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Néphrologie et Urologie

Publié le 27 nov 2017Lecture 7 min

Enfants à risque rénal : de qui parle-t-on ?

Sylvie NATHANSON, Centre hospitalier de Versailles, Le Chesnay

La maladie rénale chronique est définie par la persistance au-delà de 3 mois de marqueurs d’atteinte rénale, ces marqueurs étant morphologiques, biologiques ou histologiques. Les anomalies morphologiques peuvent être révélées par une échographie des voies urinaires qui montre l’existence de malformations apparaissant sous forme de dilatations des voies excrétrices. Les anomalies biologiques peuvent être une hématurie, une protéinurie ou une baisse du débit de filtration glomérulaire (DFG). La maladie rénale chronique est donc définie indépendamment de sa cause.

Une des particularités de la maladie rénale est qu’elle est silencieuse cliniquement pendant très longtemps, mais qu’elle peut évoluer vers l’insuffisance rénale chronique, voire terminale. Le dépistage a donc toute son importance, pour le repérage à un stade précoce de la maladie, stade qui permet d’agir pour ralentir son évolution et/ou d’en traiter les complications dès leur apparition. Dépistage : pour qui, pourquoi ? Le dépistage de la maladie rénale chronique a pour but de prévenir ou retarder la nécessité d’un traitement de suppléance rénale par dialyse ou transplantation, en favorisant le diagnostic précoce et le traitement approprié des stades moins avancés de la maladie. En Europe, le dépistage de masse en population pédiatrique a été abandonné en raison d’un coût-efficacité incertain et d’un bénéfice attendu controversé(1). En France jusqu’en 2016, le dépistage concernait théoriquement l’ensemble des enfants de plus de 4 ans. En effet, la mesure de la pression artérielle et la recherche d’une protéinurie faisaient partie des items à renseigner annuellement dans le carnet de santé. La prochaine version du carnet de santé, qui devrait être éditée en 2017, ne comportera plus l’item « protéinurie », le Haut Conseil de santé publique ayant émis un avis stipulant son caractère inutile. Si l’idée d’un dépistage de masse est abandonnée, il reste impératif de dépister les populations les plus à risque de développer une maladie rénale chronique. Et ces dernières sont essentiellement observées dans toutes les situations conduisant à une réduction néphronique. Réduction néphronique, la théorie de Brenner Des expérimentations sur le rat, menées par Brenner, ont permis dans les années 1980 d’appréhender les lésions rénales que génèrent une réduction néphronique. En effet, des rats soumis à une réduction néphronique subtotale voient se modifier l’hémodynamique glomérulaire sur les néphrons restants. Il s’instaure un cercle vicieux dans lequel l’hyperfiltration glomérulaire est responsable d’une glomérulo-sclérose, aggravant elle-même la réduction néphronique. Les rats développent une hypertension artérielle (HTA), une protéinurie puis, à plus long terme, une insuffisance rénale. Des études ont permis de montrer que ce cercle vicieux d’hyperfiltration et ses conséquences cliniques existent également chez l’homme. Les populations à risque rénal Les enfants présentant une anomalie congénitale des reins ou des voies urinaires (CAKUT, Congenital anomalies of kidney and urinary tract), diagnostiquée par échographie anténatale, ou parce qu’ils ont présenté des infections urinaires, font partie de ces enfants à risque. De même, ceux qui ont un antécédent d’insuffisance rénale aiguë sont à risque rénal à long terme. En effet, l’insuffisance rénale aiguë n’est pas un phénomène totalement réversible. Elle laisse des traces, bien souvent une réduction néphronique qui sera responsable à plus ou moins long terme de maladie rénale chronique. Les enfants ayant reçu des traitements néphrotoxiques de manière prolongée, notamment pour le traitement de cancers, et ceux suivis pour des maladies de système doivent également être surveillés comme population à risque. Rein fonctionnel unique En 2013, ont été publiés les résultats de l’étude KIMONO(2). Cette étude de suivi longitudinal a rapporté le devenir de 407 enfants présentant un rein fonctionnel unique. Plus d’un tiers de la population présentait une atteinte rénale, se manifestant par une HTA et/ou une protéinurie et/ou un traitement néphroprotecteur et/ou une insuffisance rénale. Le pourcentage de patients avec HTA était de 26 %, l’hypertension apparaissant en moyenne à 5 ans. Dix-neuf pour cent des enfants avaient une protéinurie présente en moyenne à 10 ans et 6 % de la population avait une insuffisance rénale, avec un débit de filtration glomérulaire < 60 ml/min/1,73 m2 , l’insuffisance rénale s’installant à 6,5 ans. Cette étude a également montré que l’atteinte rénale est d’autant plus sévère que les patients présentent un reflux vésico-urétéral associé, qu’ils ont dans leur parcours des antécédents de pyélonéphrite aiguë, que leur rein est hypo- ou dysplasique, ou que leur poids de naissance était < 2 500 g. Prématurité Les enfants nés prématurément sont à risque d’oligonéphronie, puisque la glomérulogenèse se termine normalement aux environs de la 36e semaine d’aménorrhée. Chez les grands prématurés, le développement des néphrons se poursuit cependant en post-natal, pendant les 40 premiers jours de vie. Néanmoins, ce développement postnatal de nouvelles unités fonctionnelles rénales aboutit malgré tout à une situation de réduction néphronique, ainsi qu’à des anomalies qualitatives des néphrons. Y. Kandasamy et coll.(3) ont montré que le volume rénal échographique d’enfants nés avant 32 SA restait à terme inférieur à celui d’enfants nés à 38 SA. De plus, la prématurité expose à d’autres facteurs de risque d’atteinte rénale néonatale : hypothermie, infections, déshydratation, anémie, médicaments néphrotoxiques. Des situations auxquelles sont fréquemment exposées les enfants prématurés. Petits poids de naissance : retard de croissance intra-utérine (RCIU) Les enfants de petit poids de naissance (< 2 500 g), qu’ils le soient du fait d’une prématurité ou par le fait d’un retard de croissance intrautérine (RCIU), ont été repérés depuis quelques années comme étant des enfants présentant une réduction néphronique, et de ce fait, sont à risque rénal. Ces données déjà anciennes ont été confirmées par des études de suivi récentes qui évaluent à moyen terme leur fonction rénale. K. Starzec et coll.(4) ont montré dans une population d’enfants nés entre 25 et 28 SA et présentant un poids de naissance < 1 000 g, qu’à l’âge de 7 puis 11 ans leur volume rénal est inférieur à celui d’enfants nés à 36 SA, et que leur fonction rénale, évaluée par un dosage de cystatine C, est significativement moins bonne que celle du groupe témoin. Dans un autre travail publié également en 2016, D. Khalsa et coll.(5) ont évalué la fonction rénale d’adolescents de 12 à 15 ans par une estimation du débit de filtration glomérulaire (DFG) et trouvé une proportion d’enfants présentant un DFG < 90 ml/min/ 1,73 m2 de 50 % chez ceux nés avec un poids < 1 000 g, 30 % chez ceux nés avec un poids < 1 500 g, 25 % chez ceux avec un poids < 2 500 g et 16 % chez ceux de moins de 2 500 g. Le lien est donc clairement établi entre poids de naissance et fonction rénale à l’adolescence. Retard de croissance post-natal En plus de l’importance de la croissance prénatale, il a été montré il y a quelques années(6) que la croissance post-natale des enfants nés prématurément influait sur leur devenir rénal. Dans une étude prospective, J. Bacchetta et coll. ont observé que les enfants qui présentaient un retard de croissance postnatal, à savoir les enfants nés eutrophes pour leur terme mais qui sortaient d’hospitalisation avec un poids et/ou une taille < 10e percentile, avaient une fonction rénale significativement moins bonne à 7 ans que celle d’enfants nés prématurément mais dont la croissance post-natale était normale. Ceci pointe l’importance d’optimiser les apports protéino-énergétiques de ces enfants prématurés et de faible poids. Obésité Les patients obèses présentent des modifications rénales morphologiques et fonctionnelles à type de glomérulomégalie et néphromégalie, ce qui se traduit par des modifications du débit sanguin rénal, une hyperfiltration générant des lésions de hyalinose segmentaire et focale. L’obésité est donc un véritable facteur d’apparition ou d’évolution d’une maladie rénale chronique. D’autre part, il a été démontré que le fait de cumuler un antécédent de prématurité puis une obésité majorait le risque rénal par oligonéphronie, hyperfiltration et hypertension artérielle(7). Recommandations de suivi À ce jour, il n’y a pas de consensus français pour le dépistage de la maladie rénale chronique dans les populations à risque. La Société de néphrologie pédiatrique recommande qu’un dosage du rapport albuminurie/créatininurie et une mesure de la pression artérielle soient réalisés annuellement pour les enfants les plus à risque(8). Le minimum pour l’ensemble des populations décrites pourrait être la réalisation annuelle d’une bandelette urinaire pour le dépistage de l’albuminurie et une prise de tension artérielle. Conclusion Le dépistage de la maladie rénale chronique concerne tous les médecins qui sont amenés à prendre en charge des enfants à risque, notamment des enfants nés prématurément ou ceux qui présentent une malformation des voies urinaires. Ainsi, la mesure de la pression artérielle et la recherche d’albuminurie doivent être régulièrement réalisées.

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