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Infectiologie

Publié le 05 mai 2017Lecture 7 min

Diagnostic et traitement de l’infection urinaire chez l’enfant

Sylvie NATHANSON, Centre hospitalier de Versailles, Le Chesnay

L’infection urinaire est l’une des infections bactériennes les plus fréquentes en pédiatrie. Sa prévalence globale avoisine 8 % chez la fille et 2 % chez le garçon. Les symptômes conduisant à évoquer le diagnostic d’infection urinaire sont peu spécifiques et fréquents : le plus souvent une fièvre isolée inexpliquée. La confirmation diagnostique dépend d’un recueil urinaire compliqué chez les enfants qui n’ont pas encore acquis les mictions volontaires. Quant au traitement, le choix antibiotique doit tenir compte de l’incidence actuelle des E. coli BLSE.

Données cliniques La probabilité de présenter une pyélonéphrite aiguë est influencée par le sexe de l’enfant, sa circoncision ou non et un éventuel antécédent de pyélonéphrite aiguë (PNA). Ce risque est doublé chez un enfant de moins de 2 ans ayant un antécédent d’infection, lorsqu’il présente une fièvre sans point d’appel. Une température de 39 ou 40 °C et une durée de fièvre > 24 heures augmentent chacun la probabilité de PNA de façon peu significative. La combinaison d’une fièvre > 39 °C, sans point d’appel et d’une durée de fièvre d’au moins 48 heures augmente nettement la probabilité de l’infection. Recueil urinaire C’est le temps le plus délicat. L’objectif majeur est de recueillir l’urine vésicale, normalement stérile, en évitant la contamination par la flore commensale qui colonise l’urètre et la région périnéale. Le recueil urinaire doit être précédé d’une désinfection soigneuse de la région périnéale au savon et avec un antiseptique, suivie d’un rinçage à l’eau. L’enfant ayant des mictions volontaires bénéficie d’un recueil de milieu de jet. Pour le nouveau-né et le nourrisson, les urines peuvent être recueillies à l’aide de poches adhésives stériles. Cette méthode expose à la détection de nombreux faux positifs par contamination très facile par la flore commensale digestive, présente sur la vulve et sur le prépuce. La méthode de recueil de référence est la ponction sus-pubienne très fiable mais invasive, douloureuse, exigeant du temps et des ressources. Le sondage urétral à l’aide de sondes souples représente une bonne alternative, même si sa technique est plus délicate chez le garçon. Le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) et la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) ont émis des recommandations. Le choix de la méthode de recueil destinée à la culture des urines repose au mieux sur le résultat de la bandelette urinaire. Si la bandelette est positive de manière non équivoque (leucocytes et nitrites fortement positifs), une méthode de recueil non invasive, comme un milieu de jet ou un recueil par poche, est suffisante pour la culture urinaire. Si le résultat de la bandelette est plus équivoque : présence de leucocytes seuls ou présence de leucocytes et nitrites mais à des taux faibles, il vaut mieux privilégier un recueil de milieu de jet ou, en cas de difficulté de réalisation, pratiquer un recueil plus invasif comme un sondage ou une ponction sus-pubienne. Test de détection rapide de l’infection urinaire : la bandelette réactive Le test de la bandelette urinaire pratiqué sur des urines fraîches permet le dépistage de l’infection via la recherche de leucocytes et de nitrites. Caractéristiques intrinsèques du test : sensibilité, spécificité Une métaanalyse publiée en 2010 a évalué les valeurs de sensibilité et de spécificité de la bandelette urinaire. Leucocyturie : la sensibilité globale du test de leucocyte estérase est en moyenne de 79 %. De faux négatifs sont possibles lorsque l’infection est à un stade précoce où la réaction inflammatoire n’est pas encore présente, ou en situation de neutropénie. La spécificité de la leucocyturie est de 87 %. Il existe des faux positifs liés à un mauvais recueil urinaire, responsable de la présence de leucocytes d’origine prépuciale, vaginale, cutanée ou digestive. Le test aux nitrites a une faible sensibilité, de l’ordre de 49 %.  Ce test est faussement négatif dans de nombreuses situations : – lorsque l’infection est liée à la présence d’un germe ne réduisant pas les nitrates. C’est le cas des pyocyaniques, des entérocoques, des streptocoques B, des acinétobacters ou des staphylocoques ; – un séjour trop bref des urines dans la vessie en est également une cause. Ceci se produit lorsque l’enfant présente une pollakiurie, mais c’est également le cas chez les nouveau-nés et les nourrissons de moins de 3 mois. Le test des nitrites est hautement spécifique, sa spécificité moyenne étant de 98 %. Les faux positifs sont donc très rares. Cas particulier de la population des nourrissons de moins de 3 mois. Une étude menée entre 2004 et 2011 a étudié la valeur de la bandelette chez plus de 6 000 nouveau-nés et nourrissons de moins de 3 mois. La sensibilité de la bandelette, considérée comme positive en présence de leucocytes ou de nitrites, était de 90,4 %, et la spécificité de 93,8 %. Une autre étude publiée également en 2014 et étudiant la valeur de la bandelette chez 3 400 enfants âgés de moins de 3 mois, montrait une sensibilité de la bandelette de 83,8 % et une spécificité de 92 %. Ces deux études montrent des résultats de sensibilité assez similaires à ceux chez des enfants plus grands. Rapports de vraisemblance Les rapports de vraisemblance, valeurs englobant la sensibilité et la spécificité en un seul indicateur, indiquent dans quelle mesure un test positif augmente la probabilité de la maladie (rapport de vraisemblance positif : RVP) et un test négatif diminue la probabilité de la maladie (rapport de vraisemblance négatif : RVN). Pour le RVP, le test est d’autant plus informatif que le RVP est très supérieur à 1. Le RVN est d’autant plus informatif qu’il est proche de 0. Le normogramme de Fagan (figure) permet d’évaluer facilement de manière graphique la probabilité post-test à partir de la prévalence de la maladie et du rapport de vraisemblance. Figure. Probabilité de pyélonéphrite chez l’enfant selon le résultat de la bandelette urinaire et selon la probabilité pré-test (prévalence de la maladie chez les garçons < 3 mois non circoncis), d’après P. Whiting et coll. BMC Pediatrics 2005. Dans une revue de la littérature de 2005, le rapport de vraisemblance positif poolé des nitrites est à 15,9 (IC 95 % : 10,7-23,7) (tableau). Ceci permet d’estimer dans une population où la prévalence de l’infection est de 7 %, la probabilité d’infection urinaire à 55 % si les nitrites sont positifs. Pour les leucocytes, le RVN poolé est de 0,26 (IC 95 % : 0,18-0,36). La probabilité d’infection passe de 7 % à une probabilité post-test de 2 % seulement si la bandelette est négative. Chez l’enfant de moins de 3 mois, la prévalence de l’infection urinaire étant de 20 %, malgré la négativité de la bandelette urinaire, la probabilité d’infection reste comprise entre 2 et 5 % chez la fille et entre 4 et 10 % chez le garçon non circoncis (figure). Dans cette tranche d’âge, étant donné la gravité potentielle d’une infection bactérienne, la négativité de la bandelette ne fait pas suffisament baisser la probabilité d’infection urinaire pour pouvoir se dispenser d’une mise en culture. Traitement de la pyélonéphrite aiguë Les recommandations émises par l’Afssaps en 2007 avaient été élaborées à une époque où le taux de BLSE était < 2 %. Aujourd’hui comme le montre l’étude d’ACTIV, les infections urinaires à BLSE font partie du quotidien du pédiatre ambulatoire. ACTIV a recherché le taux de colonisation à E. coli BLSE chez des nourrissons consultant en cabinet de ville. Sur 410 nourrissons prélevés entre 2010 et 2011, 4,9 % d’entre eux étaient colonisés à BLSE contre un taux de 9,3 % entre 2011 et 2012. Ce travail a de plus montré que l’utilisation de céphalosporines de 3e génération dans les 3 mois précédents était un facteur de risque de sélection de BSLE. Dans la recherche d’alternative à l’utilisation de C3G, les aminosides ont paru intéressants. En effet, ils sont actifs contre la majorité des E. coli BLSE, ont des critères pharmacocinétiques et dynamiques favorables pour le traitement de l’infection parenchymateuse sur les souches qui y sont sensibles, et leur efficacité a déjà largement été démontrée par le passé dans les pyélonéphrites à BLSE. Il ne faut pas, en revanche, oublier leur oto- et néphrotoxicité, et savoir les utiliser à une posologie raisonnable (adaptée à la fonction rénale) et pour une durée brève. De ces constats, le GPIP a proposé en 2014 une stratégie antibiotique. Les patients les plus sévères, à savoir les nourrissons de moins de 3 mois ou les enfants présentant un sepsis sévère ou ceux connus pour être porteurs d’une uropathie, doivent être hospitalisés pour la prise en charge thérapeutique. Les traitements antibiotiques pouvant être utilisés sont alors le céfotaxime ou la ceftriaxone associé à l’amikacine. Les autres patients peuvent bénéficier d’une prise en charge ambulatoire en étant traités par amikacine en monothérapie ou ceftriaxone pendant 2 à 4 jours. Le relai du traitement initial, administré par voie parentérale, est ensuite guidé par les tests de sensibilité in vitro. Le but est toujours d’épargner l’usage des céphalosporines orales pour limiter la sélection de résistance bactérienne. Pourront être utilisés par ordre de préférence dans ce but : le cotrimoxazole, le céfixime et, en 3e ligne de traitement, la ciprofloxacine. Un traitement oral par céfixime est possible pour les enfants âgés de plus de 3 mois qui ont une fièvre évoluant depuis moins de 48 heures, un état général conservé, qui n’ont pas d’antécédent d’infection urinaire, d’uropathie et qui n’ont reçu aucun traitement antibiotique récent. Dans les cas d’infection à entérocoques, l’amoxicilline est le traitement de choix par voie parentérale pour la première partie du traitement.

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