publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Pédiatrie générale

Publié le 15 aoû 2016Lecture 9 min

Erreurs d’indication et d’interprétation des examens complémentaires en pédiatrie

A. MARTINOT, Université et CHU de Lille

Passé la phase clinique et le recueil des informations permettant de quantifier la probabilité pré-test d’une affection, comment évaluer la pertinence d’un examen complémentaire ? Pourquoi en faire la demande et avec quelle attente ? Lequel choisir ? Comment interpréter les résultats ? Alain Martinot pose ici les principes d’une démarche cohérente.

La démarche diagnostique La démarche diagnostique a pour objet de déterminer ou au moins de suspecter avec une probabilité suffisante l’affection, cause des symptômes, pour choisir au mieux son traitement. Cette démarche est le plus souvent probabiliste, faute de diagnostic de certitude ou de risque nul. Le médecin recueille toutes les informations lui permettant d’estimer au mieux la probabilité de l’affection. Cette évaluation intègre la prévalence de la maladie, les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique et, si nécessaire, les résultats d’examens complémentaires. La décision médicale finale peut être de traiter, si la probabilité de l’affection est suffisante, les risques liés à un retard de traitement important et à un traitement inutile faible. La décision peut être de ne pas traiter et de surseoir à tout nouvel examen si la probabilité de l’affection est suffisamment basse, le risque lié à un retard de traitement faible et à un traitement inutile important (figure 1). Cette décision nécessite donc que le médecin détermine pour l’affection les seuils de probabilité en-dessous desquels il ne traite pas et ne réalise pas d’examen (seuil fonction du risque de retarder un diagnostic) et au-dessus desquels il traite (seuil fonction des risques de ne pas traiter à temps et de traiter à tort) (figure 1). La démarche diagnostique est d’abord clinique, elle aboutit à une évaluation de la probabilité (p) pré-test (avant un éventuel examen complémentaire). Cette probabilité pré-test est estimée en fonction de la prévalence de l’affection dans la population : un enfant présentant une fièvre sans foyer a plus de risque de présenter une infection bactérienne sévère s’il est vu aux urgences que dans un cabinet de ville, car la prévalence est plus élevée dans le premier mode de recrutement. Puis chaque donnée d’interrogatoire et d’examen augmente ou diminue cette probabilité selon la valeur diagnostique de chacune, estimée en fonction de l’expérience du médecin et de la lecture d’études sur les performances diagnostiques de chacun de ces signes. Les indications d’un examen complémentaire s’intègrent dans cette démarche. Un examen complémentaire ne présente une utilité potentielle que lorsqu’une décision ne peut être prise sur les seules données de prévalence et de clinique, c’est-à-dire quand la probabilité pré-test est en zone d’incertitude décisionnelle, ni suffisamment basse pour accepter le risque de réfuter le diagnostic, ni suffisamment haute pour décider de traiter. La deuxième condition de l’utilité de cet examen est qu’il soit capable d’augmenter (en cas de résultat positif) ou de diminuer (en cas de résultat négatif) suffisamment la probabilité de l’affection (dite alors probabilité posttest) pour franchir les seuils décisionnels (pour traiter ou, au contraire, réfuter le diagnostic et surseoir à tout nouvel examen) (figure 2). Cette capacité à augmenter la probabilité est représentée par le rapport de vraisemblance positif (RVP) et la capacité à diminuer la probabilité par le rapport de vraisemblance négatif (RVN). Un examen est donc indiqué, utile, si le résultat a le potentiel de nous faire passer d’une zone d’incertitude décisionnelle à une zone de décision (figure 2). L’interprétation du résultat d’un examen complémentaire ne doit jamais prendre en compte ce seul résultat mais l’intégrer en fonction de la probabilité pré-test évaluée chez le patient et du rapport de vraisemblance de l’examen qui contribuent tous deux au calcul de la probabilité post-test. Il importe donc de connaître ces rapports de vraisemblance qui représentent l’élément essentiel des performances des examens complémentaires.   Les valeurs d’un examen complémentaire La réponse d’un test diagnostique peut être qualitative (présence ou absence) ou quantitative (dosage), la plus fréquente. Le choix d’une valeur seuil permet, dans ce dernier cas, de classer la réponse en normale ou pathologique, en offrant le meilleur compromis entre sensibilité et spécificité selon les qualités recherchées pour ce test.   Sensibilité, spécificité et valeurs prédictives La sensibilité (Se) est la fréquence des tests positifs chez les malades (capacité à identifier les malades) et la spécificité (Sp) celle des tests négatifs chez les non-malades (capacité à identifier les nonmalades). Une Se élevée est souhaitée lorsqu’un retard diagnostique risque de conduire à des complications. Une Sp élevée est requise dans les situations où les faux-positifs conduisent à d’autres explorations plus invasives ou à un traitement à risque. La Se et la Sp sont  utiles pour juger de la décision d’utiliser ou pas un test globalement dans une population. Leur pertinence est réduite en pratique quotidienne où c’est la probabilité de l’affection chez un individu donné, une fois le résultat du test connu, qui est intéressante. La valeur prédictive positive (VPP) est la probabilité (p post-test) moyenne de l’affection chez les enfants ayant un test positif. La valeur prédictive négative (VPN) est la probabilité (p post-test) moyenne de ne pas être atteint de l’affection chez les enfants ayant un test négatif. Les valeurs prédictives dépendent de la Se et de la Sp du test, ainsi que de la prévalence de l’affection dans la population d’étude. Une prévalence élevée augmente mécaniquement la VPP et diminue la VPN, et inversement. Par exemple, la VPP d’un test ayant une Se et une Sp de 90 % passera de 50 à 90 % si la prévalence de la maladie passe de 10 à 50 %. Il convient donc de comparer la prévalence dans les populations des études à celle estimée dans la population prise en charge. Un autre danger majeur est d’appliquer à un patient ces valeurs moyennes et ainsi de raisonner sur le seul résultat d’un examen, alors qu’il convient d’interpréter le résultat du test en fonction de la p pré-test de l’individu. Les valeurs prédictives ne sont que des p post-test moyennes d’individus ayant chacun des p pré-test (et donc en conséquence post-test) très différentes.   Les erreurs d’indication d’un examen complémentaire Les rapports de vraisemblance mesurent l’apport diagnostique d’un résultat positif ou négatif d’un test, c’est-à-dire l’amplitude de la variation (amplitude des flèches sur la figure 2) entre p pré-test et p post-test, tout en ayant l’avantage d’être théoriquement indépendants de la prévalence. Le RVP (> 1) décrit cette variation en cas de test positif et le RVN (entre 0 et 1) en cas de test négatif. On considère qu’un test diagnostique est très informatif s’il a un RVP > 10 et/ou un RVN < 0,1. La connaissance de la p pré-test et des rapports de vraisemblance permet de calculer la p post-test. L’expression de ces rapports de vraisemblance sous forme graphique avec indication de la prévalence et des p post-test moyennes en cas de résultat positif ou négatif (qui représentent VPP et VPN) permet de comparer l’apport diagnostique de différents examens (figure 3).     Les erreurs d’indication d’un examen complémentaire Un premier type d’erreur consiste à prescrire un examen dans une situation où la p pré-test est déjà à un niveau suffisamment élevé pour débuter un traitement. Si un nourrisson de 4 mois se présente avec une fièvre sans foyer clinique, mais avec présence de signes toxiques (altération du comportement, tachycardie importante et signes de vasoconstriction), la probabilité estimée d’infection bactérienne grave justifie un traitement sans attendre l’apport de marqueurs biologiques. Le risque en réalisant un examen est notamment que celui-ci soit « faussement » négatif. C’est en effet pour les examens réalisés dans une population de prévalence élevée (ayant des p pré-test élevées) que l’on observe les VPN les plus basses, donc le plus de faux négatifs. Le médecin qui estimait très probable le diagnostic va ainsi être perturbé à tort. Il est de plus vraisemblable que même avec un résultat négatif, la p post-test n’aura pas suffisamment baissé pour changer la décision initiale qui était de traiter compte tenu du risque de retarder le traitement. Un deuxième type d’erreur est de prescrire un examen dans une situation où la probabilité avant examen est déjà à un niveau suffisamment bas, compte tenu d’un risque faible d’un retard au diagnostic et au traitement. Le risque est alors d’avoir de nombreux faux positifs. Dans une fièvre sans foyer chez un nourrisson d’1 an sans antécédent, la négativité de la bandelette urinaire amène à une probabilité < 0,5 % d’infection urinaire justifiant de ne pas demander d’ECBU. Celui-ci, s’il était pratiqué, risquerait d’induire de nombreux faux positifs par contamination du prélèvement. Un troisième type d’erreur est de prescrire un examen pour un niveau de probabilité effectivement en zone d’incertitude décisionnelle mais dont les RVP et/ou les RVN sont trop faibles pour conduire à une p post-test permettant une décision. L’existence d’une hyperleucocytose (RVP entre 1,5 et 3) dans le bilan d’une douleur abdominale ne permettra pas d’augmenter suffisamment la probabilité pour prendre une décision dans le diagnostic d’appendicite, alors que l’existence de critères échographiques (RVP : 7 à 40) pourra le permettre.   Les erreurs d’interprétation La principale erreur est d’interpréter le résultat d’un examen complémentaire en dehors de la prévalence et du contexte clinique (c’est-à-dire de la p pré-test) en ne prenant en compte que les VPP et les VPN (qui ne sont que la moyenne des probabilités des patients ayant un résultat positif), comme si tous les patients ayant une CRP à 50 mg/l avaient la même probabilité d’infection bactérienne sévère quels que soient les signes cliniques présentés. Un résultat négatif d’un examen, alors que la suspicion clinique était forte, doit être interprété avec prudence, en analysant les facteurs possibles pouvant contribuer à un faux négatif.  

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème