exerce au long cours. Leur observance est indispensable même si en pratique, celle-ci est mauvaise à tous les âges. Plusieurs modes de délivrance existent, notamment : aérosols doseurs (AD) et inhalateurs de poudre (IH). Selon le dispositif et la technique d’inhalation, il existe une impaction de 40 % jusqu’à 90 % des particules dans l’oropharynx. Cela serait susceptible de modifier l’immunité locale et ainsi de favoriser la croissance de levures telles que C. albicans. Les effets secondaires locaux des CSI les plus décrits sont : la toux, la candidose buccale et la dysphonie. La carie dentaire est une conséquence de l’usage des CSI méconnue des pédiatres. D’autres médicaments sont également rapportés comme susceptibles de favoriser la carie dentaire (tableau). Interactions CSI/asthme/caries dentaires : ce que dit la littérature Le risque de carie dentaire chez l’enfant asthmatique est multiplié par 2. Les caries dentaires sont plus fréquentes pour les dents définitives par rapport aux dents de lait, et plus fréquemment au niveau des premières molaires permanentes. CSI/autres traitements de l’asthme et caries dentaires Les CSI diminuent la sécrétion de salive (ce qui amoindrit la capacité de tampon et de reminéralisation). Ils abaissent aussi le pH buccal (ce qui facilite le développement de bactéries comme le Streptococcus mutans : impliqué dans l’initiation de la maladie carieuse et le Lactobacillus impliqué dans sa progression). Les antihistaminiques, les bêta2-agonistes, également prescrits en pneumo-allergologie pédiatrique, ont des effets proches sur la qualité et la quantité de salive. Pathologie asthmatique et caries dentaires Dans l’asthme, la respiration buccale est plus fréquente, ce qui entraîne une sécheresse buccale et ainsi une plus faible quantité de salive, avec les conséquences précitées. L’association entre l’asthme et le reflux gastro-œsophagien (RGO) est connue même si parfois débattue dans ses interactions de causalité. L’acidité altère l’émail dentaire et favorise ainsi l’apparition des caries. Enfin, plusieurs études ont montré que la salive des enfants asthmatiques contiendrait moins d’immunoglobulines de type IgA. Or, lorsqu’un élément potentiellement antigénique pénètre dans la cavité orale, il entre en contact majoritairement avec les IgA. Celles-ci se lient à un grand nombre de micro-organismes, et constituent une ligne de défense contre les bactéries. Schéma : conséquences possibles de l’utilisation des CSI. Maladies parodontales et maladies respiratoires/ systémiques Les bactéries du biofilm oral peuvent être aspirées dans le tractus respiratoire et influencer l’initiation et la progression de maladies infectieuses systémiques (pneumonies, par exemple). À l’instar des infections ORL, les maladies parodontales mal contrôlées contribuent à l’inflammation systémique. Elles servent de substrat métabolique stressant qui peut exacerber ces maladies. Prévention : que retenir pour notre pratique ? L’administration des cortico-stéroïdes inhalés devrait se faire de manière combinée avec le brossage de dents. Ceci permettrait d’éviter les oublis de ces deux rituels et de bien rincer la bouche au décours immédiat de la prise du médicament (limitation de la survenue des caries dentaires, mais aussi de la candidose buccale). Il faut rappeler les effets bénéfiques de la chambre d’inhalation. Celle-ci réduit la déposition oropharyngée et augmente la déposition pulmonaire. Il faut également veiller à rechercher la dose minimale efficace de CSI dès que le contrôle de l’asthme est obtenu.   Une hygiène bucco-dentaire rigoureuse, comme recommandée chez tout enfant, doit compléter ces mesures. Avant 6 mois (utilisation de CSI rare à cet âge), il est conseillé de passer une lingette avec de l’eau sur les arcades dentaires afin de limiter les éventuels dépôts. Dès que les premières dents apparaissent, un brossage soigneux le matin et le soir est préconisé après la prise de médicament et les repas (jusqu’à 8 ans : ce sont les parents qui brossent eux-mêmes les dents de leurs enfants). De manière générale, il est indiqué d’utiliser un dentifrice fluoré dès l’âge de 12 mois. Idéalement, il faut le déposer 4 minutes sur les dents avant le brossage pour minéraliser l’émail (au lieu de le mettre sur la brosse à dents).   L’équilibre alimentaire ne doit pas être négligé. Il convient de respecter les horaires des repas, et de limiter le grignotage.   Un suivi odontologique, en parallèle du suivi pédiatrique systématique est utile. La première consultation chez un spécialiste est recommandée entre les âges de 12 et 18 mois. Le suivi consistera, entre autres, en des applications de vernis fluoré ; et à l’âge de 6 ans, au scellement des sillons des premières molaires permanentes.

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