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Thérapeutique

Publié le 20 oct 2022Lecture 7 min

Traitement de la toux aiguë chez l’enfant - Que dit la science ?

David DRUMMOND, service de pneumologie et allergologie pédiatriques, hôpital Necker Enfants-Malades, Paris

Chez l’enfant, les infections des voies aériennes supérieures sont fréquentes. Elles occasionnent des épisodes de toux, qui cumulés peuvent atteindre 140 jours par an chez le nourrisson. Cette toux aiguë est à l’origine d’une anxiété chez 90 % des parents(1). Leur crainte est de passer à côté d’une maladie grave, que leur enfant soit douloureux, voire qu’il s’étouffe.

Dans ce contexte, deux tiers des parents attendent de la consultation médicale une prescription. Le fait de pouvoir administrer un traitement à son enfant représente pour beaucoup un moyen de soulager leur anxiété, les rassurant sur le fait qu’ils sont de « bons parents » agissant pour protéger leur enfant des risques liés à la maladie. Entre l’oignon sous le lit, le sirop pour la toux, la pommade sur la poitrine, les inhalations, etc., le pédiatre a pour mission d’offrir à l’enfant la prise en charge avec la meilleure balance bénéfice/risque. Pour cela, selon les principes de la médecine fondée sur les preuves, il doit prendre en compte les don-nées scientifiques les plus solides et les plus récentes, son expérience, et les préférences du patient. L’objectif de cet article est de présenter les données scientifiques sur lesquelles il pourra s’appuyer. Les sirops pour la toux Les sirops pour la toux peuvent agir de diverses manières : les fluidifiants (acétylcystéine, carbocistéine) étaient prescrits en cas de toux grasse pour fluidifier les sécrétions bronchiques et aider à leurs expectorations, les antihistaminiques (oxomémazine, prométhazine) pour leur faculté à contrer l’action de l’histamine sur les fibres lisses des bronches, limi-tant l’envoi du stimulus tussigène à l’origine de l’envie de tousser ; et les opiacés en élevant le seuil de stimulation du centre de la toux (figure 1). Figure 1. La toux en cas de rhinopharyngite. En cas de rhinopharyngite, un stimulus (inflammation, irritation) au niveau pharyngé déclenche ne sensation d’« urgence à tousser », consciente, qui conduit à l’effort de toux. Le miel prévient l’apparition du stimulus en tapissant les voies aériennes d’une couche de substance anti-inflammatoire et antioxydante. Les antihistaminiques empêcheraient la propagation du stimulus en inhibant la libération d’histamine et les opiacés augmenteraient le seuil de déclenchement de l’urgence à tousser, mais ces médicaments n’ont pas montré plus d’efficacité qu’un placebo et peuvent être à l’origine d’effets indésirables. Une revue systématique de la littérature avec métaanalyse de la Cochrane a identifié six essais randomisés contrôlés (ERC) conduits essentiellement dans les années 1970 ayant évalué l’efficacité des fluidifiants (acétylcystéine et carbocistéine)(2). Il existait un petit effet sur la réduction de la toux au bout d’une semaine, de l’ordre de 10 %. Cependant, ces traitements étaient également associés à des épisodes d’encombrement paradoxal chez des nourrissons ayant conduit à 51 hospitalisations et un décès en France sur la période 1989-2008. Pour cette raison, ces médicaments sont contre-indiqués depuis 2010 chez les enfants de moins de 2 ans. Les médicaments antitussifs antihistaminiques ont fait l’objet de 3 ERC (essais contrôlés randomisés) chez 363 enfants au total(3). Ces études n’ont pas montré de différence entre l’utilisation de ces traitements et celle des placebos. Leur rapport bénéfice/risque a également été considéré comme défavorable du fait d’épisodes de somnolence pouvant être délétères en cas d’encombrement bronchique, et ils sont également contre-indiqués depuis 2011 chez les moins de 2 ans. Les antitussifs opiacés ont tous été contre-indiqués avant l’âge de 30 mois du fait du risque de dépression respiratoire. Le dextrométhorphane a été le plus évalué avec quatre ERC portant sur 327 enfants au total(3). Son utilisation n’était pas associée à de meilleurs résultats qu’avec le placebo. La contre-indication de la codéine a été étendue en 2013 aux enfants de moins de 12 ans. Enfin, la pholcodine n’a pas fait l’objet d’ERC chez l’enfant, et son utilisation expose à un risque de réaction allergique croisée (et donc de choc anaphylactique) aux curares. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a rappelé en 2020 qu’il était « recommandé de ne pas prescrire » cette spécialité. L’hélicidine, extrait de bave d’escargot utilisé à visée antitussive, n’a pas fait l’objet d’ERC et est également contre-indiquée chez le nourrisson depuis 2010. Enfin, deux sirops homéopathiques ont fait l’objet d’ERCs. L’un à base d’échinacées n’a pas montré de supériorité, tandis qu’un petit effet sur un score de symptômes lors des deux premiers jours d’administration a été montré chez le second(4,5). Il convient de noter que l’investigateur de la seconde étude avait été consultant pour l’entreprise de produits homéopathiques qui finançait également l’étude.  Le miel Le miel a pour avantage de combiner des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Un ERC israélien ayant comparé trois types de miel à un placebo a montré que, quel que soit le type de miel, celui-ci avait une meilleure efficacité sur la réduction de la toux que le sirop de dattes utilisé comme placebo(6). L’efficacité du miel sur la toux a été confirmée par une revue de la Cochrane ayant inclus 6 ERC et 899 enfants(7). Du fait du risque de botulisme, le miel est contre-indiqué avant l’âge d’un an. Une autre étude à base de nectar d’agave (autorisé avant un an) a donc été menée pour évaluer si cette substance permettait d’obtenir des résultats comparables à ceux du miel, sans succès(8).  Les pommades  L’application de pommade à base d’huiles de camphre, de menthol et d’eucalyptus sur le thorax des enfants avant le coucher a été pro-posée comme thérapie antitussive. Un ERC ayant comparé l’utilisation de cette pommade « complète », à l’utilisation de vaseline seule, et à l’absence d’administration, a montré que la pommade « complète » était plus efficace que la vaseline, qui était comparable à l’absence d’administration(9). Cependant, l’utilisation de terpènes (dont font partie le camphre, le menthol, et l’eucalyptol) a été associée à des convulsions chez l’enfant, conduisant l’ANSM à recommander aux industriels de ne pas les utiliser chez les moins de 3 ans et de limi-ter leurs concentrations chez les 3-6 ans dès 2008. En 2011, les terpènes ont finalement été contre-indiqués en suppositoire chez les moins de 30 mois. La vapeur d’eau Un ERC ayant comparé l’inhalation de vapeur d’eau (la tête sous la serviette au minimum 3 fois 5 minutes par jour) à l’absence d’inhalation de vapeur d’eau chez des enfants de 3 à 16 ans n’a pas montré d’efficacité de cette thérapeutique(10). Par ailleurs des brûlures ont été rapportées. La désobstruction rhinopharyngée L’utilité de la désobstruction rhinopharyngée (DRP) sur la toux a été évaluée au cours de deux ERC, l’un concernant des nourrissons, l’autre des enfants âgés de 4 à 10 ans(11,12). Ces deux études ont montré que la DRP améliorait l’obstruction nasale, mais pas la toux elle-même. L’étude réalisée chez le nourrisson montrait également une supériorité de la DRP pour améliorer la qualité du sommeil, la nutrition et réduire la fatigue. La DRP a donc toute sa place en cas de rhinopharyngite ou de bronchiolite, mais ses nombreux bénéfices ne concerneraient pas la toux d’après ces études. Les autres traitements Il existe des ERC bien conduits qui montrent l’inefficacité de nombreuses autres thérapeutiques : les antibiotiques, le salbutamol (en dehors du cas des enfants asthmatiques), les corticoïdes en spray nasal ou en cure orale courte, les traitements par vitamine C ou D ne sont pas supérieurs au placebo. Enfin, nous n’avons pas retrouvé d’ERC évaluant les sprays à base de sodium monosulfure, les suppositoires homéopathiques à base de gelsemium et grindelia ou les oignons sous le lit. Conclusion Bien que de nombreuses thérapies existent, la balance bénéfice/risque de la plupart des traitements antitussifs est défavorable. Ainsi, le miel est contre-indiqué chez le moins d’un an du fait du risque de botulisme, la plupart des sirops antitussifs chez le moins de 2 ans du fait du risque d’encombrement bronchique, les dérivés des terpènes chez les moins de 30 mois du fait du risque de convulsion, la codéine avant 12 ans du fait du risque d’arrêt respiratoire chez les métaboliseurs rapides. De plus, il existe toujours un risque de mésusage, avec des brûlures occasionnées par les inhalations de vapeur d’eau, de convulsions en cas d’in-gestion de terpènes, et de détournements de la codéine, du dextrométhorphane et de la prométhazine pour créer des cocktails hallucinogènes appelés « purple drank ». En pratique, on retiendra que l’objectif chez les moins de 2 ans est avant tout de rassurer les parents. En effet, il est montré que les parents qui ont plusieurs enfants ont une moindre anxiété vis-à-vis de la toux qu’ils ont banalisée, acceptant plus facilement de la traiter par le mépris. Si l’enfant semble douloureux, du paracétamol pourra être administré, et la DRP permettra d’optimiser la respiration et la qualité du sommeil. Chez les plus de 2 ans, le miel est le seul traitement ayant montré une balance bénéfice/risque clairement favorable, qu’il pro-vienne du placard ou qu’il soit intégré dans un sirop à visée antitussive.

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